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Port de Lomé: Trafic du domanial, intérêts sur les découverts, privatisations criminelles, comment le géant s’est-il effondré?/Le Mode opératoire d’un crime

Publié le lundi 11 mars 2019  |  Le Rendez-Vous
L’immeuble
© aLome.com par Parfait
L’immeuble de la direction administrative du Port Autonome de Lomé (PAL)
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Port autonome de Lomé, N°1 en Afrique de l’ouest, dit-on. Avec une profondeur atteignant 16,60 mètres, il accueille des navires de 3è génération. Assis sur des conditions naturelles particulières, son bassin est délimité par deux digues de 950 m et 1720 m de long, ceux-ci le protège de l’ensablement. La position stratégique fait de lui le seul port sur la côte ouest africaine par lequel un navire peut joindre plusieurs capitales en un seul jour pour l’acheminement des marchandises. Ses activités directes et indirectes devaient donc en faire un vecteur de l’économie nationale.
Le Port de Lomé, c’est aussi un domaine de plus de 900 hectares. Il met à la disposition de ses partenaires des espaces déjà aménagés ou à aménager. En un mot, il a tout pour bien se porter. Mais que constate-t-on ? C’est devenu le symbole d’une baleine au large ; une baleine émiettée par des privatisations criminelles, déchirée par des intérêts multinationaux, pourrie de la mauvaise gestion administrative sous un regard plutôt complice qu’impuissant d’un directeur général grabataire. Tout ceci sous bonne escorte d’une race de voleurs à col blanc appelés directeurs de départements et de services. Comment est-on arrivé là ?

Malaise de processus viciés

Pour comprendre la faillite nationale au Togo, il faut s’interroger sur le mode opératoire des privatisations. Par rapport aux objectifs assignés par les institutions financières internationales qui, entre-temps, ont encouragé les privatisations, ce mécanisme dans les sociétés étatiques au Togo a produit un effet contre-productif. A confronter tous les motifs qui ont soutenu les privatisations, l’observateur averti arrive à la conclusion que deux raisons ont milité pour les privatisations au Togo : d’abord, à un moment de l’histoire, l’autorité publique s’est trouvée en panne de liquidité pour financer, non pas le développement mais, sa survie politique. Alors, ayant épuisé les cartes des prêts auprès des bailleurs, les banques étant essoufflées si elles ne sont pas en faillite, l’administration des finances incapable de centraliser les fonds, ils ont décidé de vendre aux privés les sociétés qui tiennent encore debout.
Cette vente appelée privatisation permet d’avoir en bloc les sommes escomptées pour financer les urgences politiques. Ensuite, la deuxième raison est que certaines sociétés, déjà à genou, trainent des scandales financiers que rien au monde ne peut expliquer. Alors, il faut les céder aux opérateurs privés afin de cacher la face hideuse de la gestion publique.

Ici commence la politique des privatisations et les sociétés étatiques les plus ciblées sont celles qui sont déjà en difficulté financières. Elles sont privatisées avec leur passif, quitte à ce que des décideurs reviennent grossir le rang des actionnaires quand ces sociétés commencent à bien se porter financièrement. Le pire est que toutes ces privatisations s’opèrent dans la plus grande opacité. Rien, par exemple, ne présage la privatisation de Togocel.
Cette boîte était assez solide pour résister à n’importe quel concurrent quelque soient les opérateurs auxquels on ouvrirait le marché togolais. Mais en toute opacité, une dame a séjourné des mois dans des capitales européennes et ensuite américaines pour réussir les transactions liées à ce qu’on veut bien designer par « ouverture du capital de Togocel ». On finira par en informer les Togolais que le géant Orange de France est désormais détenteur de 65% des parts et l’Etat y garde les 35%. Ne demandez surtout pas quels sont les actionnaires qu’on désigne par ‘’l’Etat’’.

