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Kéran/La «guerre» des terres aura-t-elle lieu ?

Publié le jeudi 9 mai 2019  |  Amania Info
Faure
© Autre presse par Présidence du Togo
Faure Essozimna Gnassingbé préside la cérémonie de lancement des travaux de construction de deux ponts sur les rivières Kara et Koumongou
Préfecture de l`Oti-Sud, le 21 avril 2017. Bords du Koumongou qui sépare le canton du même nom et celui de Sadori, à environ 500km de Lomé. Faure Essozimna Gnassingbé préside la cérémonie de lancement des travaux de construction de deux ponts sur les rivières Kara et Koumongou. Cet évènement est le premier d’une série d’inaugurations d’ouvrages et d’infrastructures, inscrite à l’agenda du chef de l’Etat dans le cadre de la célébration des 57 ans de l’indépendance du Togo.
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Depuis une décennie, au Togo, des affrontements communautaires récurrents opposent, la plupart du temps, des peuples issus d’un même lignage. En témoigne le conflit larvé entre les Lamba de Kantè et ceux de Défalé. Les deux localités sont séparées par une frontière naturelle : les Monts Défalé ! Problème : cette limite naturelle n’est pas du goût de l’ancien ministre des finances de Faure Gnassingbé. Natif de Défalé, Adji Otteh Ayassor use de rapts fonciers pour accroître l’étendue de son canton natal en vue de l’ériger en préfecture.



Dans la préfecture de la Kéran, les hommes et les animaux sauvages se disputent âprement la place. Depuis que le gouvernement togolais a pris faits et causes, de façon sanglante pour la faune, ce sont les communautés qui se disputent les terres. Hier, la « guerre » des terres opposait Lamba de Défalé aux Nawda de Baga. Cela s’était soldé par un bilan assez lourd : un mort et plusieurs blessés. Aujourd’hui, c’est les Lamba de Défalé qui portent le fer chez leurs frères Lamba de kantè. La cordialité qui régissait depuis des générations, les relations entre les deux cantons abritant le même peuple, a volé en éclats, avec à la clé, des affrontements intercommunautaires.

En cause : un conflit foncier, qui a atteint son point culminant au mois de mars dernier. Quelques semaines plus tard, soit le 6 avril 2019, des manifestants se mobilisent au pied du Mont Défalé pour exprimer leur ras-le-bol. Sur les banderoles, on pouvait lire entre autres : « Ayassor abuse de son autorité pour nous voler nos terres».


Adji Otteh Ayassor. Un nom qui revient dans toutes les affaires de terres dans la zone. Baron du régime. Homme de confiance du chef de l’Etat. Tout puissant ministre de l’économie et des finances de 2006 à 2016. Dix ans !

Natif de Défalé, il rêve d’ériger son canton en préfecture. Les critères sont certes politiques mais pas que. Un minimum d’apparences doit être sauf. Défalé ne pouvant aisément sauter les étapes sans une superficie défendable au risque de voir tous les autres barons entrer dans la brèche ainsi ouverte en demandant tous l’érection de leur village ou quartier de naissance en préfecture. Qu’à cela ne tienne ! Le tout puissant argentier de Faure Gnassingbé trouve une astuce : étendre les limites de son canton natal en rongeant sur les terres des cantons voisins. 2010: début des travaux du contournement du Mont Défalé. Hasard ou préméditation, c’est également cette période que choisit Adji Otteh Ayassor pour commencer son projet d’expansion.

Du haut du Mont Défalé, on peut apercevoir le canton de Kantè, ses villages, ses champs et ses maisons couvertes pour la plupart de pailles. Tout juste au pied de la montagne, le village de Gnantè vous accueille avec ses manguiers, ses baobabs et ses arbustes verdis par les premières pluies de ce mois d’avril.


François Atardjéré a la soixantaine. Cultivateur, il est le patriarche de Gnantè. Un jour, il reçoit une visite des plus improbables. Adji Otteh Ayassor en personne, le tout puissant ministre des finances, à l’époque encore aux affaires frappe à sa porte. Il est porteur d’un deal qui pourrait changer la vie de ce sexagénaire analphabète et de sa famille. « Le ministre Ayassor m’a dit que si j’accepte la tutelle de Défalé sur mon village, il fera de moi chef de village avec à la clé, un véhicule de fonction et un bureau dans la ville de Défalé » raconte François.

«Evidemment, continue le patriarche, je l’ai envoyé promener. Ma vie est certes précaire avec les récoltes qui maigrissent chaque année à vue d’œil. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour trahir les vivants et les ancêtres».

La carotte n’ayant pas marché, Ayassor décide d’essayer le bâton. Quelques semaines après le rejet de son offre, le tout puissant ministre revient à la charge, escorté cette fois-ci de militaires, armes au point. Objectif : déplacer les bornes du canton de Défalé au-delà de la montagne, et absorber de facto le village voisin de Gnantè.


Alertés, les jeunes du village accourent pour s’opposer au « vol » de leurs terres. Mais ils se sentent impuissants devant les armes lourdes des militaires. Ils attendront que les bornes soient fixées, et qu’Ayassor et sa horde tournent le dos pour revenir les déterrer. Koroudji, l’un d’eux s’en souvient encore : « Nous avons arraché les bornes et nous le referons s’ils reviennent en planter encore. Il est hors de question de nous laisser exproprier. Pour rien au monde, nous ne céderons ». Dix ans après, le conflit continue d’opposer les communautés Lamba de Défalé et de Kantè.

David contre Goliath


Ayassor a planté ses bornes. Les villageois sont venus les arracher. Mais l’ex ministre n’est pas du genre à abandonner. Il décide de passer à la vitesse supérieure. En 2015, François Atardjéré est assigné en justice à Niamtougou. Il lui est reproché d’empêcher les communautés de Défalé la jouissance de leur droit de propriété. Il ne se laisse pas faire. Le juge propose alors une descente d’experts sur le terrain afin de trancher. A son retour à Kantè, François réplique en assignant à son tour la collectivité de Défalé en justice. Cette dernière est déboutée de ses prétentions. Pourtant, les natifs de Défalé continuent d’exploiter allégrement l’espace litigieux. Des affrontements éclatent entre les habitants des deux côtés de la montagne, occasionnant des blessés.

A la suite de ces affrontements, un mouvement de jeunes dénommé « développement de la Kéran » s’empare du problème et organise le 6 avril 2019, une manifestation à Kantè, pour exiger que justice soit faite au sujet du conflit foncier qui oppose les deux peuples frères. Après avoir vainement essayé de convaincre les organisateurs d’annuler la manifestation, le préfet de la Kéran Douti N’Sarma n’a pas fait mieux que d’envoyer un détachement de militaires empêcher l’attroupement. Mais ces derniers, habitués à brutaliser les manifestants ont surpris par leur réaction non-violente. Mieux, le commandant de la troupe a ouvert avec les organisateurs des négociations et a fini par les convaincre d’aller soumettre leurs revendications au préfet. Conseil que les meneurs ont suivi, évitant de justesse un affrontement entre manifestants et forces de l’ordre.


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