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Gouvernance sportive/«Dans beaucoup de pays, les anciens Champions sportifs comme moi sont nommés Conseillers quelque part pour que l’on profite de leur expérience», Horacio Freitas

Publié le mercredi 8 mai 2019  |  aLome.com
Dédicace
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Parfait
Dédicace d`un Essai, La Passionnante histoire du football togolais, préfacé par Edem K. Kodjo, ex SG de l`OUA
Lomé, le 1er février 2017. Résidence du Chef de la Délégation de l`UE (Union européenne) au Togo. Dédicace d`un Essai, «La Passionnante histoire du football togolais» (écrit par Gbati Juan-Carlos GMADJOM), préfacé par Edem Kodjovi Kodjo, ex SG de l`OUA. Cette dédicace a aussi été l`occasion de rendre hommage à Dodo Kodjovi Obilalé, ex gardien de but des Eperviers du Togo dont la carrière a été brisée dans l`attaque de Cabinda, en janvier 2010. Plusieurs passionnés de l`Art et du Sport ont pris part à cette cérémonie. Edem Edouard K. KODJO, littéraire, économiste de formation et homme politique. Horacio FREITAS, ancien ministre des Sports au Togo, et champion togolais dans diverses disciplines sportives.
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Analyste avisé des disciplines sportives en Afrique et dans le monde, Horacio Béno Freitas, plusieurs fois ministre (des Sports et de la Jeunesse au Togo) et dirigeant sportif en terre togolaise, décrypte les errements qui gisent dans la planification du Sport sur sa terre natale.




Le 18 février dernier à Lomé, vous avez été honoré par le club de hand-ball, ‘Les Curiaces’ (dans le cadre des 50 ans de cette formation) pour services rendus au hand-ball togolais dans son ensemble. Vos sentiments après ces honneurs ?

Dans les années 1963 à 1966, avant mon départ pour la France, le handball togolais était à ses balbutiements et, chaque week-end, après avoir joué au basketball avec la presqu’imbattable équipe ‘Entente Scolaire’ et au football avec ESSOR de Lomé, j’allais jouer au handball sur le terrain de Béniglato ; et c’est avec de la chaux vive blanche que nous tracions nous-mêmes les contours du terrain avant de jouer. Parmi ceux qui m’invitaient à m’essayer à cette nouvelle discipline sportive, il y avait Cosme Kovi Adébayor d’ALMEIDA. Et après mon départ de Lomé, j’ai appris que c’étaient ses coéquipiers et lui qui avaient été les premiers à créer la Fédération Togolaise de Handball. Lorsque j’étais aux affaires au ministère (des Sports), je ne peux pas dire ici tout ce que j’ai apporté au handball togolais. Alors, modestement, je pense que c’est tout à fait naturellement qu’ils aient pensé m’honorer en fêtant les 50 ans de leur club, «Les Curiaces».


Quelle thérapie durable doit-on appliquer au hand togolais, qui demeure la seule discipline sportive qui ait rapporté une distinction (une médaille) collective de taille au sport togolais ?

Permettez que s’agissant de ma spécialité préférée, je rectifie tout de suite, parce qu’avec l’entraîneur feu Séraphin LAWSON (paix à son âme), le monument du basket-ball togolais, nos filles ont remporté la médaille de bronze au Championnat féminin d’Afrique de basketball lors de la 5è édition qui s’était déroulée à Dakar (du 25 décembre 1976 au 04 janvier 1977). Ceci dit, un arbre ne cache pas la forêt et aucune thérapie n’est possible, tant que les Autorités politiques ne se rendront pas compte de l’importance du sport pour un pays.


Vous avez dirigé le ‘Comité de normalisation’ qui a jeté les bases d’un assainissement du foot togolais. 3 ans plus tard, quel bilan objectif peut-on dresser de la normalisation du foot au Togo, d’un point de vue administratif et sportif ?

