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Le G5 et la théorie du complot

Publié le lundi 26 novembre 2018  |  Focus Infos
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© aLome.com par Edem GADEGBEKU & J. TCHAKOU
La 19è session du Dialogue politique UE-Togo s`est tenue dans la capitale togolaise: les travaux ont été présidés par Pr Robert Dussey et Cristina Barreira de l`UE
Lomé, le 20 novembre 2018. Ministère des Affaires étrangères. La 19è session du Dialogue politique UE-Togo s`est tenue dans la capitale togolaise. Les travaux ont été présidés par Pr Robert Dussey et Cristina Barreira de l`UE. Les travaux des deux parties ont porté sur les législatives 2018, les négociations ACP-UE post Cotonou, le PND au Togo, le PIE (Plan d`investissement extérieur de l`UE) en Europe.
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Le 13 novembre dernier, le Groupe des 5 (G5), les ambassadeurs d’Allemagne, des Etats-Unis, de la France, la chef de la Délégation de l’Union européenne et le coordonnateur du système des Nations Unies au Togo, ont dans une déclaration commune, entre autres, invité, « les membres de la C14 à saisir l’opportunité des recommandations de la CEDEAO relatives au processus électoral et à la prorogation des opérations d’inscription sur les listes électorales afin de faire enrôler leurs partisans pour des élections régulières, transparentes et crédibles au Togo.» Cette sortie des diplomates intervient au lendemain d’un communiqué des Facilitateurs de la crise togolaise, insistant notamment sur le caractère impératif du 20 décembre comme date des élections législatives et encourageant le Gouvernement à ouvrir une période de prorogation de 72 heures des opérations de recensement pour ceux qui ne se seraient pas fait enrôler lors des dates précédentes.
Depuis, c’est un torrent de boues, d’insultes et d’invectives qui est déversé sur ces plénipotentiaires, sur cette petite musique que connaissent par coeur les observateurs de la vie politique togolaise : la théorie d’un complot international visant à faire taire les aspirations de l’opposition togolaise et à maintenir le régime en place.



Une théorie du complot selon Wiképédia, propose de donner une vision de l’histoire perçue comme le produit de l’action d’un groupe occulte agissant dans l’ombre. Loin de la simple rumeur, il s’agit (selon Peter Knight, de l’université de Manchester) d’un récit théorique qui se prétend cohérent et cherche à démontrer l’existence d’un complot entendu comme le fait qu’« un petit groupe de gens puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste affectant le cours des évènements ». La conspiration secrète civile, criminelle ou politique, visée par la théorie du complot, agirait généralement dans l’objectif de détenir ou conserver une forme absolue de pouvoir (politique, économique ou religieux).

Du point de vue des observateurs en sciences sociales, la théorie du complot tend à se soustraire à la réfutation ; en effet, toute démonstration destinée à prouver qu’aucun complot n’est à l’œuvre sera interprétée comme une nouvelle tentative de tromper le complotiste, qui continuera à chercher ce qui se passe dans l’ombre, et qu’on ne lui dit pas. Les explications officielles ou scientifiques établies par les pouvoirs publics et relayées par les grands média d’information seront structurellement discréditées.
La démarche de la théorie du complot cherche à adosser à des faits avérés un responsable selon une logique souvent uni-causale de narration. Elle se différencie en cela de la démarche historique qui induit une multi-causalité.

De fait au Togo, depuis plusieurs années s’est développée auprès d’une certaine opinion, l’idée que de grandes puissances internationales, soutenues par des pays de la sous-région et aidées par des multinationales et quelques lobbies économico-financiers, agiraient dans l’ombre pour empêcher la réalisation de l’alternance démocratique dans notre pays. Le communiqué du G5 le 13 novembre serait donc une nouvelle illustration parfaite de la conspiration internationale contre « le pauvre peuple togolais ».

A la liste des chefs d’Etat de la sous-région, notamment l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Guinéen Alpha Condé ( le Ghanéen Nana Kuffo-Addo faisant le va-et-vient en fonction des positions favorables ou défavorables au camp des complotistes), voués aux gémonies et livrés à la vindicte populaire parce que présumés « suppôts du régime », viennent désormais s’ajouter Christoph Sanders, David R. Gilmour, Marc Vizy, Cristina Martins Barreira et Damien Mama, visages au Togo du complot international. Plusieurs pancartes brandies par les manifestants lors de la marche organisée samedi dernier par la C14 finissent de convaincre que c’est une opinion largement partagée dans les rangs de la coalition, soutenue par plusieurs leaders, relayée abondamment par la presse proche de l’opposition et des activistes sur les réseaux sociaux, « théorisée » par des figures de la société civile et des « intellectuels engagés »

Ridicule:

Depuis le début du processus démocratique dans les années 90, le disque de la théorie du complot a tellement été jouée au gré des difficultés rencontrées par l’opposition et de ses échecs successifs, qu’il s’en est trouvé rayé et inaudible.
Soutenir l’idée d’une concertation internationale visant à faire obstacle aux actions de l’opposition togolaise et au changement de régime dans notre pays n’est pas crédible et pour tout dire, ridicule. Et ceci, de plusieurs points de vue.
D’abord, il n’y aucune raison objective à ce que des puissances mondiales et régionales complotent pour maintenir le pouvoir togolais en place. Sur le plan économique, les échanges commerciaux entre elles (Etats-Unis, France, Allemagne…) et notre pays représentent une quantité infinitésimale de leurs échanges avec le reste du monde, pour qu’elles en fassent une zone particulière de contrôle, un pré-carré qu’il faut protéger contre tout changement politique ou évolution démocratique ; alors que des voisins comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Sénégal etc. économiquement plus intéressants à priori, n’ont pas eu droit à ce présumé statut.

