De mémoire de Togolais, jamais on
n’a entendu parler de promotion concernant l’immatriculation des engins à
deux roues. Mais depuis un moment, l’intérieur du pays connaît des
mouvements qui pourraient s’identifier à des mesures du gouvernement
tendant à accompagner la hausse des prix des produits pétroliers. Ou à
inciter les payeurs de taxes à se rendre d’eux-mêmes aux lieux indiqués.
Mais cela paraît tout de même curieux que cette promotion ne s’étende
pas d’une part à tout le territoire et que cela se passe à quelques mois
des élections locales.
Presque 50.000 FCFA ; tel est le coût
d’immatriculation d’une moto au Togo, assurance comprise. Pendant
longtemps, les usagers, auto-moto, ont décrié les montants exorbitants
fixés par la Société togolaise de plaques contrôles et visites
techniques (SOTOPLA-CEVA) et des Transports routiers. Surtout au niveau
des motos. Toutes les augmentations des prix du carburant n’ont jamais
eu d’influence sur ce prix. Mais depuis un certain temps, des rumeurs
qui sont devenues des clameurs font état d’une « promotion » sur
le coût de l’immatriculation des engins à deux roues. Ainsi, de
Cinkanssé à Kévé, le coût est passé de moins de 55.000 FCFA à 19.500
FCFA. Soit près de 65% de réduction ! Qu’est-ce qui peut expliquer ce
revirement à plus de 180° ?
Lors d’une rencontre avec le ministre de
l’Economie et des Finances, Adji Ottèth Ayassor, celui-ci avait déclaré
qu’il y aurait avec l’Office togolais des recettes (OTR) des mesures
incitatives pour pousser les citoyens à se déplacer eux-mêmes pour
s’acquitter des taxes. A ce jour, l’OTR n’a recruté que son Commissaire
général et donc cette probabilité ne peut être retenue. Il y a peu de
temps, la population maugréait à cause de l’augmentation des prix des
produits pétroliers. L’Etat togolais ne pourrait pas arguer que c’est
pour juguler les effets de ces hausses. Car ce ne sont pas les seuls
usagers d’engins à deux roues qui sont touchés par la mesure « indécente ».
Les utilisateurs de gaz butane et les conducteurs de véhicules sont
aussi concernés. Mais alors, qu’est-ce qui peut expliquer cet état de
chose lorsqu’on sait que la mesure n’est pas (encore) étendue à Lomé la
capitale ?
Pour en savoir plus, nous avons fait un
tour à la Direction des Transports routiers qui abrite aussi les
services de Sotopla. Un crochet dans une agence d’assurance nous a
permis de comprendre que normalement l’usager paye les frais de Sotopla
pour 8.500 F, 3.500 F pour la visite technique, 500 F pour la plaque,
10.000 F comme quittance au Transports routiers, 500 F pour le timbre et
25.800 F pour l’assurance. Selon un agent, l’opération serait destinée à
aider ceux qui peinent à faire l’immatriculation à l’intérieur du pays.
Sont-ils exonérés des frais d’assurance ? L’agent nous répond que non.
« Bientôt les opérations de contrôle pour port de casque et
effectivité de l’assurance vont commencer, et donc nous n’avons pas
estimé urgent de nous associer à cette opération foraine. Tous ceux qui
immatriculent leurs engins sans assurance n’ont pas intérêt, lorsque les
contrôles vont commencer, à croiser la police. Parce que la zone CIMA
dans laquelle se trouve le Togo rend obligatoire l’assurance », nous-a-t-il déclaré.
Le Directeur des Transports routiers, M.
Agbokpè nommé à ce poste en novembre dernier, nous a ouvert ses portes.
A l’en croire, « beaucoup de motos en circulation ne sont pas
immatriculées et c’est pour aider les populations de l’intérieur que
cette opération foraine qui prend fin cette semaine, a été initiée ».
Interrogé sur le problème de l’assurance, il répond que cela ouvre la
voie à un débat, mais que la Loi du 3 juin 1987 rend obligatoire la
souscription à l’assurance. Et sur l’information selon laquelle très
bientôt la police fera sa descente sur le terrain pour obliger tous les
usagers à s’assurer, le directeur répond que c’est un projet en
gestation avec la dernière sortie du Commandant Akpovi sur les médias.
Et pourquoi avoir « exclu » le Grand Lomé de l’opération ? Mystère.
Il vous souvient que lors des dernières
législatives, l’opposition a presque fait mains basses sur la capitale
et le Grand Lomé composé d’une dizaine de communes, ce qui a fait dire
que la zone serait acquise à l’opposition. Et c’est justement cette
partie du territoire qui est exclue de l’opération foraine initiée par
les autorités, une opération lancée au moment où des voix s’élèvent de
plus en plus pour exiger la tenue dans un délai raisonnable des
élections locales. Un tour à travers les dix communes du Grand Lomé lève
un coin du voile sur l’état de pauvreté avancé des ménages. La plupart
ne survivent que grâce à la conduite de taxi-moto. Aucune statistique
n’est brandie pour justifier l’exclusion du Grand Lomé de l’opération,
si ce n’est que cette partie a élu sept députés sur dix de l’opposition.
Mais il est fort à craindre que ce
seront les compagnies d’assurance, ou au finish les usagers qui se sont
précipités –certains ont quitté Lomé pour Notsé afin de bénéficier de
l’opération-, qui seront les perdants. Car si les usagers se montrent
dociles, ils reprendront leur moto que la Police leur aura retirée lors
des contrôles après s’être acquittés des frais d’assurance. Dans ce cas,
les assureurs n’auront rien perdu. Ou alors, avec la dernière
augmentation des prix du carburant que les usagers n’ont pas fini
d’avaler, ceux-ci risquent de ne pas se laisser conduire à l’abattoir
comme des agneaux sacrificiels. Et c’est la paix sociale qui risque d’en
prendre un sérieux coup. Car certains ont dû emprunter les 19.500 F
pour être en règle avec les services d’immatriculation.
Abbé Faria
LIBERTE HEBDO TOGO