Le domaine, le seul bien qui appartient à l’Etat au port

Les privatisations ont chacune sa petite histoire cousue de scandales. Tout est vendu au port sauf le domaine, c’est-à-dire les terres. Là encore, il faut le dire, le ver est dans le fruit. Au port autonome de Lomé, les privatisations sont difficiles à dissocier d’une race de cadres de la société. C’est ainsi qu’on se retrouve devant un triste constat lorsqu’on fait l’inventaire de la gestion du patrimoine foncier. La gestion du domaine portuaire est un manque à gagner terrible pour la République.
Et pourtant, après avoir tout bradé, le domanial devait être une des rares sources de revenue. Nous vous disions plus haut que le domaine portuaire couvre 900 hectares. Un hectare en zone urbaine correspond à 12 lots. De cette superficie, une infime partie est occupée par le port pour des besoins administratifs. La grande partie est louée par les privés. Quels privés encore ? Ces terres sont louées, au mètre carré, par des opérateurs économiques à la limite des ‘‘opérateurs administratifs’’ qui y exercent différentes activités, principalement la vente de tout ce qui est importé d’Europe. Mais le paradoxe est que ces privés, détenteurs de parcs et autres aires, se comptent aussi dans les rangs des décideurs du port et des autorités politiques. De toute évidence, à ces opérateurs dits privés, le mètre carré est loué à 400 FCFA par mois.

L’administration du port même se vente de ce que la location des terres au Togo soit la moins chère : «Le Port de Lomé peut mettre à la disposition de ces partenaires des espaces déjà aménagés ou à aménager aux prix le plus bas de la sous-région», peut-on lire sur le site de la société. A côté de ce bradage foncier à 400 F le mètre, il y a pire. Il existe une structure appelée la LCT, Lomé Terminal Container. Elle par exemple occupe la superficie à elle léguée à 100 FCFA le mètre carré. Dans le contrat qui lie la LCT à l’Etat togolais, il lui est loué le mètre-carré à 100 FCFA. Mieux, le payement ne commence même que douze ans après le début de ses activités portuaires. De nos recoupements, pour permettre au port de faire des recettes, des spécialistes du domanial estiment que les prix de location des terres sont trop bas et qu’il fallait faire le mètre carré à 1500 par moi. Présentement les convoitises sont d’ailleurs fortes sur le domaine du port. C’est ainsi qu’il existe, à l’heure où vous lisez ces lignes, un bras de fer entre le ministère des finances et le traditionnel directeur départemental qui gère le domaine portuaire. Le premier souhaite s’approprier la gestion des terres de cette société étatique afin de porter le loyer du mètre carré de 400 FCFA à 5000 FCFA. Une telle flambée de prix serait aussi exagérée, d’après les spécialistes de l’économie maritime. Le second, traditionnel gestionnaire du domaine, ne veut même pas passer de 400 à 1500 CFA le mettre comme le souhaitent depuis des observateurs avertis. Pour cause, le port ne peut pas majorer sur le loyer domanial parce que la plupart de ces aires appartiennent aux cadres fonctionnaires de la boîte. Ne devient pas propriétaire d’un parc au port qui veut, et depuis que c’est devenu la chasse gardée des agents indélicats, on peut se demander si ces cadres du port à la fois propriétaires paient sur les locations des terres qui leurs sont cédées. S’ils paient le bien baillé, est-il évalué à juste prix? Inutile de révéler que le DG en charge du domaine fait de certaines zones sa propriété d’après nos investigations. Les Directeurs et chefs de services qui sont sensés inventer une ambition pour leur société sont devenus un problème.

Contrairement donc à ce qu’on voit, le port n’est pas louer aux opérateurs privés mais, en bonne partie, à une race de cadres de l’administration portuaire et aux décideurs politiques. L’activité est tellement rentable que quand l’un des opérateurs abandonne un parc, sa reprise aiguise des appétits qui réveillent même des guerres de clans. Ce fut le cas d’un différend qui a conduit des protagonistes à Pya. Abandonné par un ancien président du Niger alors en difficulté, la succession sur cette bande de terre, où se vendent les voitures d’occasion, a conduit un défunt cadre du port et une maitresse de la république devant Monsieur Faure Gnassingbé. Certes, on connait les Libanais et autres communautés étrangères friands de ces activités. Mais ils sont parfois, si ce n’est souvent, mis devant la scène que par des fonctionnaires afin de cacher les apparences.

La LCT

La LCT c’est une énigme qui fait perdre par ans, beaucoup de milliards de CFA au trésor public. Mais à son sujet le débat est interdit, tous les barons et autres pontes du régime y ont trouvé un repère pour faire des salaires conséquents à leurs enfants et protégés. Il vous souvient que dans un précédent dossier, nous vous parlions du DG du port qui, en fin de l’exercice comptable 2016, lors d’une réunion, s’est plein de ce que la LCT ait refusé de lui verser plus d’un milliard de CFA. Ceci, sous le fallacieux prétexte que « le contrat qui le lie au Togo ne lui fait pas obligation de payer les factures au titre desquelles le milliard lui est réclamé ».

