Voici le message délivré par le SG de l’ONU, à la faveur de la célébration 2014 de la "Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines":
"En tant que Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, je mets un point d’honneur à favoriser l’autonomisation des femmes et des filles, la défense de leurs droits et la promotion de la santé féminine. La Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines est l’occasion de regarder en face ce problème chronique et de souligner l’espoir que font naître les initiatives menées qui montrent que l’on peut y mettre fin.
Nous devons nous efforcer de préserver la culture, mais abandonner les pratiques néfastes.
Aucun motif tenant au développement, à la religion ou à la santé ne saurait justifier qu’une fille ou une femme soit excisée ou mutilée. D’aucuns diraient qu’il s’agit d’une « tradition ». N’oublions pas que cet argument peu convaincant a également été utilisé pour défendre l’esclavage, les « crimes d’honneur » et d’autres pratiques inhumaines. Qu’une pratique néfaste existe depuis toujours ne saurait en aucun cas justifier sa pérennisation. Toute « tradition » qui a un caractère dégradant ou déshumanisant et porte atteinte à l’intégrité de la personne humaine constitue une violation des droits de l’homme; il faut s’élever haut et fort contre cette « tradition » jusqu’à ce qu’elle soit abandonnée.
Les mutilations génitales féminines causent un préjudice grave aux femmes qui les subissent. Elles ont des effets immédiats et à long terme sur la santé, qui se manifestent par des douleurs chroniques, des infections, de l’incontinence et parfois des complications mortelles lors de la grossesse et de l’accouchement.
Ces pratiques régressent dans presque tous les pays, mais il est effrayant de constater à quel point le problème est répandu. Il est difficile d’obtenir des statistiques exactes, mais d’après les estimations, plus de 125 millions de filles et de femmes vivant aujourd’hui dans 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient, là où les mutilations génitales féminines sont particulièrement fréquentes et où il existe des données, auraient été excisées. Si la tendance se maintient, dans le monde entier, quelque 86 millions de jeunes filles risquent de subir cette pratique, sous une forme ou une autre, d’ici à 2030. L’Amérique du Nord, l’Asie, l’Europe et les autres régions ne sont pas épargnées; elles doivent également faire preuve de vigilance.
Heureusement, l’action que nous menons à l’échelle mondiale pour mettre fin à cette pratique néfaste laisse présager des avancées encourageantes.
Les filles elles-mêmes comprennent instinctivement les dangers associés à l’excision et de nombreuses mères qui ont vécu ce traumatisme ou en ont été témoins veulent en préserver leurs filles. Il est encourageant de constater que de plus en plus de communautés locales s’associent et conviennent publiquement de mettre un terme aux mutilations génitales féminines et de donner aux filles une vie meilleure.
Dernièrement, l’Ouganda, le Kenya et la Guinée-Bissau ont adopté des lois visant à mettre fin aux mutilations génitales féminines. En Éthiopie, des responsables ont été arrêtés, jugés et sanctionnés, sous l’œil des médias, ce qui a sensibilisé l’opinion publique.
L’Organisation des Nations Unies et ses partenaires mènent des activités importantes, respectueuses des différentes cultures, qui visent à mettre un terme aux mutilations génitales féminines sans reproche ni opprobre.
Au Soudan, la campagne intitulée « Saleema » fait évoluer la société. Saleema signifie en arabe complet, intact, entier, inaltéré. Un père, ému par cette initiative, a décidé que ses filles ne seraient pas excisées. « Une fille naît saleema, dit-il, et il faut la laisser saleema ». Des centaines de communautés se sont ralliées à cette initiative, exprimant leur soutien par des chansons, des poèmes et des vêtements aux couleurs vives de la campagne. D’autres pays se sont inspirés de cette campagne ou trouvent des solutions qui sont adaptées à leurs propres besoins. Au Kenya, par exemple, les sages de la communauté des Meru ont interdit la pratique des mutilations génitales féminines et ont fait le serment d’imposer une amende à quiconque se livrerait à cette pratique ou l’encouragerait.
L’Organisation des Nations Unies fait de la prévention, mais s’emploie aussi, en collaboration avec ses partenaires, à aider les femmes qui ont subi des mutilations génitales. La médecine ayant connu des progrès sans précédent, les médecins peuvent à présent, grâce à la chirurgie réparatrice, redonner aux femmes leur intégrité physique et leur permettre de retrouver la santé. Me reviennent les propos d’une femme médecin du Burkina Faso qui décrivait le profond soulagement ressenti par les femmes après l’intervention, d’après elle efficace à 100 %. Faisons preuve de générosité pour aider toutes ces femmes qui n’ont pas les moyens de se rendre là où les interventions sont pratiquées et pour soutenir les programmes qui leur permettent de bénéficier des soins dont elles ont besoin.
Tous les États d’Afrique se sont portés coauteurs de la résolution historique par laquelle l’Assemblée générale a proclamé cette journée internationale, adoptée à l’unanimité par les États Membres de l’Organisation. Voilà un bel exemple de ce qui peut se passer quand les Nations Unies font bloc pour défendre les droits de l’homme dans toute leur universalité. Le véritable défi, maintenant, est de donner tout son sens à cette journée en la mettant à profit pour mobiliser les populations, obtenir des avancées sur les plans juridique et pratique, et aider les filles et les femmes qui ont subi ou risquent de subir des mutilations génitales féminines.
Pour les femmes, les incidences seront considérables, que ce soit en termes de souffrances épargnées ou de succès à espérer. L’ensemble de la société bénéficiera des retombées de cette initiative, puisque ces filles et ces femmes s’épanouiront et contribueront à bâtir un avenir meilleur pour tous".