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Régulation bancaire dans l’UEMOA : décryptage d’un clash entre experts de la BCEAO et de Finactu

Publié le lundi 14 janvier 2019  |  Agence Ecofin
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© Autre presse par DR
Balance de la Justice universelle.
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La publication par FINACTU d’un rapport sur la mise en œuvre de Bâle III, une régulation bancaire pensée en Occident et appliquée, entre autres dans l’UEMOA, a suscité, de la part d’une experte de la BCEAO, une critique d’une véhémence inhabituelle dans le monde feutré de la finance. Certes, les arbitrages en faveur d’un cadre de financement bancaire efficace sont délicats et les défis sont nombreux, mais pourquoi une polémique aussi vive? Notre analyse.





Le rapport publié par FINACTU sur la mise en œuvre des normes Bâle III en matière de régulation bancaire dans la sous-région UEMOA, a été diversement reçu par les acteurs du secteur, mais l’on retiendra surtout la violente charge de Yaye Aminata Seck Mbow, une officielle de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, dans les services en charge de la mise en forme de cette nouvelle réglementation.

L’experte s’est vivement attaquée aux conclusions de ce rapport qui, de son point de vue, donne des informations erronées. « Pour moi ce rapport ne vaut rien. Cela, je le dis et je pèse vraiment les mots. Nous sommes en 2018 et nous avons les bonnes informations fournies par les banques. Lesquelles informations montrent des résultats qui n’ont rien à voir avec ce que le rapport nous dit » a-t-elle indiqué dans une interview accordée au site Financialafrik.

A Casablanca, chez FINACTU, on préfère s’inscrire dans la dynamique de la contribution et de l’accompagnement dans le cadre d’un processus qui contient de nombreux défis. «Nous avons mis sur la table du secteur financier un rapport de 100 pages, fruit de 12 mois de travail... Si des personnes ne sont pas d’accord avec nos thèses, qu’elles produisent par écrit leurs propres analyses dissidentes », ont-ils fait savoir dans un commentaire transmis à l’Agence Ecofin.

Pourtant, au-delà de ces désaccords, l’étude a le mérite d’ouvrir la discussion sur l’opportunité qu’il y avait d’adopter au sein des économies africaines aux structures bancaires faibles, un ensemble de règles dont l’objectif premier était de répondre à des défis survenus dans des pays aux architectures financières très développées.

Le rapport de Finactu a aussi le mérite de revenir sur les implications possibles de cette initiative, tant sur les intermédiaires financiers que sur les bénéficiaires de leurs services.


Bâle III : Une régulation aussi nécessaire que porteuse de défis

Analyser les implications de cette nouvelle régulation ne manque pas de pertinence. L’accès au crédit est une condition essentielle au déploiement de l’entreprenariat en Afrique. L’UEMOA n’échappe pas à cette règle. Toutefois, même si la sous-région n’a pas été directement impactée par la crise financière internationale, elle a connu ses propres crises qui ont, elles aussi, conduit à des faillites dans le secteur bancaire.


L’étude proposée par FINACTU semble avoir bien saisi ce dilemme qui ressort clairement dans une longue première partie. On en retient deux faits fondamentaux et contradictoires. Le premier, c’est que la sous-bancarisation des populations réduit la demande de services bancaires formels, créant une situation où, finalement, il y a davantage de banques que l’économie de cette sous-région peut en absorber. Le deuxième point, c’est que la difficulté à bien appréhender la solvabilité des demandeurs de crédit dans la sous-région nécessite une régulation forte et rigoureuse.

Ces problèmes étaient connus bien avant Bâle III, et font d’ailleurs l’objet de critique de la part de plusieurs analystes du secteur de la notation. De Moody’s à Fitch en passant par Standard & Poor’s, la faible régulation bancaire dans les pays de la zone franc CFA, dont fait partie l’UEMOA, est un constat largement partagé depuis plusieurs années. Mais dans la formulation de sa stratégie entre 2016 et 2018, la BCEAO ne semblait pas mettre ces préoccupations au centre des objectifs de la mise en œuvre des règles Bâle II et III.

« La réglementation prudentielle en vigueur reste celle basée sur les dispositions de l’accord de Bâle I, conclu en 1988, alors que des modifications substantielles apportées à cet accord ont été publiées par le Comité de Bâle en 2004 (Accord de Bâle II) et à partir de 2010 (Accord de Bâle III). Ce décalage est porteur de risques de réputation pour le régulateur et le superviseur bancaires, rendant urgente l’implémentation dans l’UMOA des dispositions de nouveaux accords (Note de l’auteur) », peut-on lire en substance dans le document de stratégie publié par l’institution d’émission monétaire de l’UEMOA.