Le directeur du port de poursuivre son exposé en ajoutant qu’au même moment, il ne pouvait pas faire mieux parce qu’il n’ « a jamais vu la couleur du contrat qui lie la LCT au Togo ». Contre-Amiral, M. Adégnon, connu pour ses réactions impulsives, peut crier à faire trembler les toits sur ses agents. Mais son pouvoir a bien des limites quand il veut se transporter dans certaines zones au port, et il en est conscient. Qui peut donc bien être le propriétaire de la LCT pour que, construite à 324 millions d’Euros, le contrat signé avec le terminal soit méconnu du directeur général du port, du moins jusqu’à l’époque couverte par notre récit ? Et pourtant, le port a financièrement participé au ¼ les travaux de construction de la LCT. Monsieur Adégnon était toujours présent sur le chantier pour superviser les travaux que sa boîte a financé à travers un compte séquestre ouvert dans une banque de la place. C’est ici que la thèse qui avance que cette nébuleuse dit LCT, appartiendrait à Monsieur Faure Gnassingbé devient sérieuse. Ce dernier Chef de l’Etat, un véritable loup dans la bergerie, n’est pas méconnu des environnements corrompus. Plus les Togolais découvrent les avantages accordés à cette société, plus cette information se confirme. Si la LCT n’est pas une des nombreuses faces visibles des paradis fiscaux de monsieur Faure Gnassingbé, quel est cet homme qui a inventé le Togo au point de mériter ces avantages pour sa société ? Les Togolais veulent savoir.

Boluda, un prédateur qui asphyxie le port

Boluda est une entreprise espagnole mais sa filiale togolaise est dirigée par un français. Les conditions de la privatisation des activités de remorquage et lamanage au port ressemblent d’après notre analyse à ce que les juristes appellent ‘‘le délit d’initier’’. On parle de délit d’initier quand le gestionnaire d’une activité donné voyant venir des périodes de vaches grasses en initie la vente ou la privatisation en y introduisant quelqu’un pour anticiper sur les bons moments. La cession de ces activités est venue dans les mêmes périodes que la construction de la LCT. M Gnofam Ninsao, ministre des transports à l’époque, sait bien que l’arrivée de la LCT accroitrait l’accostage des navires et donc ferait d’énormes bénéfices aux services qui s’occupent des volets remorquage-lamanage.

Les techniciens nous renseignent que, à destination au moment où les navires évoluent à basse vitesse, ils sont sensibles au vent. Ils ont donc besoin d’être assistés. Le remorquage c’est quand les petits bateaux-remorqueurs tractent et poussent les grands navires pour les aider à parvenir au quai sans dégât. Le lamanage c’est le fait de se servir des ‘‘amarres’’ et autres outils pour fixer un navire au quai afin de le stabiliser et ensuite de le ‘‘larguer’’ en déliant les amarres pour son ‘‘appareillage’’ ou sa mise en mer.

A la cession de ce marché géré de ‘‘main de loup’’ par Nissao Gnofam, le port qui avait déjà acheté, à crédit, les équipements surtout les remorqueurs et autres instruments de travail, n’a fait que demander au nouveau preneur, Boluda, de payer le reste de la dette au fournisseur pour faire des instruments de travail sa chasse-gardée. Le jour où cette convention fut signée, l’ex-ministre le brandissait comme étant « la meilleure des concessions ». Un chèque, dont personne ne connaissait la valeur, fut brandit au public présent comme la part versée par le preneur espagnol. Inutile de rappeler que ce contrat fut signé en catimini au dos du pauvre DG du port, fut-il un Amiral.
La TVT y était mais, à la dernière minute, il est demandé aux techniciens de ne pas faire passer le reportage tourné. A l’arrivée du nouveau responsable de Boluda, l’emploi de plus de 104 agents fut menacé et le preneur en difficulté financière. Devant les 104 employés surexcités, Fogan Adegnon n’a pu que faire d’une mauvaise fortune bon cœur en ces termes, « je ne sais pas ce qui a été signé, mais je sais que ce n’est pas mauvais pour vous ». Bref, tout porte à croire que là aussi, monsieur Adegnon n’a rien vu du contrat.

