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18 ans plus tard, et près de 2,5 milliards $ investis, l’Afrique a toujours autant soif

Publié le lundi 29 avril 2019  |  Agence Ecofin
Célébration
© aLome.com par Edem Gadegbeku et Jacques Tchako
Célébration de la Journée mondiale de l`eau 2018: la Tde en JPO
Lomé, le 22 mars 2018. Station de traitement de Cacaveli. La Tde en mode JPO: elle expose ses infrastructures techniques et technologiques de production de l`eau potable.
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Le continent qui a enregistré, ces 20 dernières années, le plus gros volume d’investissements destinés à l’eau potable, demeure toujours celui qui affiche le plus faible niveau mondial d’accès des populations au précieux liquide. Selon les Nations Unies, la faible volonté des pays d’Afrique à mettre en place des politiques efficaces de gestion intégrée des ressources en eau menace non seulement le développement économique de la région, mais également l’atteinte du sixième objectif de développement durable : l’accès universel et équitable à une eau potable et abordable pour tous d’ici 2030.




L’accès à une eau potable et abordable demeure encore un défi en Afrique. 66% des pays du continent enregistrent encore une couverture des services de base en eau potable moins de 75%, avec d’ailleurs de grandes disparités entre les pays. En Erythrée par exemple, la proportion de la population ayant accès à de l'eau potable de base avoisine les 19% tandis qu’elle atteint les 100% à Maurice.

L’inégalité demeure également importante entre les zones rurales, très peuplées en Afrique, et urbaines. Hormis l’Afrique du Nord, les Nations Unies, dans leur « Africa sustainable development report 2018 », estiment que 82% de la population urbaine avaient au moins accès à des services d’eau potable de base, contre 43% de la population rurale. L’organisation internationale estime que le taux de personne ayant accès à l’eau potable de base et sécurisée n’est passé que de 17,9% à 23,7% en Afrique subsaharienne depuis 2000, alors qu’il a grimpé de 45,9% à 80,8% en Afrique du Nord.

En Asie, le taux de personne ayant accès à l’eau potable de base et sécurisée est passé de 52,8% à 59,5%. En Amérique latine, il a grimpé de 61,1% en 2000 à 65,4%. En Europe, la progression enregistrée est de 81,5% à 91,8%. Seule l’Amérique du Nord est demeurée constante avec ses 99% de taux d’accès des populations à l’eau potable de base et sécurisée.


En clair, près de 700 millions de personnes peinent toujours à accéder à une eau traitée à usage alimentaire en Afrique subsaharienne. La plus grosse proportion mondiale. En cause, selon les Nations Unies, la faible volonté des gouvernements dans la gestion des ressources en eau, qui se traduit par une insuffisance des infrastructures de traitement et d’acheminement de l’eau et la détérioration des sources d’eau, due à une mauvaise gestion des ressources. Pourtant, en 20 ans, l’Afrique subsaharienne est la région du monde qui a attiré le plus gros volume d’investissement destiné à l’eau.



Investissements multiples

Les Nation Unies estiment que l’Afrique, à l’exception de l’Afrique du Nord, est l’un des principaux bénéficiaires de l’Aide publique au développement pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement depuis 2000. Bien que les décaissements au titre de l’APD aient augmenté dans toutes les régions (sauf en Asie de l’Est), les décaissements en Afrique, à l’exclusion de l’Afrique du Nord, ont plus que doublé. Au niveau continental, la Facilité africaine de l’eau (AWF) et l’Initiative d'approvisionnement en eau et d'assainissement en milieu rural (RWSS), hébergés et gérés par la Banque Africaine de Développement (BAD), ont mobilisé des milliards d’euros pour l’eau.

«L’AWF a mobilisé plus de 1,4 milliard d'euros d'institutions financières bilatérales et multilatérales, de fondations et de gouvernements africains pour financer le développement de projets relatifs aux ressources en eau et à l'assainissement en Afrique. Depuis sa création en 2003, le RWSSI Trust Fund a mobilisé d’importantes ressources financières supplémentaires pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement en milieu rural auprès des institutions multilatérales et bilatérales, des communautés locales, des organisations non gouvernementales (ONG) et des gouvernements africains », révèlent les Nations Unies.


A cela s’ajoutent des initiatives et engagements continentaux pour accroître la disponibilité et la gestion durable de l'eau tels que la Déclaration de N'gor sur la gestion durable de l'eau et de l'assainissement ; la Déclaration ministérielle de Dakar de 2014 sur la sécurité de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement ; et la Déclaration de N'gor de 2015 sur l'assainissement et l'hygiène, le plan d’action de Kigali; le Programme d'action prioritaire pour la gestion des ressources en eau en Afrique; le Programme pour l'accès universel à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement en Afrique (Initiative 2M4M); le Programme des villages africains propres; le Programme panafricain d’assainissement productif… Autant d’instruments qui n’ont pas véritablement changé la situation des populations d’Afrique subsaharienne.



