OTR / Nomination des commissaires
Après le Commissaire général, les
trois autres commissaires de l’Office togolais des recettes (Otr)
viennent d’être nommés. L’Office peut donc enfin démarrer ses activités.
Mais ce sera sans l’omnipotente Ingrid Awadé, débarquée des Impôts. Une
sorte d’estocade finale à elle portée par Faure Gnassingbé.
L’OTR a désormais tous ses commissaires
Promis depuis des années, l’Office
togolais des recettes (Otr) peinait à démarrer ses activités, faute de
nomination de ses premiers dirigeants. Au terme d’un long processus, le
poste de Commissaire général a échu à Henry Byakaperi Kanyesiime
présenté comme un Canadien. Après cette nomination rendue publique le 15
janvier dernier, il restait les trois (03) commissaires. Ces postes
sont désormais pourvus.
Au terme de décrets pris vendredi 31
janvier dernier, le poste de Commissaire des Douanes et droits directs
revient à Kodjo Adédzé, précédemment Directeur général des Douanes
togolaises. Quant à celui de Commissaire des Impôts, il échoit à un
certain Adoyi Essowazana. Kokou Tchodi, lui, est nommé Commissaire des
Services généraux.
Le processus de recrutement des cadres
se poursuit, avec les appels à candidatures lancés qui courent toujours.
Mais les nominations de ces trois Commissaires clôturent en fait la
phase de recrutement des tout premiers responsables de l’Office togolais
des recettes. Et donc l’institution peut désormais démarrer ses
activités. Pour le bonheur des populations togolaises (sic).
Rappelons que l’Otr est un établissement
public à caractère administratif doté d’une personnalité morale
jouissant d’une autonomie financière et administrative. Sa création
s’inscrit dans le cadre du programme de réforme initié par le
gouvernement sur l’assainissement des finances publiques et le
renforcement des capacités de mobilisation des recettes par les régies
financières de l’Etat que sont les services des Douanes et des Impôts.
L’Otr entend participer au redressement de l’économie en améliorant
les performances de ces deux services, et mobiliser plus de ressources à
investir au service du développement.
Ingrid Awadé perd les Impôts
C’est une évidence que l’histoire de l’Otr ne pourrait pas s’écrire sans la « Dame de fer ».
Si beaucoup de sources avaient déjà annoncé que le processus de l’Otr
même, au-delà des bonnes intentions de mobilisation optimale des
ressources financières avancées, visait à écarter Ingrid Awadé, et la
nomination du Rwando-Canadien Henry Byakaperi Kanyesiime a apporté de
l’eau à leur moulin, nombre de Togolais, foncièrement sceptiques, ne
croyaient pas à la mise à l’écart totale de la toute puissante dame des
Impôts dont l’influence dépasse le cadre de la sphère de cette
structure. Ainsi, nombre d’observateurs craignaient encore que le poste
de Commissaire des Impôts ne lui revienne. Surtout qu’elle s’est fait « miam miam »
à la cérémonie de lancement du fameux Fonds national de la finance
inclusive (Fnfi) le samedi 25 janvier dernier au palais des congrès de
Kara ; ce que certains ont vu comme une manœuvre pour tourner la tête au
Prince et le faire revenir sur sa décision. Mais visiblement, cette
tentative n’aura eu aucun effet.
La nomination du sieur Adoyi Essowazana
au poste de Commissaire des Impôts est pleine de sens. Mais cela mérite
d’être souligné. Ingrid Awadé, à la tête de la Direction générale des
Impôts (Dgi) depuis 2006 où elle fait la pluie et le beau temps, est
débarquée. En clair, l’histoire de l’Otr se fera sans elle. Sans doute
pour lui rendre moins amère la chute, elle a été nommée Directrice
générale de la Délégation à l’organisation du secteur informel, en
abrégé la Dosi.
La Dosi, un garage en fait
Directrice générale de la Délégation à
l’organisation du secteur informel. Cela fait ronflant. Et c’est le
premier des décrets qui a été pris et lu avec emphase à la TVT.