Au port, les principales activités portuaires, maritimes et extra-portuaires concernent, la Manutention qui s’éclate en quatre sociétés : TOGO TERMINAL, LOME CONTAINER TERMINAL (LCT), LOME MULTIPURPOSE TERMINAL (LMT) et TERMINAUX CONVENTIONNELS DE LOMÉ (TCL). Entre autres activités informelles se recensent les Parcs à Véhicule d’Occasion (PVO), un lieu de développement par excellence des activités informelles. Tous ces maillons clés de l’économie maritime sont tombés l’un après l’autre aux mains des prédateurs et les différentes privatisations au port autonome de Lomé ont chacune sa petite histoire qui donne la nausée. A l’évocation du nom de Progosa ou SE2M, on se rappel du bras de fer entre frère ennemis. Pour une activité privatisée en 2003 par le biais de SE2M Togo, les Togolais ont eu droit en avril 2006 à un épisode: l’arrestation à l’aéroport de Lomé de quatre pontes de Bolloré alors que leur Falcon 900 s’apprêtait à décoller pour Paris. Mauvaise pioche, ils étaient en villégiature pour fêter une victoire judiciaire dans une affaire de détournement d’actifs imputé à Progosa. Là où prospère cette concurrence qui fait des heureux parmi les multinationales s’effondre une entreprise, jadis poumon de l’économie, qui prête désormais pour assurer ses frais de roulement. Et quand une société étatique n’arrive pas à payer ses agents sur fond propre, ne demandez pas aux journalistes de vous dire de combien elle participe au trésor public.

Même l’OTR est enrhumé au port

L’OTR est créé pour couper le robinet du vol aux petits agents en aval des secteurs financièrement névralgiques pour le pays. Histoire de permettre de canaliser les fonds collectés jusqu’à un guichet unique connecté à un grenier géré par une minorité. Là-bas, il n’est permis qu’à une petite élite de se servir à commencer par la tête de liste, Faure Gnassingbé. C’est ainsi qu’une partie de l’argent collecté ne loge pas forcement au trésor publique. Qu’on ne se leurre pas, en déphasage de ses ambitions, l’OTR est désormais loin d’être un instrument de lutte contre la corruption. Le département anticorruption de l’OTR a beau initier des investigations parfois à grand bruit et zèle pour faire croire qu’il travail à mettre à jour les cas de corruption d’agents. Mais les investigations commencent et finissent sans que les auteurs soient inquiétés. Les dossiers les plus heureux sont arrivés devant le juge, mais combien de cas présentés devant le juge ont conduit les fraudeurs de l’OTR en détention ?

Tout le monde le sait, des poches de corruptions continuent par prospérer ici et là dans le mécanisme, soit par des manipulations de donnés informatiques, soit par des pouvoirs disproportionnés attribués à certains. Dans le domaine portuaire, on peut citer le cas d’un certain Piguendéléwè AKAYA. Lui, c’est le chef division des opérations douanières au port. Ce monsieur fait partie de la minorité qui se paie encore le luxe des beaux vieux temps. Il serait de la race de ceux qui continuent par rentrer les soirs avec des sacs de jute remplis de liasses de par les prérogatives légués à leurs précieux ‘‘poste de souveraineté’’. Il est sensé travailler avec des tentacules logées ici et là : le CB, les responsables douaniers au niveau de la LCT, de Bolloré, de Togo Terminal et autres. Mais que constate-t-on ? Il n’est pas rare que le monsieur donne avis favorable à un dossier parce que le propriétaire lui en a graissé les pattes alors que les adjoints qui sont sur le terrain ne sont pas d’accord sur la valeur imputée à la marchandise.

N’est-ce pas ridicule que pour un système qui se vente d’un guichet unique, de surcroit informatisé, des avis se contrarient sur la valeur d’une marchandise? Parfois pour donner un semblant de légalité à la fraude, les grands importateurs recourent aux rabattements de valeur. Souvent les ‘‘rabattements de valeur’’ introduits au niveau de ce responsable souffrent d’incohérences, mais tout puissant, même les interventions du contrôle différé ne le font pas plier. Oui, voilà entre autres une pratique qui a existé avant l’OTR et qui veut bien survivre à l’OTR, et son symbole se porte bien avec la division douanière du port. Le Sieur Akaya, c’est le poumon de l’évaluation douanière. La sortie d’un container pour lequel la valeur imposée atteint 5 millions CFA peut se négocier à son niveau à 1,5 ou deux millions. Le commerçant se sucre et le chef division a sa part du gâteau. Intitule de vous démontrer la raison pour laquelle la cour de ce directeur est tout temps animée de grands commerçants et autres transitaires qui renégocient les valeurs pourtant automatisées par un système. Bon à suivre donc.

