Avec l'arrivée de la saison sèche, chaque pays d'Afrique de l'Ouest prend des mesures pour lutter, interdire ou circonscrire les feux de brousse. Car ces feux font, d'une part, des ravages agricoles et souvent des victimes humaines et animales, d'autre part ils sont de plus en plus combattu pour leur impact environnemental particulièrement néfaste.
Au Burkina, les feux prennent de l'ampleur
Ce phénomène prend de l'ampleur bien que "la lutte contre les feux de brousse faisait partie des priorités de la Révolution d’août 1983", rappelle aujourd'hui notre confrère du faso.net. "Saison sèche rime avec herbes sèches. C’est une période qui correspond aussi au début de l’harmattan. Ce vent sec qui souffle favorise la propagation des feux[…] Les feux de brousse prennent de l’ampleur. Ils couvrent presque tout le pays. […] A certains endroits, des arbres qui venaient de pousser lors de la saison des pluies, n’ont pas eu de chance. Ils sont brûlés avant de passer leur première saison sèche." […] "Dans le Centre-Ouest, nous avons vu des karités et des nérés séchés par le feu. Les plantes médicinales périssent également. L’absence d’arbres favorise aussi l’avancée du désert. Ce qui contribue à rendre les sols plus pauvres. La faune est aussi menacée. Sans brousse, il n’y a pas d’animaux."
Et notre confrère, Dimitri Ouedraogo, de préciser qu'il existe différents types de feux et différentes causes. "Ces feux sont différents des feux de brousse précoces. Ces derniers sont utilisés par les techniciens pour permettre à la nature de se régénérer. En plus, il est fait bien avant que les herbes ne soient totalement sèches.[…] L’autre cause demeure les fumeurs inciviques. Ils manquent de prudence."
Le Sénégal dénonce la médiocrité des moyens et le sous équipement des agents
Au Sénégal, dès la mi-novembre, "le ministère de l’Environnement et du développement durable a lancé un appel au civisme et à la responsabilité, aux populations riveraines des forêts, aux éleveurs et à toutes les personnes traversant les zones à risque, afin d’éviter les causes des feux de brousse, très préjudiciables aux ressources fourragères nationales", souligne le communiqué.
"Onze départs de feux" ont été répertoriés, "affectant une superficie totale de 5249 ha » dans les régions de Louga, Saint-Louis et Matam. D'ores et déjà, des pare-feux ont été aménagés dans la zone sylvopastorale. Selon notre confrère Sudonline dans un article publié fin novembre, en ne prenant que les chiffres de la région de Sédhiou, leur nombre serait plus important. "Les forêts de la région de Sédhiou ont brulé plus que toutes autres au Sénégal en 2017. En tout, 89 cas sont officiellement répertoriés cette année-là pour une superficie de 17 820,5 hectares. Vue sous l’angle de l’étendue du sinistre à l’échelle du territoire national, Sédhiou occupait la troisième place des régions les plus touchées, derrière Matam et Louga." Quant à 2018, "l’on note 68 cas de feux de brousse enregistrés dans la région de Sédhiou pour 6.947 hectares brûlés, selon l’Inspection régionale des eaux et forêts."
Selon Djimanga Diédhiou, inspecteur régional des eaux et forêts de Sédhiou, les auteurs de ces feux de brousse sont "les charbonniers, les récolteurs de miel, les chasseurs, les contrebandiers qui cherchent à s’échapper des patrouilles de la douane, la culture sur brûlis, le renouvellement des pâturages, l’imprudence des fumeurs et des campeurs. Les feux sont aussi provoqués volontairement par les bandits ou les voleurs de bétail juste après leur forfait, surtout en zone de frontière avec la Guinée-Bissau et la Gambie". L'inspecteur souligne que "l’absence de collaboration des populations locales complique l’identification des pyromanes. Seule la culture de la dénonciation peut nous aider à traquer les auteurs. Et les poursuites qui pourraient s’en suivre seront dissuasives", déclare-t-il, rapporte notre confrère. Mais il y a aussi la géographie de la région de Sédhiou, à la frontière de la Gambie, zone d'insécurité et de forte mobilité transfrontalière.
