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Comment maîtriser la puissance des entreprises ?

Publié le jeudi 4 avril 2019  |  FMI
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & Emmanuel Atcha
Les Chambres de commerce du Togo et de l`Algérie se rapprochent
Lomé, le 21 juillet 2016. Siège de la CCIT (Chambre de commerce et d`industrie du Togo). Une quarantaine d’hommes d’affaires algériens a effectué un séjour au Togo, dans le cadre d’une tournée intitulée «West Africa Road Show». Objectif de cette tournée, nouer des contacts devant baliser la route à la négociation de solides partenariats avec des opérateurs ouest-africains, des Togolais en particulier.
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De nombreux citoyens s’inquiètent de ce que la montée en puissance de grandes entreprises florissantes pourrait être à l’origine du récent ralentissement de la croissance économique et de l’aggravation des inégalités de revenu.

Ont-ils raison ? Le chapitre 2 de l’édition d’avril des Perspectives de l’économie mondiale (a) se penche sur cette question. Pour nos recherches, nous avons examiné des données relatives à près d’un million d’entreprises de 27 pays avancés ou émergents, en remontant au début des années 2000.

Notre analyse indique que la montée de la puissance de marché des entreprises n’a eu jusqu’ici que de faibles conséquences négatives pour l’économie. Mais si elle n’est pas contrôlée, elle pourrait à terme nuire davantage à la croissance et aux revenus des particuliers. Les dirigeants doivent adopter différentes politiques pour maintenir une saine concurrence sur les marchés.

La montée de la puissance de marché

On associe souvent la puissance de marché à l’augmentation de la concentration et à l’émergence d’entreprises géantes dans des secteurs tels que l’industrie pharmaceutique ou les hautes technologies, mais il en existe un meilleur indicateur : la marge bénéficiaire sur le coût de production, c’est-à-dire le rapport entre le prix que l’entreprise demande pour ses produits et leur coût de production. Selon ce critère, la marge moyenne des entreprises a augmenté, mais dans une mesure modérée : elle a progressé de près de 8 % dans les pays avancés depuis 2000, mais de moins de 2 % dans les pays émergents examinés pour notre analyse.


Cette augmentation s’observe dans la plupart des secteurs, mais elle est particulièrement prononcée dans les entreprises non manufacturières et dans celles qui recourent le plus intensément aux technologies numériques. Toutefois, au sein de ce secteur, les marges élevées se concentrent dans un petit nombre d’entreprises.

Les 10 % d’entreprises qui ont les plus fortes marges les ont accrues de plus de 30 % depuis 2000, alors que les marges sont restées largement inchangées parmi les 90 % restants.

Ces championnes des marges varient par leur taille, mais elles affichent de meilleurs résultats que les autres. Elles sont en moyenne environ 50 % plus rentables, plus de 30 % plus productives, et elles utilisent 30 % d’avoirs immatériels, tels que des brevets ou des logiciels, en plus que les autres. La plupart des entreprises à fortes marges sont plutôt petites (elles peuvent par exemple dominer des marchés de niche), mais les plus grandes de ce groupe assurent la majeure partie des ventes totales du groupe.

Le rôle joué par un petit nombre d’entreprises plus prospères qui poussent les marges à la hausse dans un grand nombre de pays avancés et de secteurs met en lumière des facteurs sous-jacents communs.

On observe notamment un phénomène où quelques gagnants se partagent le gâteau. Sur de nombreux marchés, la montée de la puissance de marché des entreprises plus productives et innovantes s’appuie sur leur plus grande capacité à exploiter des avoirs immatériels propriétaires, des effets de réseau et des économies d’échelle (le coût unitaire diminue à mesure que la production augmente). Ainsi, aux États-Unis, ces entreprises à fortes marges ont également vu leur taille augmenter par rapport à celles qui pratiquent des marges moins élevées, ce qui a contribué à une hausse plus nette des marges totales par rapport à l’Europe.

