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Afrique: Comment l’agriculture peut contrecarrer la migration des jeunes

Publié le mercredi 29 mai 2019  |  Spore Magazine
Trois
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Jacques Tchakou
Trois cents chercheurs et experts participent à la Conférence Avicole Panafricaine (CAP) du 14 au 16 mai, organisée par le CERSA
Lomé, le 14 mai 2019. Auditorium de l’Université de Lomé. Trois cents chercheurs et experts participent à la Conférence Avicole Panafricaine (CAP) du 14 au 16 mai. Cette rencontre a pour objectif de mettre ensemble différents acteurs de la filière pour faire le point des avancées et des innovations tout en leur permettant de faire des échanges fructueux. Organisée par le Centre d’Excellence Régional sur les Sciences Aviaires (CERSA) et la branche togolaise de l’Association Mondiale des Sciences Avicoles (en anglais WPSA), la rencontre a mobilisé des enseignants-chercheurs, des experts, des éleveurs et des industriels d’une quinzaine de pays. Les travaux ont été ouverts par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Pr Koffi AKPAGANA.
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De plus en plus de jeunes quittent leurs communautés rurales d’Afrique subsaharienne en quête de meilleurs emplois. Pour devenir une alternative, le secteur agricole doit leur proposer des opportunités de travail viables.

Les migrations sont loin d’être un phénomène nouveau et l’essentiel de ces mouvements migratoires se produit à l’intérieur des pays plutôt qu’entre pays ou continents. Parmi les multiples causes de l’exode rural en Afrique – catastrophes climatiques, intempéries, dégradation des ressources naturelles et conflits… – figure en premier lieu l’explosion démographique des jeunes sur le continent.

En Afrique subsaharienne, la moitié de la population a moins de 25 ans et presque 20 millions de jeunes entrent chaque année sur le marché du travail, dont 12 millions de ruraux. Selon la FAO, 65 à 75 % des migrants africains sont des jeunes qui cherchent essentiellement des opportunités d’emploi. L’agriculture, plus important employeur d’Afrique, offre les meilleures perspectives de croissance économique et de création d’emplois pour la jeunesse. Pour tirer parti de ce potentiel inexploité, l’agriculture doit devenir une option professionnelle plus attractive et viable pour les jeunes. En la matière, les secteurs public et privé ont un rôle crucial à jouer.


Tirer parti des opportunités économiques

La Banque mondiale prévoit que l’agriculture et l’agrobusiness africains vont se développer au point de valoir 890 milliards d’euros d’ici 2030, ce qui représente des perspectives de bénéfices considérables pour les jeunes agriculteurs et entrepreneurs. “Nous disposons des ressources nécessaires, comme les terres et les sols fertiles, que nous pouvons utiliser pour saisir des opportunités commerciales dans l’industrie alimentaire mondiale”, affirme Kisseka Samson, 22 ans, cofondateur et directeur exécutif de Hello Mushrooms U Ltd en Ouganda.

Hello Mushrooms fournit des intrants et propose des formations gratuites à des producteurs de champignons en échange de leur production, vendue ensuite à vingt grossistes et détaillants ainsi qu’à des clients individuels. Le continent offre partout des exemples semblables de jeunes entrepreneurs agricoles ambitieux. Comme au Cameroun, où Awah Ntseh, 22 ans, a créé Farmer’s Forte, une gamme de produits de beauté développés à partir de produits locaux – huile de noix de coco, margousier, aloe vera. Ou au Kenya, où Kevin Kibet, 22 ans aussi, fournit des débouchés immédiats à ses 130 fournisseurs d’avocats. “D’ici fin 2019, j’espère toucher 500 agriculteurs, 1 000 dans trois ans, et un million dans les prochaines douze années”, indique Kevin Kibet.

Mettre au point des incitations technologiques

Le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, Li Yong, prévient : intégrer les jeunes au secteur agricole “exigera la transformation des systèmes alimentaires et l’adoption de technologies innovantes”. Le développement rapide de technologies agricoles ces dernières années a déjà démontré l’existence d’opportunités d’emploi nouvelles et intéressantes pour la jeunesse dans le secteur.

Un groupe de jeunes entrepreneurs zambiens a, par exemple, développé une plateforme numérique qui prévoit les conditions météorologiques et la probabilité d’invasions de ravageurs ou d’épidémies. AgriPredict fournit à ses utilisateurs – petits fermiers, agriculteurs commerciaux, fournisseurs de services de vulgarisation, ONG et institutions gouvernementales ou environnementales – l’information nécessaire pour prendre des mesures préventives permettant d’atténuer ces risques. Les agriculteurs n’ont qu’à prendre une photo de leur culture et l’envoyer à AgriPredict, via les médias sociaux ou WhatsApp, et le système fournit immédiatement un diagnostic, des solutions de traitement (au besoin) et des indications sur l’emplacement des agrodistributeurs les plus proches.

Au Rwanda, un groupe de jeunes ingénieurs a conçu un système technologique permettant aux agriculteurs de gérer leurs champs à distance. Grâce à des capteurs qui recueillent des données en temps réel, la plateforme web et pour appareils portables de STES Group leur permet de suivre l’évolution des prévisions météorologiques, ainsi que de la fertilité et de l’humidité des sols. Le système automatisé d’irrigation de l’entreprise peut être activé et désactivé par les agriculteurs à l’aide de leurs téléphones portables, en fonction des informations qu’ils reçoivent des capteurs.

