LOME- Le Togo, où près de quatre tonnes d’ivoire ont
été saisies en moins d’une semaine, veut cesser d’être une plaque tournante du lucratif trafic de défenses et intensifie la répression pour sauver les éléphants d’Afrique victimes du braconnage.
Un premier stock de 1,7 tonne d’ivoire avait été découvert le 23 janvier au port de Lomé dans un conteneur en partance pour le Vietnam et, mercredi, la police a opéré une nouvelle saisie importante. Plus de 2,1 tonnes d’ivoire ont été retrouvées au port de la capitale, dissimulées dans deux autres conteneurs appartenant au même propriétaire.
Ce dernier, un Vietnamien, a été arrêté avec deux suspects togolais.
"Les enquêtes se poursuivent afin que le réseau soit complètement
démantelé. Le Togo est devenu aujourd’hui l’un des pays de transit pour ces trafiquants sans vergogne", explique à l’AFP le ministre togolais de l’Environnement et des Ressources forestières, André Johnson.
Plus grands mammifères terrestres, les éléphants attirent les touristes mais ils sont aussi victimes d’une augmentation du braconnage encouragé par la pauvreté et la corruption dans les pays d’Afrique et alimenté par une forte
demande en Asie.
Le commerce international de l’ivoire a été interdit en 1989 par la
Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES).
Mais le trafic s’est poursuivi, représentant un marché mondial estimé
à 10 milliards de dollars (7,4 milliards d’euros) par an et menaçant l’espèce.
De 10 millions en 1900, la population des éléphants d’Afrique a chuté à 1,2 million en 1990 et ils ne sont plus que quelque 500.000 aujourd’hui, selon des défenseurs de l’environnement.
Entre 22 et 25.000 sont tués chaque année, soit plus de 60 par jour, et, selon la CITES et d’autres organisations de protection des animaux, 20% des éléphants d’Afrique pourraient disparaître en une décennie si le braconnage se poursuit à son rythme actuel.
Pour enrayer le massacre, 30 pays d’Afrique et d’Asie se sont mis d’accord début décembre sur un plan d’urgence lors d’une conférence internationale à Gaborone, au Botswana.
"Nous sommes face à des réseaux de criminels suffisamment outillés et
souvent lourdement armés. Le trafic des espèces menacées ne passera pas par notre pays.
Raison pour laquelle nous menons une lutte acharnée, avec la
collaboration de certains pays amis dont les Etats-Unis, la France et la Chine", explique le ministre togolais.
Petit pays d’Afrique de l’Ouest, le Togo veut aussi harmoniser ses moyens d’action avec les autres pays de la sous-région, ajoute-t-il.
L’alarme avait été sonnée à Lomé avant même la conférence de Gaborone.
Tous les conteneurs passés au scanner
"Des tonnes d’ivoire quittent depuis un certain temps le port de Lomé à destination de pays comme l’Indonésie, la Chine et Hong Kong", avait déclaré en août Kodjo Katanga Yeleneke, officier de police à l’Office central de répression du trafic illicite des drogues et du blanchiment (OCRTIDB).
Ce constat a poussé les autorités portuaires à renforcer le système de
contrôle des conteneurs par le déploiement d’agents mieux formés.
"Le contrôle des conteneurs est très rigoureux depuis quelque temps. Tous les conteneurs doivent passer au scanner, avant de se retrouver sur le terminal des conteneurs destinés à l’exportation", a expliqué à l’AFP un responsable de la douane au port.
Des agents de l’OCRTIDB effectuent aussi des contrôles inopinés dans
certaines boutiques de Lomé, a-t-il indiqué.
Ces mesures ont commencé à porter leurs fruits. Plus de 700 kg d’ivoire, dont une grande partie provenait du Tchad, ont été saisis en août dernier dans une boutique de Lomé appartenant à un Togolais. Un autre trafiquant, de nationalité guinéenne, avait été arrêté dans la capitale en possession de 25 kg d’ivoire.
Les Etats-Unis avaient "félicité" les autorités togolaises "pour leurs
efforts en vue de mettre un terme au trafic illégal d’ivoire en Afrique de l’Ouest en arrêtant un célèbre trafiquant".
Des militants écologistes soulignent cependant que le trafic a pris de
l’ampleur ces dernières années en raison de la forte demande au Moyen-Orient et en Asie, où les défenses d’éléphants sont utilisées dans la fabrication d’objets décoratifs et en médecine traditionnelle.
"Nous sommes très inquiets quant à l’allure que le trafic d’ivoire prend en Afrique en général et au Togo en particulier", a déclaré Paul Dogboé, président de l’association Horizon Vert, qui lutte pour la protection des espèces en voie de disparition.
"Nous sommes décidés à tout mettre en oeuvre pour appuyer les actions des autorités togolaises en vue de traquer ces trafiquants", a-t-il souligné.