C’est avec fierté que tous les neuf membres qui avaient été choisis par la FIFA et les Autorités togolaises pour m’accompagner dans notre noble tâche de remettre le football togolais sur les rails et moi-même, pouvons dire que nous avons réussi notre mission avec brio. Rendons hommage à la mémoire d’Yves BETE, notre Secrétaire Général, qui n’est malheureusement plus de ce monde et félicitations au deuxième Vice-président qui est notre actuel ministre des Sports.
Le bilan des deux ‘Comités de normalisation’ est mitigé car, sur le plan administratif, je peux dire que tout va à peu près pour le mieux, mais, sur le plan sportif, c’est toujours la même chanson. A savoir le manque presque total d’aide financière de l’Etat aux clubs de D1 et D2, le manque d’infrastructures dignes d’un pays qui rêve de grandes victoires sportives internationales, la violence récurrente sur les stades, la non-qualification des Eperviers seniors à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, l’inexistence d’une véritable Direction technique nationale qui pourrait être la cause du faible niveau de notre football malgré les nombreux talents individuels qu’on peut remarquer par ci et par là. Et le manque de vivier national où on irait puiser de nouveaux joueurs talentueux.


Vous avez suivi de très près la campagne des Eperviers durant les éliminatoires de la CAN 2019. Quelles dispositions les instances dirigeantes du foot au Togo doivent-elles prendre pour assurer une 10è qualification du Togo à la CAN 2021?

Modestement, je pense qu’il faudrait repérer et faire entraîner ensemble avec des matches amicaux réguliers, les jeunes actuels de moins de 22 ans et les faire jouer lors de ces éliminatoires pour la CAN 2021. Mais, pour organiser ces séances d’entraînement et ces rencontres, il faut des moyens humains et financiers, et nous n’en n’avons pas pour le sport en général. Donc, naturellement, l’échec nous attend encore au tournant.


L’effectif des Eperviers a été rajeuni sous Claude Le Roy depuis 2016. Comment doit-on transformer cette jeunesse en atout pour les Eperviers durant les prochaines éliminatoires de la CAN ?

Bizarrement, je crois que par anticipation j’ai répondu à cette question dans ma réponse précédente.


M. le ministre, vous avez été champion du Togo dans diverses disciplines sportives. Comment vivez-vous la faible affluence du public autour des matches du Championnat de D1 de foot au Togo, et la faiblesse des financements octroyés aux sports de main par l’Etat ?

A mon époque, nous jouions pour le plaisir et la fierté de défendre les couleurs du Togo. Nous achetions nos chaussures de sport nous-mêmes, et c’était rarement que l’on nous gratifiait de quelques billets de FCFA. Je me souviens qu’en 1964 à Lagos, lors des Eliminatoires de Basket féminin et masculin et du football où le Togo avait éliminé le Nigeria pour les 1ers Jeux Africains de Brazzaville, nous avions dû séquestrer notre Chef de délégation avant de pouvoir récupérer nos maigres primes que l’Etat nous avait allouées ! Vous voyez que cette affaire de primes ne date pas d’aujourd’hui !
La maigre affluence du public au stade est due à la qualité très moyenne du jeu pratiqué, à la violence entre les spectateurs, à l’arbitrage qui semble tronqué, aux matches truqués et arrangés, bref, je pense également à la vie politique du pays qui est secouée par des revendications multiformes et des répressions qui font peur au public qui n’ose plus sortir.


Quel marketing gagnant-gagnant peut-on mettre en place autour des disciplines sportives au Togo pour hâter leur professionnalisation toujours balbutiante ?


Le seul marketing est le financement véritable et sérieux de notre sport en général. Il y a quelques jours, par curiosité, j’ai voulu comparer le budget alloué au sport au Bénin voisin et celui alloué à notre sport. Sur internet, en cherchant le budget béninois alloué à leur sport, en moins de deux secondes, tout s’est affiché et j’ai failli casser ma souris en lisant que le ministre des Sports du Bénin, Monsieur HOMEKY, a défendu devant leur Assemblée Nationale, un budget de……. 58, 365 milliards de FCFA ! En cliquant pour rechercher le budget pour le sport togolais, non seulement rien ne s’était affiché mais, je sais que nous sommes cinquante fois derrière le budget béninois alloué au sport. Sans commentaires… Ne rêvons même pas de professionnalisme avant longtemps pour aucune discipline sportive au Togo. Déjà, le sport amateur a des difficultés, alors…


Emmanuel Adebayor vient d’annoncer sa retraite internationale chez les Eperviers. Quels hommages peut et doit-on rendre à ce footballeur qui a permis à beaucoup de nos contemporains de situer le Togo sur une carte du monde ?