Pour rappel, globalement, la Chine demeure le premier partenaire du Togo depuis 2009. En se limitant aux importations extracommunautaires, la part des importations des produits chinois est en constante augmentation et ont doublé en cinq ans passant de 14,4% en 2012 à 29,1% en 2016. Les importations moyennes des produits chinois représentent 20,4% des importations extracommunautaires moyennes sur la période 2012-2016. La Chine est suivie par la France (9,4%), la Belgique (4,8%), les Pays-Bas (4,6%) et les Etats-Unis (4,2%).

Parmi les principaux partenaires commerciaux pour les importations extracommunautaires, au cours de la période 2012 à 2016, l’Inde a été le premier client extracommunautaire du Togo. L’Inde importe principalement le phosphate togolais. Les exportations vers l’Inde représentent 13,6% des exportations extracommunautaires moyennes. L’Inde est suivie par le Ghana (13,2%), le Nigéria (12,9%), la Pologne (4,7%) et le Gabon (4,5%).

Les parts des échanges commerciaux extracommunautaires du Togo selon les zones économiques montrent qu’à l’importation, le Togo échange principalement avec l’Union Européenne (UE) à cause de la France et de la Belgique qui font partie des principaux fournisseurs du Togo. Toutefois, la part des importations extracommunautaires avec l’UE est en baisse (40,5% en 2014, 34,2% en 2015 et 31,3% en 2016), à cause de la forte concurrence des produits chinois. Au niveau des exportations extracommunautaires, le Togo commerce principalement avec les pays de la CEDEAO hors UEMOA. En effet, le Togo exporte dans l’espace CEDEAO en général, le clinker, le ciment, les eaux minérales, les mèches et tresses, les sacs et sachets d’emballages, les produits de beauté et de maquillage etc.



En outre, le Togo n’est pas « un scandale géologique » comme peuvent l’être la Guinée et surtout la République Démocratique du Congo, dont le sous-sol regorge de moult ressources minières. Pourtant dans ce pays, les puissances occidentales ont clairement affiché leur opposition au maintien de Joseph Kabila au-delà de ses deux mandats constitutionnels et souvent dénoncé sa gouvernance. Sur le plan géostratégique, le Togo reste un pays « mineur » dans les grands enjeux internationaux et en face des géants comme le Nigéria. Certes, nous sommes régulièrement présents sur les théâtres des opérations internationales, en fournissant notamment à l’ONU des casques bleus ou des troupes combattantes dans certaines zones de guerre. Ceci reste cependant insuffisant pour expliquer et justifier un complot international visant le statu quo politique dans notre pays.

Fuite de responsabilité :

Nul n’imagine en effet, Donald Trump, entre deux rendez-vous et deux réunions consacrées à la situation au Moyen-Orient, à la crise migratoire qui menace aux frontières des Etats-Unis ou encore aux suites des élections du Mid-term, appeler Emmanuel Macron et Angela Merkel, et dans une vidéo conférence avec Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU auquel est associé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, pour décider du maintien de la date du 20 décembre pour les élections législatives au Togo. Et surtout pour « combattre les aspirations profondes du peuple togolais ». Au-delà de la caricature et du forçage de traits, c’est pourtant ce que croient mordicus certains militants et sympathisants de la C14.
Comme dans toute théorie du complot, plus le mensonge est gros, plus les gens y croient. Et l’adage le dit si bien, « mentez toujours, il en restera toujours quelque chose ».

De fait, la seule vertu de cette théorie, est qu’elle permet aux leaders de l’opposition de s’exonérer de leur propre responsabilité dans la situation actuelle. Qu’au lieu de faire une autocritique et un bilan sans complaisance de leurs actions, elle trouve la solution de facilité : celle de désigner des boucs émissaires. En effet, il eût été plus pertinent mais sans doute moins emballant, de se demander ce qu’ont fait ces leaders de la mobilisation d’août à décembre 2017 pour ne pas remonter plus loin, depuis le début du processus démocratique ? Comment avec des centaines de milliers de personnes cumulées dans la rue, à ce jour, les réformes ne sont toujours pas faites et que les opposants regroupés dans la C14 aient été réduits à batailler comme des chiffonniers contre le siège de l’UFC à la CENI, au fond d’un intérêt marginal ? Comment plus de 12 mois après le début de la crise, ils ne sont pas en mesure de présenter un seul acquis, sinon à se gargariser d’un boycott des élections législatives ?

Méconnaissance :

Ce que les théoriciens du complot semblent ignorer en clouant au pilori les diplomates, est qu’’aucun d’entre eux ne prendrait une telle position sans au minimum l’aval de sa hiérarchie. Et que contrairement à ce qu’ils pensent, les partenaires du Togo sont très au fait des réalités politiques de notre pays. Qu’ils en ont toutes les informations et en comprennent toutes les subtilités et susceptibilités, par différentes sources. Que l’exagération, comme d’’ailleurs la minorisation de la situation, ne saurait influencer leur point de vue. Au demeurant, depuis plusieurs années chaque crise est connue par l’organisation sous régionale de la zone où elle se déroule. Ses recommandations emportent celles de la communauté internationale. En clair, la feuille de route de la CEDEAO et les différentes positions exprimées par Alpha Condé et ses pairs, doivent être considérés comme celles des pays et organisation qui comptent.

Le problème de l’opposition est qu’elle crie depuis trop longtemps et systématiquement aux loups. Qu’à force et au vu des éléments en leur possession, les partenaires et amis du Togo ont compris, tout en reconnaissant des difficultés, et ne croient plus en leur. « Si chaque fois que vous avez de petits pépins ou des maux de tête, et que vous criez partout que vous avez le cancer, le jour où vous l’aurez vraiment, plus personne ne vous croirait » caricature un ancien ministre.
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