La corruption et ses monstres

La gestion de monsieur le président Faure Gnassingbé est parvenue à célébrer un mariage entre la grande et la petite corruption au PAL. Cette union a accouché d’un monstre qui a effondré le port. Le propre de la corruption est qu’elle ne laisse pas de traces. L’objectif est de faire d’elle un vice impossible à dénoncer. Faut-il alors croiser les bras pour la regarder prospérer parce qu’elle se nourrit du mystère du silence de monsieur Faure Gnassingbé? Nous sommes souvent devant ces évidences dont il faut prendre le courage de démontrer les fonctionnements, si on aime son pays. C’est ce que nous essaierons de démontrer dans ce dossier en nous basant sur le mode opératoire de la corruption qui a écroulé le port autonome de Lomé. Le vice n’est pas spécifique au Togo. Toutefois au Togo, il touche de plus en plus les personnes bénéficiant d’un pouvoir de décision. Heureusement, plus elle touche ces sommités, plus elle fait peur mais devient difficile à camoufler.

Dans nos environnements des personnalités politiques, des fonctionnaires et cadres de sociétés étatiques se font les apôtres de cette pratique. Et puisque cette race a le pouvoir de décision, un vice se bat pour remplacer une vertu. Le Togo est passé aux mains d’un prétendu diplômé de l’université de Harward, Faure Gnassingbé. Tous les secteurs névralgiques sont enrhumés, certes, mais le port autonome de Lomé est celui qui, par le caractère scandaleux de sa dégringolade, attire notre plume dans cette édition. Au port de Lomé, ce ne sont pas des atouts qui manquent, nous en avons fait l’éloge plus haut. Mais pour bénéficier d’un vent favorable, il faut savoir où on va. C’est alors que dans le même port, M. Faure Gnassingbé a eu la célèbre réputation de réunir la grande et la petite corruption pour gérer ce qui fut « le poumon de l’économie nationale ». La grande corruption c’est une corruption à haut niveau où les décideurs politiques, en créant des lois qu’ils font appliquer au gré des opportunités d’affaires, utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut ou leur pouvoir personnel. La petite corruption c’est celle, bureaucratique, dans l’administration publique. Les deux ont trouvé un terrain fertile au port autonome de Lomé. Dans un tel environnement, les barrières entre la logique administrative d’intérêt général et la logique économique d’intérêt privé s’estompent.

C’est ainsi qu’on voit dans cette société, surtout dans la classe des hauts fonctionnaires, des nids d’hommes riches dans un environnement public qui s’appauvrit de plus en plus. Un exemple au port, dans un passé récent, un comptable, à un moment de sa carrière professionnelle, prêtait son argent au port pour permettre de payer les agents avant de le récupérer sur les recettes dont il maîtrise les rouages. Tout puissant, il lui est arrivé de tenir tête au DG Adégnon qui finira par le faire remplacer. Ce n’est pas un hasard que, il y a quelques jours, devant les jérémiades des agents face à l’actuelle situation difficile du port, le DG leur a craché à la face «allez voir les différents directeurs, ils savent où se trouve l’argent». Le constat qui se dégage est donc que, partout où passent l’argent, les inspecteurs des finances directeurs de département, chefs-service et autres rejoignent vite le privé et deviennent par moment des bailleurs de fonds. Monsieur Adegnon est venu à la direction du port par la faveur de l’accord RPT-UFC. Mais la gestion n’a pas montré une rigueur qui doit rendre compte d’un tel accord. Au contraire, le DG-Maire, partagé entre le port et la mairie, a laissé faire ses directeurs et chefs-services.

Il est entouré d’un côté de directeurs proches de lui qui ne sont capables d’aucune innovation pour relancer le port, de l’autre de pesanteurs politiques qui lui considèrent comme un outil pour assouvir des ambitions financières à partir des ressources liées à l’exploitation maritime. Son entourage, soit-il politique ou professionnel s’est donc enrichis et bon nombre investissent au Ghana ou ils achètent à tour de bras des maisons. Il existe au port autonome de Lomé un lien très fort entre la multiplication des privatisations et les intéressements en pourcentage de certains fonctionnaires et décideurs politiques. Nous ne voudrions pas vous informer que le jour où Adégnon se plaignait de n’avoir jamais vu le contrat avec la LCT, l’ancien ministre Ayassor des finances, a promis en pleine réunion de faire tout pour récupérer ces fonds auprès du créancier indélicat, mais tenez-vous bien, « ce n’est pas gratuit ».