ADEBAYOR qui est un ami que j’admire beaucoup pour son parcours sportif, a fait les beaux jours de notre football et c’est une chance que nous l’ayons eu comme un vrai champion pour «vendre» notre pays à l’étranger. Avec les Eperviers de 2006 à la Coupe du Monde, ils ont été décorés par le Chef de l’Etat, et j’estime que c’est déjà un grand hommage qu’on lui a rendu.


De quelle manière pensez-vous que cette star du foot peut continuer à rendre service à la sélection des Eperviers, même dans le confort de sa retraite ?


Il lui appartient maintenant à son tour, d’apporter son aide à notre football grâce à son expérience des grands clubs avec lesquels il a eu la chance de jouer. Beaucoup d’anciens grands joueurs jouent ce rôle auprès de leur sélection nationale. Même sa présence dans les vestiaires auprès de ses successeurs pourrait donner confiance aux nouveaux Eperviers. Comme il n’a pas besoin d’être payé (rires…), ce serait encore plus facile d’accepter qu’il joue le rôle d’adjoint au staff technique de la FTF (Fédération Togolaise de Football).


Très peu d’anciens sportifs togolais se retrouvent dans la gestion des affaires sportives dans leur pays après leur carrière. Comment peut-on mettre fin durablement à ce cycle insidieux qui ne profite pas au sport togolais ?



C’est exact que très peu d’anciens sportifs se retrouvent dans la gestion des affaires sportives après leur carrière. Tout dépend de comment ils ont vécu leur carrière et ce qu’ils en ont retenu. Pour certains, c’était peut-être l’ambiance malsaine qui régnait au sein de leur club ou de la sélection nationale qui les a découragés. Pour d’autres, et ils sont nombreux, c’est le manque criard de moyens matériels (ils sont fatigués de toujours «bricoler»). Parfois, ils sont obligés de mettre la main à la poche avant d’organiser les compétitions nationales. Enfin, je pense que notre pays est au niveau où il doit être sur tous les plans.

La 1ère CAN à 24 va voir prester des novices dans le foot africain. Que pensez-vous du nivellement des talents et des valeurs perceptibles dans le foot africain, durant les éliminatoires de la CAN 2019 ?


Honnêtement, je ne suis pas pour la CAN à 24 car cela fait presque la moitié des pays du continent qui sont retenus pour cette compétition alors que dans mon entendement, moins il y a de monde au départ, plus tu dois te battre pour participer.
Contrairement à ce que les responsables de la CAF ont pensé, j’estime que c’est un nivellement par le bas et je ne suis pas sûr que le niveau sera supérieur à ce que nous avons déjà connu par le passé avec les OKOCHA, les Patrick M’BOMA, les ETO’O Fils, Rigobert SONG, SALOU Bachirou, Kougbadja KADER, Georges WEAH, Didier DROGBA, Salif KEITA, Kossi AGASSA, Koffivi FIAWOO, KANA-BIYIK, SALOU Tadjou, Abedi PELE, Roger MILLA, feu Marc-Vivien FOE et tous les grands joueurs du Maghreb et surtout ceux d’Egypte, le pays qui a remporté trois fois de suite cette CAN !



Vous avez été joueur et coach de la sélection de basketball au Togo. La NBA et le FIBA lanceront en 2020 un Championnat professionnel en Afrique, opposant douze clubs. Votre lecture de cette grande première ?




J’avoue que c’est vous qui me l’apprenez ! C’est un énorme projet et une grande ouverture sur le continent qui regorge de talents ! Ce sera un événement exceptionnel ! Mais, disons-le tout de suite : si jamais la NBA ne soutenait pas financièrement ce grand projet, ce sera une grosse perte de temps pour tout le monde.
Nous ne sommes pas un continent riche et les besoins sont multiples pour satisfaire les populations sur le plan médical, scolaire, sécuritaire, alimentaire, etc. Est-ce que notre pays aurait une petite chance d’être parmi les douze pays ? Permettez-moi d’en douter. Voilà que nous sommes le seul pays au monde où il n’y a pas de gymnase ; c’est vrai qu’à Lomé, le terrain de basketball est quelque peu couvert et on peut y jouer lorsqu’il pleut mais quand même… Je vois déjà beaucoup de jeunes africains recrutés par les grands clubs américains comme j’en avais eu l’opportunité avec une bourse de l’Ambassade des Etats-Unis que j’avais refusée en 1962, à cause du racisme qui sévissait dans le pays de «l’Uncle Sam».