Comme son nom l’indique, créée par
décret le 15 Février 2008, la Délégation à l’organisation du secteur
informel est chargée du secteur informel. Elle a pour mission le
recensement de toutes les activités relevant du secteur informel,
l’organisation du secteur, l’amélioration de son cadre légal,
réglementaire et juridique, ainsi que le contrôle et la régulation de
ses activités. Se retrouvent ici les micros entreprises, les petits
commerçants, les Zémidjans, bref les travailleurs des secteurs
d’activités non formels. Comme glose un concitoyen, Ingrid Awadé va
s’occuper des femmes des marchés qu’elle est accusée d’avoir brûlés.
Pour rappel, la Dosi est cette structure
taillée sur mesure pour abriter Mme Lydia Adanlete, au lendemain des
législatives de 2007 en guise de remerciement pour services rendus au
Prince, après avoir été ministre déléguée auprès du ministre des
Petites et moyennes entreprises et de la promotion de la zone franche
(Bernard Walla) chargé du secteur informel. Mais il s’agissait en
réalité d’une coquille vide. Après quelque temps passé à se ronger les
pouces, elle a dû démissionner. Quelle importance pour une telle
structure à côté du ministère du Commerce qui embrasse déjà une bonne
partie de ses prérogatives ? Comme pour se gausser du sort de la
puissante dame, republicoftogo écrit que « La mission confiée à Mme
Awadé est essentielle car le business informel domine une bonne partie
de l’activité économique au Togo dans des conditions souvent
anarchiques ».Quitter les Impôts où elle était toute-puissante et
se retrouver à la tête de la Dosi, c’est loin d’être une promotion pour
Ingrid Awadé. Il s’agit en fait d’un garage – elle en est sans doute
consciente – et on se demande si elle va accepter cette humiliation et
regagner effectivement son nouveau poste.
Il était une fois une dame nommée Ingrid Awadé
C’est une expression souvent utilisée
pour raconter une histoire élogieuse d’un personnage. Elle convient ici
pour dire que la page d’Ingrid Awadé est désormais tournée.
« (…) Les Impôts étaient devenus une
sorte de République autonome dont elle était la présidente fondatrice et
qu’elle régentait selon ses propres règles édictées, les agents traités
et affectés selon qu’elle a passé une bonne nuit ou pas. Ingrid Awadé,
ce n’est pas que la régente des Impôts. Son influence dépasse le cadre
de cette régie financière et atteint les milieux politiques. C’est
l’égérie par excellence de la République, celle qui finance les
activités politiques du parti au pouvoir, soutient les myriades
d’associations pro-Faure Gnassingbé. Réputée intime du Prince de la
République, elle se prend même pour la première dame et est crainte par
nombre de collaborateurs ; à raison sans doute, car elle en fait et en
défait selon ses humeurs. Beaucoup rampent à ses pieds et l’appellent
« maman », même ses supérieurs hiérarchiques dont le ministre à la
rigueur sélective – suivez les regards. Elle ne serait pas étrangère à
la déchéance de Kpatcha Gnassingbé, Gilbert Bawara entre-temps, Pascal
Bodjona, entre autres. C’est aussi une dame de réseaux, mêlée à tous les
scandales de la République mais jamais inquiétée. Le processus de mise
en place de l’Otr a aussi souffert de sa toute-puissance »,
avions-nous écrit dans un article dans la parution du 16 janvier
dernier, pour illustrer l’omnipotence d’Ingrid Awadé. Et dans cet
article, nous avions vu en la nomination du Rwando-Canadien Commissaire
général de l’Otr, la confirmation de la descente aux enfers de la
toute-puissante dame. Et de toute vraisemblance, c’est l’estocade finale
que vient de lui porter Faure Gnassingbé, avec son débarquement des
Impôts et son largage au garage qu’est la Direction à l’organisation du
secteur informel, après l’avoir écartée de son cercle immédiat à la
présidence de la République.
Tino Kossi
LIBERTE HEBDO