Voilà un fonctionnaire, ministre des finances de son état, qui demande un pourcentage pour aider une société d’Etat à rentrer dans ses fonds. Les administrations au Togo, surtout celles qui voient défiler l’argent comme le port, tolèrent la corruption. Elles s’y sont accommodées, ces environnements permettent de profiter de passe-droits. La corruption est devenue ‘‘l’oxygène de la bonne marche’’ dans de telles entreprises d’Etat. Il est alors né une élite économique arrogante qui ne rend compte à personne pour peu qu’elle sait se servir en oubliant pas les sommités. Au Togo, les décideurs considèrent leurs positions comme un patrimoine dont ils usent à satiété au gré des besoins. Leur position de responsable est alors devenue un outil de chantage. Dans un tel environnement, un port a beau avoir tous les atouts, il deviendra un enfant mal éduqué qui ne peut rapporter que les problèmes à ses géniteurs. Le PAL est alors devenu un cancer pour l’économie togolaise.

Il vous souvient que notre Rédaction avait dénoncé une grosse fraude à la douane du port autonome de Lomé il y a quelques années. La fraude c’est la falsification de données, de factures, la collusion et les sabotages. Le disque dur du système informatique de la douane fut alors grillé à dessein à la douane du port. C’était à l’époque de la naissance de l’OTR, quelques menus fretins ont été arrêtés et l’affaire est noyée, des dizaines de milliards se sont envolés. A l’époque, un certain Bidamon Abbly était DG de la douane. Rien n’a été fait pour l’inquiéter, il est présentement ministre des mines.

Le PAL est l’exemple vivant de l’endettement de la République

Nous vous disions tantôt qu’à un moment donné l’administration portuaire prend des sous auprès des particuliers, soient-ils des agents du port, et les grands importateurs pour arrondir les fins de moi. Quand ce canal est essoufflé, les banques ont pris le relais, ORABANK et Atlantic banque en savent beaucoup avec plus de dix milliards de découverts destinés aux salaires des agents du port. Présentement, les chiffres à notre dispositions révèlent que 1 milliard deux cent millions de CFA sont payés par an aux banques par le port au titre d’intérêts sur les découverts. Ces découverts servent principalement à payer les salaires.

Chaque fin de mois est une sinécure pour ajuster les chiffres afin de payer les salaires. Pour le mois de janvier les fonctionnaires n’ont eu droit à leur salaire que le 15 février. Pour les salaires de février, l’administration a fait un exploit pour être dans les délais afin d’éviter les débats médiatiques alimentés par le retard de février. Il faut dire que les intérêts sur les découverts sont différents des intérêts à payer sur les prêts principaux. Et quand les découverts atteignent le taux toléré et que les banques deviennent réfractaires, le port fait des prêts principaux pour payer les intérêts. Inutile de rappeler que les taux des découverts sont plus élevés que celui des prêts principaux. Ce n’est pas un hasard si au port présentement, des fonctionnaires se renseignent déjà sur les conditions de départ anticipé à la retraite. Le port subit une réelle pression financière pour participer à certaines réalisations. Ceci l’oblige à s’endetter sans oublier que la boîte est déjà mal gérée dans les méandres d’une privatisation aux ordres de la minorité. Au nom du fait qu’il en est le premier bénéficiaire, le PAL a contribué à financer au ¼ du budget la LCT, le grand contournement de Lomé, les contournements d’Alédjo, de Bafilo et de Défalé.

Tout ceci a dû être réalisé aussi avec la contribution des prêts principaux. Une bonne partie de tout cet ‘‘effort de guerre’’ est un endettement qui attend à être payé aux banques. Au titre de l’exercice 2018, le PAL n’a versé aucun franc pour le payement des dettes contractées. L’administration du port autonome de Lomé, c’est aussi une boîte qui a du mal à recevoir la livraison des gadgets et autres comestibles de l’administration parce que les fournisseurs ont du mal à se faire payer après service. On se demande d’ailleurs s’il faille en rire ou pleurer puisque c’est les mêmes cadres du port et autres proches des sphères de décision qui ont créé ces entreprises de livraison et services.