Des tendances préoccupantes

Notre étude indique que, depuis la première décennie 2000, l’augmentation des marges a entraîné une certaine réduction des investissements réalisés par les entreprises, un ingrédient pourtant essentiel au maintien de la croissance. Lorsqu’une entreprise gagne en puissance de marché, elle peut accroître ses bénéfices en augmentant ses prix et en réduisant sa production. Elle est ainsi amenée à diminuer sa demande de capitaux, et donc ses investissements. Cet effet est particulièrement marqué pour les entreprises dont les marges ont le plus augmenté, mais il est plus modéré dans le groupe des pays avancés.


Selon nos estimations, si les marges étaient restées à leur niveau de 2000, le stock de biens d’équipement serait aujourd’hui plus élevé de quelque 3 %, et le PIB d’environ 1 %. En réduisant l’investissement, la montée de la puissance de marché a affaibli la demande globale, amplifiant ainsi légèrement l’impact de la crise financière de 2008.

L’augmentation de la puissance de marché depuis 2000 est également responsable d’au moins 10 % de la baisse totale (0,2 points de pourcentage sur 2) de la part du revenu national qui est versée aux travailleurs dans les pays avancés. Ceci a contribué à creuser les inégalités de revenus entre travailleurs, car la hausse du revenu du capital tend à bénéficier principalement aux personnes à revenus élevés.

Renforcer la concurrence

Les dirigeants doivent agir pour deux raisons.

Premièrement, si les effets macroéconomiques décrits ci-dessus restent modestes jusqu’ici, ils pourraient s’aggraver si la puissance de marché n’est pas domptée. Outre une baisse accrue de l’investissement et de la part des revenus versés aux travailleurs, un autre effet négatif pourrait se manifester : au-delà d’un certain seuil, l’augmentation de la puissance de marché étoufferait l’innovation car les entreprises n’auraient plus suffisamment de raisons de se distinguer de leurs concurrentes par l’innovation.

Deuxièmement, ce n’est pas parce que l’évolution technologique renforce la puissance de marché que les dirigeants doivent y assister sans rien faire. Tout affaiblissement des politiques favorables à la croissance risquerait d’amplifier des dynamiques hautement hégémoniques, et les entreprises qui se sont forgé une position dominante sur le marché en recourant à des produits et des pratiques commerciales innovants pourraient être tentées d’assurer leur position en érigeant des obstacles à la concurrence, par exemple en imposant des frais élevés aux clients souhaitant changer de prestataire.

Les politiques devraient avant tout viser à assurer des chances égales à toutes les entreprises, y compris les nouvelles, en particulier dans les secteurs non manufacturiers où les marges ont le plus progressé. Cela implique d’abaisser les entraves nationales à l’arrivée de nouveaux acteurs (par exemple en réduisant les formalités administratives à la création d’entreprises) et de réduire les obstacles au commerce et aux investissements directs étrangers dans les services. Il pourrait également s’agir de renforcer certains éléments du droit et des politiques de la concurrence, tel que les enquêtes sur les marchés, de réformer la fiscalité des entreprises afin d’imposer les bénéfices tirés indûment de la puissance de marché, ou de veiller à ce que les droits de propriété intellectuelle encouragent l’innovation réelle plutôt que les améliorations mineures.

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Federico J. Díez est économiste à l’unité « réformes structurelles » du département des études du FMI. Avant d’intégrer le FMI, il travaillait à la Federal Reserve Bank of Boston. Il s’intéresse notamment à la puissance de marché des entreprises, à l’innovation, à l’entrepreneuriat, à la structure des entreprises et aux monnaies de facturation. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’université du Wisconsin à Madison.

Romain Duval est conseiller au sein du département des études du FMI, où il pilote le programme consacré aux réformes structurelles. Il est l’auteur de nombreuses publications dans des revues universitaires et de politique économique sur des thèmes très divers tels que les réformes structurelles, la croissance, le chômage, l’économie politique des réformes, les cycles économiques, la politique monétaire, les taux de change et le changement climatique. Il est titulaire d’un doctorat en économie.
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