Au regard des résultats du tirage au sort de la CAN 2019, quelles équipes devraient jouer les 1ers rôles durant cette compétition ?


J’avoue également que dès que le Togo a été éliminé, je ne peux même pas vous dire quels pays sont qualifiés pour la CAN 2019, ni les différents groupes formés. Ma déception est profonde et je vous prie de bien vouloir m’en excuser. Mais, tout ça ne me dit rien tant que nous serons devant notre télé pour voir les matches se dérouler jour après jour…




Une kyrielle de chantiers sportifs existe sur le continent africain et les défis y relatifs sont immenses. Ne vous sentez-pas vous-même un peu à l’écart de ces chantiers, au regard de votre pedigree académique, sportif, politique et surtout managérial ?

‘C’est ça que vous dites comme ça’? S’il existe une personnalité oubliée du domaine sportif dans notre pays, je ne crois pas que nous serions deux ! C’est vraiment dommage que je sois obligé de ronger mon frein et de participer à de petits événements sportifs chez nous alors que modestement, le continent, que dis-je, le monde entier, me tend les bras ! En 2002 à Paris, à la «Maison du Sport», j’ai été élu Secrétaire Général de l’Association Francophone pour la Promotion de l’Esprit Sportif (AFPES), et en 2003 à Nice, j’ai reçu pour le continent africain, cinq ans après le Président MANDELA qui avait reçu le même prix à Nantes, les Distinctions Mondiales de l’Humanisme Sportif.
Le Président Eyadèma GNASSINGBE, paix à son âme, avait demandé que TVT m’accordât une interview pour expliquer à nos compatriotes le genre de distinction que j’avais reçue et, seize ans après…. j’attends toujours les caméras de TVT ! Dans beaucoup de pays, les anciens Champions comme moi sont nommés Conseillers quelque part pour que l’on profite de leur expérience. Chez nous, comme je n’ai pas la couleur politique qu’il faut et que je viens d’Aného, je peux attendre longtemps encore, mais Dieu m’a déjà décoré de l’Ordre des Humbles et Oubliés de la République et donné tout ce dont j’ai besoin pour vivre comme la plupart de mes compatriotes.



Que pensez-vous de la comparaison qui est faite dans les médias français entre le talent du Roi Pelé et celui du Franco-camerounais K. M’bappé ?



Les médias français ont la très mauvaise habitude de sacraliser trop rapidement les talents naissants. M’BAPPE est pétri de talent certes, et c’est un excellent joueur qui nous étonne de match en match, mais, le comparer déjà à la légende qui est Edson Arantes Do Nascimento dit ‘PELE’ (que j’ai eu le grand honneur de rencontrer en janvier 1993 après la charmante actrice Dona BEIJA et feu Joao HAVELANGE, le Président de la FIFA, chez eux tous à Rio), ils vont trop vite en besogne.
Ils n’ont qu’à commencer à le comparer à MARADONA, à MESSI, à RONALDO, CRUYFF, EUSEBIO, NEESKENS, PLATINI, ZIDANE, et bien d’autres grands joueurs. Il faudra qu’il dure dans le temps. Par contre, j’apprécie au plus haut point, sa façon de s’exprimer avec sagesse, modestie et humilité avec le respect de la hiérarchie. Ce sera un grand joueur si les médias ne lui font pas enfler la tête avant l’heure.
Enfin , je voudrais vous remercier pour avoir pensé à ma modeste personne pour cette longue interview qui m’a encore permis une fois, de dire tout haut, ce que beaucoup de personnes pensent tout bas. Bonne chance à vous et à votre organe sur tous les plans et merci encore !




Interview réalisée par Edem GADEGBEKU

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