Convoqués à comparaître lundi devant le conseil de discipline de l’université de Lomé pour un motif « inconnu », 9 responsables de l’Association des Etudiants Togolais (ASET) ont été exclus des universités du Togo.
Benjamin Amouzouvi, le président de ce mouvement estudiantin, après avoir retracé dans une interview exclusive accordée à l’Agence Afreepress ce qui a conduit à la prise de cette décision « inexplicable » et « sans fondement », a rappelé que le campus « risque de s’enflammer » si les autorités universitaires maintenaient cette décision.
« Le campus risque de s’enflammer, à voir la tension de grève qui régnait déjà ce matin », a-t-il fait remarquer.
Au-delà de cela, l’ASET ne va pas rester les bras croisés devant une décision « injuste ».
« Nous allons convier toute la population à nous aider pour que cette décision soit revue. Ce qui implique que nous allons demander à la population de sortir dans les rues pour que justice soit faite ».
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Afreepress.info : Bonjour monsieur Amouzouvi, président de l’Association des Etudiants du Togo (ASET). Vous avez été convoqués par le conseil de discipline de l’Université de Lomé lundi, et nous avons appris qu’au sortir de cette convocation, 9 membres de votre association ont été exclus, qu’en est-il exactement ?
Benjamin Amouzouvi: C’est vrai, depuis le 17 janvier dernier, nous avons reçu une convocation signée du président de l’UL nous demandant de nous présenter devant le conseil de discipline le 27 janvier.
Nous avons déploré que sur la convocation il n’y avait pas de motif, mais nous nous sommes présentés quand même. La décision est que nous sommes exclus des universités du Togo, sans aucun délai, sans limite.
Nous ne saurions donner concrètement un quelconque motif évoqué et pour lequel on nous renvoie. Dans la salle, c’est le vice-président de l’université de Lomé, le professeur Tchamiè qui a présidé le conseil. Il a largement évoqué les actions de l’année dernière pour lesquelles nous avions d’ailleurs été sanctionnés. Pour cet incident, nous avions été convoqués et blâmés pour avoir été à l’origine des revendications. A notre grande surprise, ils sont revenus sur les mêmes événements aujourd’hui. Le seul événement actuel auquel ils ont fait cas, c’est la manifestation des étudiants ce lundi. Lorsque nous avons été convoqués, nous avons appris ce matin que nos amis du campus étaient en mouvement parce que nous étions convoqués par le conseil de discipline. C’est normal, parce qu’il y a une certaine solidarité qui nous lie.
Les camarades ont dit qu’ils manifesteraient jusqu’à nouvel ordre si nous sommes sanctionnés. Le conseil a donc fait cas de la manifestation de ce matin.
Afreepress.info : Ce n’était donc pas à cause de l’incident de la conférence de presse du 08 janvier dernier que vous êtes exclus ?
Benjamin Amouzouvi : Je ne crois pas que ce soit pour cette conférence, ils n’ont même pas fait cas de cette conférence. Ils ont juste dit que nous avons occasionné des troubles l’année dernière, et nous répétons cela. A notre connaissance, l’ASET n’a rien fait cette année qui puisse occasionner des troubles au sein de l’université. Donc je ne sais pas de quel trouble ils parlent.
Afreepress.info : Vous a-t-on déjà notifié la décision d’exclusion ?
Benjamin Amouzouvi : Nous n’avons pas encore la notification de cette décision qui émane du conseil de discipline où le président de l’université n’était pas là. Nous espérons fermement que le président sera indulgent en ce qui concerne la décision finale, parce qu’il n’a pas encore dit son dernier mot.
Afreepress.info : Pourquoi parlez-vous d’indulgence alors que vous dites que vous n’avez rien fait ? Est-ce à dire que vos revendications ne sont pas fondées ?