Des défis soulevés alors que Bâle III était encore en projet dans la sous-région

C’est dans cette logique qu’une lecture différente de celle de l’administration devient déterminante. Si la démarche de FINACTU est la première depuis l’entrée en vigueur de Bâle III en janvier 2018, elle n’est pas en soi une nouveauté. Plusieurs études antérieures ont abordé la question de la régulation bancaire dans l’UEMOA. Le constat commun de ces contributions, au-delà de légères différences, est que ces réformes ont un coût certain et peuvent être contre-productives en ce qui concerne l’amélioration de l’accès au crédit.


Un des points à retenir avec Bâle III, c’est que progressivement, les banques devront accroître leurs fonds propres, afin de répondre de manière appropriée à la nouvelle prise en compte des risques. Or les fonds propres sont généralement des ressources appartenant aux actionnaires des banques et qui viennent s’ajouter au capital social.

FINACTU pense que, si pour les grands groupes et leurs filiales, augmenter les fonds propres est relativement aisé, il n’en sera pas de même pour toutes les 123 banques de l’UEMOA. L’exigence de « plus de capital » impose celle de « plus de vigilance et plus de résultat » pour rentabiliser ce capital, expliquent ses analystes. Or, justement, avec la nouvelle prise en compte des risques, il faudra encore plus de fonds propres.

Traditionnellement, les banques ont, dans ce type de situation, deux options : réduire leurs engagements à la hauteur de leurs fonds propres et ne pas prendre de risques supplémentaires, donc réduire leurs revenus. Ou bien, elles peuvent continuer de prêter à l’économie mais devront chercher à mobiliser plus de ressources de contrepartie. Et c’est là où le bât blesse : la mobilisation de ces fonds propres est un problème.



La mobilisation des fonds propres, un des principaux enjeux de Bâle III dans la zone UEMOA

Selon le rapport de supervision bancaire de la BCEAO, les banques de l’UEMOA dans le cadre d’un autre objectif de régulation, ont mobilisé près de 362 milliards de FCFA de capital social supplémentaire entre 2015 et la fin 2017. Sur cette période, seulement 7 banques n’avaient pas encore atteint le niveau de capital social requis, pour un manque global de fonds de 18 milliards de FCFA.

«Nous pensons que ce n’est pas aider les banques que de leur masquer les conséquences de Bâle III : au contraire, FINACTU prend le parti de tirer les conclusions d’une réglementation vertueuse, mais exigeante, pour aider les banques à s’y adapter, comme cela s’est déjà passé dans beaucoup de pays au monde », font savoir les experts de FINACTU.

Mme Mbow, de la BCEAO, estime qu’il n’est pas pertinent de se focaliser uniquement sur la question des fonds propres, lorsqu’il est questions de l’application de Bâle III. « L’on se focalise trop souvent sur les exigences de fonds propres alors que le cœur des reformes porte sur les aspects qualitatifs. On parle aujourd’hui de bancarisation, mais le préalable c’est qu’il faut des banques qui ont une bonne santé financière pour financer les économies adéquatement », fait-elle remarquer.


Elle estime, par ailleurs, que sous l’impulsion des réformes prudentielles, les résultats sont satisfaisants, parce que certaines banques ont anticipé sur les exigences de fonds propres. Et la capacité des banques aurait été, selon elle, renforcée à travers cette réforme. « Ce qu’on peut dire aussi c’est qu’en termes d’outils pour gérer les risques, les banques ont été mieux outillées à travers la règlementation », explique-t-elle, parlant de Bâle III.



Bâle III, une pilule dont il faudra finalement contrôler les effets secondaires

Toujours selon Mme Mbow, la banque centrale de l’UEMOA n’a pas retranscrit toutes les dispositions de Bâle III. « Le comité (de Bâle) introduit les approches standards que nous n’avons pas transposées parce qu’elles vont à l’encontre de nos objectifs de financement. Bien sûr, nous voulons un système bancaire solide et résilient, mais nous voulons aussi un système qui finance les économies de nos Etats membres donc c’est cet équilibre là que nous sommes allés chercher avec Bâle III», a-t-elle fait savoir.



L’évolution de cette régulation dans l’UEMOA est à suivre. FINACTU estime qu’elle pourra avoir un coût supplémentaire de 700 milliards de FCFA, rien que pour la zone, et de 1000 milliards pour l’ensemble de la zone Franc CFA. Une somme qui sera difficile mobiliser d’ici 2022, après le processus de renforcement du capital social qui n’est toujours pas achevé.

Au-delà de la polémique, il demeure pertinent que les banques devront soit entrer dans une nouvelle phase d’investissement, soit procéder à une croissance organique impliquant des surcoûts pour le service bancaire. Ou bien encore procéder à des consolidations, pour mutualiser les ressources et affronter les nouvelles contraintes du marché.



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