Le choléra persiste

Qui dit faible accès à l’eau potable dit haute prévalence des maladies liées à l’eau. Si l’on ne parle plus du choléra depuis longtemps dans les pays développés, son éradication demeure cependant encore un défi en Afrique. Des crises graves sont d’ailleurs souvent identifiées dans divers pays comme le Cameroun, le Kenya, le Congo, Angola, Mozambique, Nigeria, la Zambie et même l’Afrique du Sud. Dans son rapport «Ending Cholera: A global roadmap 2030», la Global Task Force on Cholera Control estime qu’en Afrique, seulement 40 à 80 millions de personnes vivent encore dans les différents «points chauds» du choléra recensés à travers le monde. Le continent est d’ailleurs celui qui en abrite le plus. À l'intérieur de ces points chauds, le taux de mortalité lié au choléra est élevé car l’accès aux soins de santé est limité et les gens se contentent d'une eau et d’un système d'assainissement de mauvaise qualité.

Lors de sa 66èmee session tenue du 27 au 31 août 2018 à Dakar, le Comité régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) relevait qu'en 2017 seulement, plus de 150 000 cas de choléra, dont 3000 décès, représentant un taux de létalité de 2,3%, ont été signalés dans 17 pays de la région africaine avec plus de 90% de ces cas issus de l’Ethiopie, la RD Congo, le Kenya, le Nigeria, le Soudan du Sud et la Tanzanie, plus fortement touchés.


Le problème d’accès à l’eau potable en Afrique, l’OMS considère qu’il ne nuit pas uniquement aux populations mais également à l’économie du continent. « Lorsque l'eau provient de sources améliorées et plus accessibles, les personnes consacrent moins de temps et d'efforts à la collecter physiquement, ce qui signifie qu'elles peuvent être productives d'autres manières. Cela peut également renforcer la sécurité des personnes en réduisant la nécessité de faire des trajets longs ou risqués pour aller chercher de l'eau. De meilleures sources d'eau signifient également moins de dépenses de santé, car les personnes sont moins susceptibles de tomber malades, de supporter des coûts médicaux et sont mieux à même de rester économiquement productives. Les enfants étant particulièrement exposés aux maladies liées à l'eau, l'accès à de meilleures sources d'eau peut améliorer la santé et donc la fréquentation scolaire, avec des conséquences positives à long terme pour leur vie », souligne l’organisation internationale basée à Genève, en Suisse.


Le marché de l’eau s’enrichit

Si le problème d’accès à l’eau potable demeure un problème persistant en Afrique, il est par contre une aubaine pour l’industrie de l’eau en bouteille qui a connu une forte croissance ces dernières années sur le continent. Au cours d’un entretien accordé en 2015 à la chaine de radio marocaine Medi1, pour le magazine Afrique Invest, Guy Gweth, expert en intelligence économique sur les marché africains pour le cabinet Knowdys, dessinait un marché de l’eau en bouteille toujours plus dynamique d’ici 2020, selon une étude menée par ses soins. Cependant, il soulignait que ce dynamisme du marché ne profiterait pas à la majorité de la population d’Afrique subsaharienne vivant en dessous du seuil de pauvreté.


« Le marché de l’eau minérale, en Afrique subsaharienne, se porte très bien. On est sur une croissance à deux chiffres depuis une dizaine d’années. C’est une croissance qui est portée notamment par la demande des classes moyenne d’une part, et d’autre part par la demande du secteur touristique. Tout ceci, à côté de la situation extrêmement défectueuse des dispositifs d’assainissement et de production, fait que finalement on se retrouve aujourd’hui avec une production moyenne de près de 90 millions de bouteilles d’eau minérale par an et par pays en Afrique centrale et de l’Ouest. D’ici 2020 cette production devrait doubler, boostée par la montée du pouvoir d’achat des classes moyennes d’une part et aussi par les perspectives très intéressantes du tourisme (...) Il y a encore de la place pour de nouveaux entrants dans ce secteur parce qu’à terme les populations bénéficieront davantage d’une situation totalement ouverte à la concurrence tirant ainsi les prix vers le bas. L’eau en bouteille s’est imposée en Afrique, déjà parce que nous avons un système d’assainissement et de distribution extrêmement défectueux », déclarait Guy Gweth.

Selon lui, bien que l’Afrique subsaharienne ait aujourd’hui environs 660 000 kilomètres cubes d’eau dans les nappes souterraines, il est extrêmement difficile et coûteux d’exploiter cette eau, et d’autant plus que les dispositifs de production, d’assainissement et de distribution sont encore défectueux. « A côté de cela vous avez la montée en puissance des classes moyennes qui d’après les derniers chiffres de la Banque Africaine de Développement représente environs 340 millions de personnes, qui ont des exigences en matière de consommation d’eau. Lorsque vous avez à côté de cela 70% des personnes souffrant de pathologies liées à l’eau et à l’assainissement de la qualité de l’eau, le tableau est tout à fait clair (…) Ceux qui ont les moyens vont pouvoir s’offrir une eau de qualité », au grand profit du marché de l’eau, soulignait l’expert du cabinet Knowdys.

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