Benjamin Amouzouvi : Quand je parle d’indulgence par rapport à la décision de ce matin, c’est parce que je veux être un peu plus poli dans mes propos. Je ne veux pas dire que le président a l’obligation de revenir sur la décision d’exclusion. Je dis donc qu’il doit être indulgent, mais pas par rapport à nos revendications. Parce que tout le monde sait qu’elles sont légitimes, et les problèmes de l’université que nous évoquons sont vrais.
Afreepress.info : Que ferez-vous si la décision d’exclusion vous est notifiée ?
Benjamin Amouzouvi : Nous sommes envoyés à l’université par nos parents, et nous avons des amis et des frères pour qui nous sommes chers, et si la décision nous est notifiée, le campus risque de s’enflammer, à voir la tension de grève qui régnait déjà ce matin. Je ne suis plus étudiant à l’université mais les 8 autres sont des étudiants dûment inscrits. Je suis sûr que si la notification est faite, nos amis ne resteront pas sans rien faire.
En tant que président de l’ASET, nous allons convier toute la population à nous aider pour que cette décision soit revue. Ce qui implique que nous allons demander à la population de sortir dans les rues pour que justice soit faite.
Afreepress.info : Vous allez demander à la population de sortir dans les rues alors que votre association est taxée d’illégale, qu’est-ce que vous en dites ?
Benjamin Amouzouvi : Par rapport à cette illégalité dont nous sommes taxés depuis l’année dernière, toute institution du campus a des règles. Pour être membre de notre association, il faut régulièrement être inscrit à l’université de Lomé. L’année dernière, il s’est posé un problème selon lequel deux personnes de notre mouvement ne sont pas inscrits pour l’année académique en cours. Cela suppose donc que ceux-là ne doivent pas faire partie de l’association. Ils nous ont reproché cela, mais cette année, les inscriptions viennent à peine de finir. Il faut donc attendre la fin de toutes les inscriptions avant de formuler des remarques sur la liste que nous leur fournirons.
Afreepress.info : Que réclamez-vous cette année pour l’amélioration de vos conditions de vie et de travail sur le campus ?
Benjamin Amouzouvi : Nous vivons une situation alarmante aujourd’hui sur le campus sur le plan académique et sur le plan matériel. Même les salles de cours ne répondent plus, car elles datent de la création de l’université. Vous convenez donc avec moi que ces salles de cours dépassent les capacités d’accueil, les étudiants veulent ne serait-ce que s’asseoir par terre pour suivre les cours, mais ils n’en trouvent pas. C’est horrible à ce siècle !
Depuis 2007 que le système LMD a été instauré, rien n’est fait pour adapter ce système aux réalités du pays, et c’est déplorable. Depuis l’instauration du système, il y a plus d’abandon, moins de diplômés.
Un autre problème récurrent et grave, des retards dans l’affichage des notes. Vous composez un semestre, et vous n’avez parfois pas les notes jusqu’à la fin de l’année. Les notes des deux semestres sont cumulées jusqu’à la fin de l’année, alors que nous sommes censés avoir les notes à la fin de chaque semestre. C’est déplorable d’être obligé d’attendre la fin d’une année pour avoir les notes du premier semestre.
Vous allez à l’UL, les professeurs n’ont pas de connexion internet dans leur bureau, ils s’attroupent parfois à plusieurs dans un bureau de 4m2, c’est vraiment déplorable.
A notre avis, le campus a besoin d’une réforme pour que tout soit réglé, parce qu’on en finira jamais si nous posons les problèmes un à un chaque année.
Heureusement il y a eu un conseil présidentiel qui a eu lieu. Nous constatons cependant que ce conseil ne donne pas ce qu’il devrait donner. Les actions ne suivent pas ce conseil, et nous demandons une réforme des universités.
Au Togo, il y a une règle qui interdit la surcharge, mais à l’université, l’on peut se permettre de surcharger les étudiants. Tout cela laisse à désirer.
Le campus a actuellement des problèmes dans tous les sens et nous demandons tout simplement que des réformes soient engagées pour tout améliorer.
