Les résultats provisoires se font toujours attendre. Les principales formations politiques de l’opposition n’ayant pas été autorisées à participer à ces élections, le taux de participation risque d’être très bas.
À en croire plusieurs analystes, la tradition du pluralisme politique au Bénin, qui remonte au renouveau démocratique de décembre 1990, vient d’être remise en cause.
En effet, seulement deux partis politiques ont été autorisés à participer à ces élections: le Bloc libéral et celui des Progressistes qui sont, qui plus est, tous deux issus de la majorité présidentielle.
Lors des dernières élections législatives de 2014, les électeurs avaient eu par exemple le choix entre 20 listes différentes.
"Ce n’est pas seulement l'exclusion de l'opposition qui joue un rôle, mais aussi quelques comportements de l'administration béninoise, par exemple la coupure d'internet pendant la journée des élections (le 28 avril, ndlr), l'arrestation de certaines personnalités de l'opposition. Donc, tout ça joue en défaveur du modèle béninois qu'on a connu depuis 30 ans", déclare, déçu, Hans-Joachim Preuss, le représentant de la Fondation allemande Friedrich Ebert au Bénin.
"Ce Parlement ne représente pas les Béninois"
Ni le code électoral encore moins la Constitution béninoise n’ont prévu un seuil minimum de participation pour valider les élections législatives.
"Il n'existe pas de droit de dissolution dans la Constitution du Bénin qui aurait permis sans doute de pouvoir mettre un terme à ce Parlement qui n'honore pas notre démocratie. Au fond, ce Parlement ne représente pas les Béninois et n'aura jamais la légitimité de représenter les Béninois et d'agir en leur nom", répond le constitutionnaliste béninois Frédéric Joël Aivo.
Rupture de consensus
L'Union africaine a rappelé que "le Bénin a une réputation de modèle démocratique en Afrique" mais a aussi déploré que les élections législatives du 28 avril 2019 "interviennent dans un contexte marqué par une rupture du consensus (...) pour la première fois dans l'histoire démocratique du pays".
Par ailleurs, les observateurs que l’UA a déployés pour superviser ces élections ont regretté, mardi dernier, "la perte de vies humaines et les cas de violences survenus dans les départements du Borgou, des Collines et du Zou".
Pour sa part, la plateforme d'observation de société civile a recensé deux morts, sur un total de "206 incidents (destruction et incendie de matériel électoral, accrochages entre militants des partis, populations et force de sécurité publique).
Fort taux d’abstention
Les premières estimations publiées par la société civile au lendemain du vote tablaient sur des taux de participation oscillant entre 1,25% à 63,27% selon les bureaux de vote.
Quant à certains leaders de l’opposition, ils estiment des chiffres dépassant les 90%.
C’est dans ce contexte tendu et incertain que deux anciens chefs d’État ont appelé le peuple "à se défendre".
"L'heure est grave. Le peuple exige le retour de la démocratie", a par exemple déclaré, lundi à la presse l'ancien président Thomas Boni Yayi au pouvoir entre 2006 et 2016 et qui demeure très populaire surtout dans le nord du Bénin.
"Les institutions ne sont plus crédibles. (Le président Patrice) Talon marchera sur nos corps. Qu'il renonce à la confiscation du pouvoir législatif et à son projet de nomination des 83 députés", a lancé, courroucé, Nicéphore Soglo, qui a dirigé le Bénin de 1991 à 1996 en tant que premier président de l'ère démocratique.
Réponse des autorités béninoises : il est impossible d’interrompre le processus électoral en cours en vertu de la séparation des pouvoir en vigueur dans le pays.
"Si le président Talon saisit la balle au bond, cela peut-être positif pour lui", commente le spécialiste de la politique béninoise. S'il ne le fait pas, les violences vont continuer, et cela peut être très dommageable pour lui et pour l'ensemble de la population", prévient le politologue béninois Expédit Ologou.... suite de l'article sur Autre presse