Autre facteur majeur, "la médiocrité des moyens et le sous équipement des agents ne sont pas pour faciliter les interventions de lutte contre les incendies de forêt". […] "La région ne dispose que d’une seule unité d’intervention, même si les autorités sont en train de renforcer progressivement les moyens logistiques. Le secteur de Bounkiling a une petite citerne qui les aide à prendre en charge les demandes. Le Projet de renforcement de la gestion des terres et des écosystèmes en Casamance et dans les Niayes (PRGTE), dans le contexte des changements climatiques, œuvre aussi à la mise à disposition de brouettes, de pelles, de râteaux, entre autres, aux comités de lutte contre les feux de brousse notamment à Diendé», renseignent les forestiers."
Les pompiers au Ghana forment aux bonnes pratiques culturales
Au Ghana, la semaine dernière, le National Fire Service (GNFS) a lancé sa campagne nationale 2018/19 pour prévenir les feux de brousse sur le thème "Notre avenir dépend du maintien d'un environnement durable, prévenons les feux de brousse maintenant"!
Des actions qui ont des résultats. Selon le ministre de l'Intérieur, Ambrose Derry, 866 feux de brousse ont été répertoriés en 2017 contre 1 837 en 2016, rapporte Ghanaian Times. Des feux qui représentent une menace majeure pour le programme gouvernemental "Planter pour de la nourriture et des emplois."
D'où l'accent mis cette année sur la formation d'un nombre plus grand de pompiers pour aider les agriculteurs à adopter de bonnes pratiques culturales. Ceci dit, le Chief Fire Officer Ekow Blankson, a souligné la difficulté pour les GNFS de combattre efficacement les incendies car, au fil des années, leurs moyens notamment logistiques, ont été fortement réduits. En outre, la non application des sanctions à l'égard des auteurs de feux de brousse accentue le phénomène : il faut que les chefs traditionnels cessent de demander que les auteurs des feux de brousse soient relaxés, déclare le responsable des pompiers.
L'épiscopat ghanéen, lui-même, s'implique. Réunis en assemblée plénière mi-novembre à Techiman, au centre du pays, les évêques ont réfléchi, entre autres, aux questions environnementales et se sont inquiétés notamment de la désertification due aux feux de brousse, rapporte La Croix Africa.
L'importance du concours des chefs traditionnels en Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, la semaine dernière, le sous-préfet de Touba, Savadogo Adama, a également souligné l'importance des chefs traditionnels sur cette question des feux de brousse et les a invités à être des relais de sensibilisation auprès des populations sur la prévention et la lutte contre les feux de brousse. En octobre et en novembre, des comités villageois de lutte contre les feux de brousse ont été créés.
Notons qu'en Côte d'Ivoire, chaque année, des caravanes nationales de lutte contre les feux de brousse sont organisés par le ministère des Eaux et forêts. En janvier 2018, on en était à la 22ème édition qui avait sillonné de janvier à mars quatre régions : celles du Bélier, de la Marahoué, du Béré et du Worodougou. A cette occasion, le ministre Alain Richard Donwahi en avait appelé aux "1 243 comités de lutte contre les feux de brousse à redoubler de vigilance dans leurs différentes localités avant d’engager les populations individuellement et collectivement au civisme et à une profonde prise de conscience pour vaincre le fléau et à faire en sorte qu’il ait 'zéro feu de brousse en Côte d’Ivoire' pour le reste de la saison sèche et pour toujours", avait rapporté la RTI.
En 2016, les feux de brousse ont tué 17 personnes, détruit 10 villages, décimé 1 100 hectares de forêts, ravagé 15 000 hectares de cultures et occasionné des dégâts évalués à plus de FCFA 204 milliards (€ 310 millions). Le couvert forestier de la Côte d’Ivoire était estimé à plus de 16 millions d’hectares en 1960, contre moins de 3,4 millions, aujourd’hui.
Signe de l'importance du sujet, en prenant la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations Unies pour un mois, le ministre ivoirien des Affaires étrangères Marcel Amon-Tanoh avait évoqué les feux de brousse et la déforestation dans une interview accordée à notre confrère RFI sur les grands dossiers de cette présidence.