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Tribune libre/Démocratie en Afrique de l’Ouest : le tournant décisif? (par Olusegun Obasanjo, John Dramani Mahama, Ernest Bai Koroma et Saulos Chilima)

Publié le jeudi 21 fevrier 2019  |  aLome.com
Mathew
© Autre presse par DR
Mathew Olusegun OBASANJO, ex Président du Nigeria (du 13 février 1976 au 1er octobre 1979, puis de 29 mai 1999 au 29 mai 2007)
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ABEOKUTA/MUNICH/FREETOWN/LILONGWE - La décision de reporter l’élection présidentielle au Nigeria, prise quelques heures seulement avant l’ouverture des bureaux de vote, a suscité des craintes quant à la sincérité du scrutin. Ces craintes ne doivent pas se matérialiser - pour le bien du Nigeria, mais pas uniquement. Autant une démocratie forte et stable dans le pays le plus peuplé d’Afrique peut servir d’exemple puissant pour la région, autant une crise politique dans ce pays aurait de graves conséquences bien au-delà de ses frontières.


L’Afrique de l’Ouest, qui compte environ 362 millions d’habitants, est en voie de consolidation démocratique. Selon Freedom House, «l’Afrique australe et l’Afrique de l’Ouest ont considérablement amélioré leur gouvernance démocratique». Cette tendance a renforcé la stabilité de la région.

En 2019 et 2020, trois pays d’Afrique de l’Ouest - le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire - tiendront des élections générales, ce qui leur donnera l’occasion de renforcer ou de saper cette tendance. Les élections en Afrique ayant souvent déclenché des crises nationales, la nécessité d’une gestion efficace de ces scrutins pour en faire une force stabilisatrice n’est plus à démontrer.

Le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont tous dirigés par des Présidents qui sont arrivés au pouvoir en tant que candidats de l’opposition, démentant ainsi les pronostics des pouvoirs en place. Tous ont bénéficié de la solidarité régionale et internationale, ainsi que de l’engagement des citoyens et de la société civile en faveur de la démocratie. Les prochaines élections les mettent au défi de protéger les systèmes électoraux et de respecter les valeurs qui ont permis leur essor.

Il s’agit avant tout de garantir à tous les candidats et partis politiques les conditions d’une compétition équitable, les candidats en place devant s’abstenir d’abuser de leur pouvoir pour limiter la marge de manœuvre des candidats de l’opposition. Chaque homme ou femme politique doit suivre les règles et respecter le verdict des urnes. Les organes de gestion des élections seront essentiels pour assurer la crédibilité et l’équité du processus.

Mais, partout dans la région, le soutien extérieur reste nécessaire pour assurer le respect des règles démocratiques et l’acceptation des résultats des élections. Au Liberia, en Sierra Leone et au Kenya, les atouts cumulés des interlocuteurs locaux et internationaux ont joué un rôle-clé dans la gestion des controverses résultant d’élections contestées. Au Nigeria, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, des efforts collectifs similaires seront nécessaires pour surmonter les défis à venir.

Alors que la Société civile et les citoyens réclament des élections libres, justes et crédibles, la communauté internationale (à commencer par les dirigeants africains) doit exercer des pressions diplomatiques et morales pour faire en sorte que leurs demandes soient satisfaites. Cet appui international est particulièrement important au Nigeria, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, car ces trois pays sont déjà confrontés à des crises internes qui menacent de perturber leurs démocraties.

Au Nigeria, de graves problèmes de sécurité intérieure résultent de la résurgence du groupe islamiste Boko Haram, de la recrudescence des enlèvements dans tout le pays et de l’escalade de la violence dans la Middle Belt, où les agriculteurs et les éleveurs se disputent des ressources limitées. Un processus électoral houleux ne ferait qu’enflammer les clivages existants.

Au Sénégal, l’opposition et la Société civile s’inquiètent de plus en plus de la liberté et de la neutralité d’Internet - des questions fondamentales qui exigent une gestion prudente. Dans ce contexte, les tensions politiques liées à la disqualification de certains candidats à la Présidence - y compris les deux principaux adversaires de l’actuel Président - font peser des risques majeurs sur le pays.

La Côte d’Ivoire, quant à elle, n’a pas encore achevé le processus de réconciliation nationale consécutif à la guerre civile de 2010-2011, qui avait été provoquée par un différend entre le président Laurent Gbagbo et son adversaire, Alassane Ouattara, à propos du résultat de l’élection présidentielle de 2010. Le récent acquittement de L. Gbagbo par la Cour pénale internationale et l’effondrement de la coalition au pouvoir dans le pays ne font qu’aggraver la difficulté de poursuivre la consolidation démocratique.

S’ils sont gérés efficacement, les défis susceptibles de perturber les progrès démocratiques dans la région pourraient au contraire favoriser des acquis supplémentaires. Si ces pays sont responsables au premier chef de relever les défis auxquels ils sont confrontés, leurs voisins de la région et la communauté internationale dans son ensemble doivent également contribuer à renforcer la prévention et la gestion des conflits et à promouvoir des élections libres, régulières et crédibles.

Il est particulièrement important de soutenir le travail de la société civile dans ces pays, en particulier en ce qui concerne la mobilisation des citoyens, la documentation des violations, la lutte contre le fléau des fausses nouvelles, la prévention (y compris l’alerte précoce) et la gestion des conflits. Le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont également besoin de plateformes transnationales crédibles pour compléter les mécanismes locaux existants de prévention et de résolution des conflits. La région et la communauté internationale dans son ensemble devraient appuyer ces institutions.

La communauté internationale doit également souligner - par des déclarations publiques et un engagement en coulisses - la nécessité pour les hommes et les femmes politiques et les responsables de ces pays de respecter les règles électorales, de protéger les institutions vitales pour la démocratie et de donner la priorité au bien-être des citoyens et au développement durable. Les organes de gestion des élections doivent être à l’abri de toute ingérence politique indue et avoir la latitude de mener à bien leur travail.

Enfin, la communauté internationale doit encourager les gardiens du processus électoral à effectuer leur travail avec intégrité et neutralité. Cela exige une extrême vigilance de la part des observateurs internationaux.

Il est essentiel de soutenir des élections démocratiques crédibles au Nigeria, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Si ces pays sombrent dans une crise politique, les conséquences sur les plans sécuritaire, humanitaire et économique pour toute la région seront graves. Le monde se passerait bien de devoir gérer ce type de problème à l’heure actuelle.

Inversement, des élections réussies dans ces pays renforceraient la démocratie, la stabilité nationale et régionale et favoriseraient la poursuite du développement économique. Avec la détermination des citoyens, la volonté politique intérieure et la solidarité internationale, ce résultat est à portée de main.




Olusegun Obasanjo est un ancien président du Nigeria. John Dramani Mahama est un ancien président du Ghana. Ernest Bai Koroma est un ancien président de la Sierra Leone. Saulos Chilima est l’actuel Vice-président du Malawi.
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