Les citoyens du Togo ont vu leur situation économique déjà précaire, empirer depuis le 16 janvier. Alors qu’aucune fluctuation notable du prix du baril de pétrole n’est enregistrée sur le marché international, le Togo vient d’augmenter (encore) de 60 FCFA le prix du super à la pompe. Mais serait-ce l’augmentation de trop ? Nous avons fouillé pour en savoir plus sur les réalités du prix de revient d’un litre de super importé au Togo. Les résultats ne sont pas à l’honneur des autorités actuelles. Comme c’est souvent le cas.
L’exercice auquel votre journal s’est adonné est purement mathématique, mais eu égard à la gravité des constats, il urge que chaque citoyen réalise comment, sur 1 litre de super sans plomb, le régime actuel cumule des charges atteignant 229,79 FCFA.
La nouvelle structure du prix du super sans plomb à compter du 16 janvier est tombée dans notre escarcelle et nous l’avons décortiquée pour vous. Pour rappel, notons que les chiffres y figurant concernent l’hectolitre, c’est-à-dire 100 litres de super, mais l’usager togolais étant habitué à ne payer la plupart du temps qu’un ou deux litres à chacun de ses passages dans les stations – les autorités ayant tout mis en œuvre pour tuer la vente du carburant non filtré -, nous avons estimé plus compréhensible de convertir tous les chiffres à l’unité du litre.
Le coût-assurances-fret (CAF) d’un hectolitre à compter du 16 janvier est de 36.661,13 F, soit 366,611 FCFA le litre. Le différentiel d’importation qui s’ajoute au CAF est de 2,766 FCFA, soit au total 369,377 FCFA à son arrivée au port de Lomé. Les droits fiscaux (10% -5% -10% du CAF), le P.C (CEDEAO) qui est d’1% du CAF douanier, les taxes statistiques, la TVA au cordon douanier et la taxe de protection infrastructures font grimper le total des frais de douane à 11.790,22 FCFA pour 100 litre, soit 117,90 FCFA sur 1 litre de super. Et là encore, on n’a pas réparti la taxe de protection infrastructures sur le litre.
Ensuite les droits d’accises résiduels, les frais pour le Fonds routier, la TVA sur les services font que le total des impôts, sur 1 hectolitre, s’élèvent à 7.488,96 FCFA, soit 74,89 FCFA comme impôts sur 1 litre de super. Et ce n’est pas fini. L’ensemble Mécanisme ajustement F/HL, péréquation et PADSP dégage une marge de 37 FCFA sur le litre de super. Au final, lorsqu’on prend en compte les frais de passage TSL et STE, et le différentiel de transport, la nouvelle structure des prix du super sans plomb laisse malgré tout 35 FCFA de marge bénéficiaire sur le litre aux pétroliers et gaziers et 15 FCFA aux détaillants. A son arrivée à l’embouchure, le prix du litre du super serait de 677,9 FCFA. Donc, apparemment, les usagers n’ont pas encore fini de boire la coupe ; il leur reste la lie qui serait de 23 FCFA. C’est certainement ce à quoi penserait le ministre de la Prospective, le Professeur Kako Nubukpo lors de son intervention sur une chaîne radio.
« Même avec cette augmentation, l’Etat continue de financer les prix des produits pétroliers à la pompe…Il y a encore trente milliards de subventions », avait-il eu le courage de dire malgré la hausse. Il est allé plus loin : « Tout d’abord, il y a nécessité d’appliquer ce que nous appelons la vérité des prix, et deuxièmement, la nécessité de veiller à l’équité sociale. Concernant la vérité des prix, depuis juillet 2011, le gouvernement n’a plus touché aux prix des produits pétroliers… ». Le ministre n’est pas sans ignorer que c’est compte tenu de la misère ambiante que beaucoup de Togolais portent en bandoulière, que les services des Transports routiers ont initié une opération foraine d’immatriculation en ne prenant pas en compte les frais d’assurance. Ça, c’est un exemple d’équité sociale. Mais en quoi des frais de douane de 117,90 FCFA, d’impôts de 74,89 et d’un système de péréquation et machins de 37 FCFA, portant le tout à soit au total 229,79 FCFA sur un litre de super qui, à l’achat, ne coûte que 366,6113 FCFA participent-ils à « l’équité sociale » lorsque le baril de pétrole est longtemps tombé en dessous des 100 USD ?
M. Nubukpo a osé le terme de « transferts monétaires » sans renseigner la population que par exemple la coordinatrice du PDC Plus en charge de veiller à la mise en application de ce projet, malgré qu’elle soit admise à la retraite comme fonctionnaire de l’Etat togolais, perçoit près d’1,2 million brut de salaire mensuel. Combien percevront ceux et celles qui seront admis aux transferts monétaires ? La prospective n’est pas de justifier les actes du gouvernement, mais de lui dire si les actes qu’il veut poser sont conformes au « standing » du citoyen togolais. Lorsque le ministre se réjouit que « …nous devons faire le plus possible la pédagogie de cette décision et de la réforme que ça impulse », il serait utile qu’il indique la voie à suivre pour faire comprendre à cet homme qui, pour n’avoir jamais été admis à la fonction publique, tire le diable par la queue en faisant du taxi-moto. Cet homme serait très intéressé de savoir d’où le Togo importe son pétrole puisque M. Nubukpo dit que « c’est parce que nous sommes importateur de pétrole » que les prix fluctuent. A ce jour, le Professeur n’a pas renseigné quant à la provenance du pétrole qui est servi à la population. Au Bénin et au Ghana, deux pays limitrophes du Togo, les populations ne sont pas aussi aux abois comme sur la terre de nos aïeux.
C’est ce mois que le commissaire général de l’Office togolais des recettes a été désigné. L’OTR est censé booster les recettes de la Douane et des Impôts. En tant qu’ « expert » de la Prospective doté d’un budget de plus de 193 millions de FCFA, il serait tout aussi intéressant que M. Nubukpo instruise la population sur ce que pourra rapporter pour la première année, ce projet cher à son mentor, Faure Gnassingbé, aux caisses de l’Etat togolais. Afin qu’à l’issue de la première année d’exercice, les Togolais soient édifiés sur ses compétences en matière de prospective et sur la part qui sera affectée au bien-être des couches les plus défavorisées. C’est tout aussi important que les supputations pour justifier la hausse du prix des hydrocarbures.