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Tout comme la SNPT, Société Nouvelle des Phosphates du Togo, le PAL, Port Autonome de Lomé, est un don du ciel à gérer par l’autorité publique. C’est un bras généreux de mer à saisir pour rendre heureux tout un peuple. Mais, mal géré, plus le temps passe, plus il devient difficile d’en occulter les tares qui s’affichent à la grande cour. Tous les ingrédients de la corruption sont réunis au Togo. Le port ne veut pas se faire conter le récit, il en paie les frais. Parlant de la corruption, il faut dire que notre pays est aussi une terre fertile pour l’extorsion qui se porte bien, sinon très bien. L’extorsion, c’est l’argent obtenu par la coercition ou la force. Inutile de vous rappeler que, si on veut se limiter à un seul exemple, les braquages qui, parfois sur fond de mort d’homme font disparaître d’importantes sommes ont tous les éléments pour ressembler à une extorsion organisée au sommet. Les Détournements de fonds, c’est le sport favori de certains hommes publics.

Tous ces exemples viennent du sommet de l’Etat. Devant un tel cliché grossi du népotisme, les fonctionnaires d’une société d’Etat ont des motifs pour collaborer avec les mauvaises manières. C’est le fruit de la mauvaise gouvernance, d’un cadre législatif tronqué par des institutions caporalisées qui autorisent aux fonctionnaires d’être des hommes d’affaires afin de justifier les biens déjà mal acquis. Le système judiciaire qui balbutie au biberon d’un manque de transparence ne peut aucun miracle dans une démocratie aux ordres d’un gouverneur à la fois présent et absent partout où passe l’argent. Au Togo, la gouvernance par l’exemple se fait dans le sens de la pyramide inversée. L’indélicatesse des cadres de la Républiques se nourrit donc de ces exemples de tous les jours. Le port autonome de Lomé est, de toute façon, une caricature vivante de la gestion de la République togolaise. Voici où nous en sommes avec la corruption dans sa version portuaire au Togo. En l’absence de mesures efficaces, le fléau tel que décrit au port peut compromettre notablement les efforts d’un pays pour l’instauration d’une bonne gouvernance en réduisant considérablement les ressources disponibles pour la lutte contre la pauvreté. Au Togo, chaque entreprise étatique traîne ses casseroles, comprenez donc qu’à défaut du mieux, on vende aux populations des programmes de développement sans lendemain financés par un endettement insolvable. Bonjour les PND, Programme National de Développement, et ses ancêtres. Voilà qui augmente l’incertitude, qui crée un environnement d’insécurité, une tendance à la mise en cause de la stabilité sociale et politique. Une autorité corrompue peut tout sauf exercer un contrôle rigoureux sur les actes des fonctionnaires et des opérateurs économiques.

Le niveau atteint par la corruption au Togo ne permet plus de dissocier l’image de monsieur Faure Gnassingbé de la mafia qui anime ce fléau. D’où le désintéressement des bailleurs de fonds à un tel environnement même si des promesses sont déjà servis à la table pour les plus naïfs des opérateurs. Le plus compliqué au Togo, c’est l’impossible diagnostique. Il est impossible de savoir de quel mode de gouvernance souffre le Togo. Le système politique n’est pas suffisamment équilibré pour poser les bases d’une solution, quelle qu’elle soit. On se trouverait sous une monarchie de droit divin, où le pouvoir du monarque émane de la grâce d’une divinité, que Monsieur Faure aurait eu un minimum d’égard et d’écoute pour les ordres religieux. Alors, c’est une monarchie constitutionnelle ? On s’y retrouverait à l’aise si dans la pratique, les démarches de monsieur le président étaient limitées par une constitution forte qui a des garde-fous que l’autorité n’ose pas violer. Enfin, on se venterait d’une monarchie constitutionnelle si le prince et sa gestion se reconnaissaient redevables devant un parlement digne d’une représentativité. Une seule certitude, les Togolais se savent malades d’une monarchie. Une monarchie à la limite d’une dynastie qui tolère mal la reddition des comptes tout comme la contestation. A défaut de se faire diagnostiquer pour poser les bases d’une solution, un tel mythe, où le trait d’union entre la politique et l’économie est la corruption, tarit d’abord ses sources de revenue avant de s’imploser de son mystère.
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