Afreepress.info : Le conseil présidentiel a fait récemment comme vous le dites des recommandations. Est-ce que vous ne vous inscrivez pas dans ces recommandations ?
Benjamin Amouzouvi: Bien sûr que nous nous inscrivons dans ces recommandations, mais il reste certaines choses à ajouter. Ce que nous déplorons, c’est que ces recommandations restent comme à l’accoutumée lettre morte. Nous souhaitons que les recommandations théoriques soient accompagnées de pratiques. Nous ne pouvons plus accepter des théories sans pratiques. Il faut qu’ils comprennent que leur théorie doit être accompagnée d’actions.
Pour nous, le conseil est une bonne chose, mais l’application des clauses de conseil en est une autre.
Afreepress.info : Par rapport aux conditions d’accès aux allocations d’aide, vous semblez demander à ce que le gouvernement revienne à moins de 20 crédits sur 60 pour l’allocation universitaire des anciens étudiants. Or cette année, il faut à un étudiant 28 crédits pour avoir l’allocation, qu’en est-il exactement ?
Benjamin Amouzouvi: La question des bourses, stages et allocutions, nous n’arrivons toujours pas à comprendre. Dans un pays comme le Sénégal, les étudiants prennent 36 000 francs par mois au titre de la bourse, alors que le Togolais ne prend que 15 000 francs, vous voyez déjà la différence. Mais les critères d’accès à ces 15 000 francs, sont encore en train d’être compliqués.
L’année passée, ils ont dit d’avoir douze crédits pour avoir les allocations de 30 000 francs après 3 mois, mais à un moment, ils sont montés à 20 crédits. Cela a suscité la révolte des étudiants. Malgré toutes nos manifestations, ils ont maintenu cela. Cette année, ils ont décidé unilatéralement, sans l’avis des étudiants d’aller à 28 crédits, et que c’est applicable en même temps, sans période moratoire.
Pour prendre une décision au campus, il faut donner un temps, communiquer suffisamment avant de commencer par appliquer. Nous avons l’impression qu’ils ne veulent pas que les étudiants évoluent.
Les étudiants n’ont pas d’argent, ils sont d’ailleurs les plus pauvres du pays. Mais il faut quand même les encourager à évoluer.
Les filles de l’UL sont là sans encouragement. On parle de la promotion du genre, mais les filles se débrouillent au campus et elles n’ont même pas d’encouragement. Nous demandons également qu’une discrimination positive soit faite au niveau des filles, pour qu’on puisse parler aussi à l’université de la promotion des filles.
L’autre problème c’est celui des étudiants handicapés. A l’université, ces étudiants subissent les mêmes contraintes pour l’accès aux allocations. Ça, nous ne pouvons pas le concevoir. Un non-voyant, par exemple qui se débrouille pour arriver au campus, doit être encouragé pour évoluer mais ce n’est pas ce que nous voyons.
Nous demandons donc aux autorités de faire preuve d’humanisme, à l’égard de ces handicapés et les aider à évoluer.
Afreepress.info : Où en êtes-vous avec la politique de l’excellence, quand vous défendez d’avoir moins de 20 crédits pour accéder aux allocations ?
Benjamin Amouzouvi : Parler de l’excellence à l’UL me fait un peu sourire. Non pas parce que les étudiants de Lomé ne peuvent pas être excellents, mais dans quelles conditions ?
Les étudiants qui ont leurs notes après un an peuvent être excellents ? Comment savoir ce que l’on vaut pour corriger, ou garder le même cap ? Les étudiants de Lomé sont bien intelligents, mais ce n’est pas en appliquant les critères qui ne les avantagent pas qu’on va les en vouloir. Au niveau de l’enseignement même, ça laisse à désirer.
Le problème de l’excellence, est selon nous un faux problème par rapport aux critères d’octroi d’allocation.
Afreepress.info : Un mot de fin ?
Benjamin Amouzouvi : Je demande à tous les étudiants de rester mobiliser pour le mot d’ordre à venir.
Propos recueillis par Telli K.