AgriPredict et STES Group montrent que les jeunes sont capables d’exploiter le potentiel de transformation et les avantages économiques que présente la numérisation de l’agriculture. Ces innovations, en plus de fournir des emplois aux jeunes créateurs de ces entreprises, ont aussi contribué à réduire les risques et améliorer l’efficience de l’agriculture, en faisant ainsi un moyen d’existence plus attractif pour la jeunesse rurale. Toutefois, sans les compétences pour développer, gérer et entretenir de telles technologies, la jeunesse africaine ne pourra pas tirer le meilleur parti des opportunités offertes par la numérisation de l’agriculture.


Partager les connaissances et renforcer les capacités

Il est urgent de développer les capacités de la jeunesse rurale africaine, sur le plan des compétences techniques ou numériques, mais aussi en matière de meilleures pratiques agricoles et de savoir-faire commercial, afin de stimuler la croissance économique et promouvoir l’emploi des jeunes. Heureusement, de nombreuses initiatives prometteuses visant à créer des emplois et aider les jeunes entrepreneurs à monter des agroentreprises viables voient le jour dans tout le continent (lire notre reportage au Sénégal, Les bonnes pratiques agricoles permettent de freiner la migration). Au Kenya, l’organisation de développement des capacités USTADI axe ses efforts sur l’amélioration des compétences techniques et des connaissances commerciales des jeunes, afin de promouvoir la création d’entreprises rurales durables.

Dans le comté de Busia, au Kenya, USTADI a créé une exploitation avicole de démonstration et dispensé à 22 jeunes agricultrices des formations agricoles pratiques – telles que les meilleures méthodes d’alimentation et de gestion des maladies – et des compétences commerciales. Suite à cela, les éleveurs de volaille locaux ont triplé leur productivité et modifié ainsi la perception que les jeunes avaient de l’agriculture en transformant ce qu’ils estimaient être une activité de subsistance en un secteur offrant des opportunités de création d’entreprises professionnelles et profitables dans leur région. De même, le Centre d’innovations vertes (CIVA), lancé en 2016 par AfricaRice, en partenariat avec les gouvernements allemand et béninois, cible les jeunes ruraux formés en vulgarisation agricole pour créer des emplois et améliorer la productivité et les revenus des exploitations.

Le CIVA a élaboré plus de 30 cours en ligne – offerts aux élèves et diplômés de dix collèges agricoles du Bénin – conçus pour préparer les participants à travailler en tant que conseillers en vulgarisation auprès des agriculteurs. Une fois leur formation terminée, les jeunes instructeurs visitent des villages béninois pour promouvoir le Système d’intensification du riz, qui définit un ensemble de principes visant à augmenter durablement les rendements rizicoles, dont la plantation plus espacée dans le temps de jeunes plants (de 8-12 jours). D’ici 2022, le projet vise à créer 1 000 nouveaux emplois pour les jeunes et augmenter de 33 % les revenus de 50 000 petits agriculteurs.

Faciliter l’entrepreneuriat des jeunes

Outre la formation des jeunes aux meilleures pratiques agricoles, une série de pépinières d’entreprises a vu le jour pour les aider à transformer leurs idées innovantes en agroentreprises durables. L’initiative Jeunes agripreneurs de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) a élaboré un programme d’entrepreneuriat sur 18 mois pour des diplômés sans emploi. Grâce aux centres d’incubation d’entreprises créés en République démocratique du Congo, au Kenya, au Nigeria, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie, des jeunes diplômés africains sont accompagnés et encadrés pour saisir les opportunités commerciales offertes par la production et la valorisation de divers produits agricoles – soja, poisson et animaux d’élevage.

Le programme Jeunes agripreneurs vise à changer la mentalité des jeunes afin qu’ils prennent conscience du potentiel commercial de l’agriculture africaine en leur enseignant les meilleures technologies d’amélioration des rendements ou de transformation des produits, ainsi que des stratégies commerciales efficaces pour maximiser leurs profits. Au terme du programme de 18 mois, les participants développent des plans commerciaux bancables leur permettant d’accéder aux prêts des banques commerciales et de créer des agroentreprises indépendantes. En décembre 2018, l’ancien stagiaire de Jeunes agripreneurs Edmond Ng’walago a remporté le prix Young Graduate Entrepreneurship de 2018 pour son entreprise de produits à valeur ajoutée à base de lapin. Avec les 5 millions de shillings tanzaniens (1 916 €) obtenus, Edmond Ng’walago veut développer son entreprise, Ng’wilago Youth Transcend, pour diffuser ses biopesticides à base d’urine de lapin et ses sandales en fourrure de cet animal dans toute la Tanzanie.

Lorsque les jeunes commencent à réaliser qu’il existe des alternatives rentables à la migration, qui impliquent de créer leurs propres agroentreprises, ils ont besoin d’accéder à des capitaux nécessaires au démarrage de leur activité. C’est pour cela qu’en octobre 2018 la Fondation Mastercard a créé un nouveau fonds pour aider les diplômés du Programme de bourses de la Fondation Mastercard présentant des projets commerciaux viables, durables et modulables. Ce fonds de 1,8 million d’euros fournira un capital de démarrage aux participants les plus prometteurs du programme de bourses, qui dispense des enseignements et des perfectionnements en leadership à plus de 35 000 jeunes Africains attachés à transformer la vie de leurs communautés. “Le nouveau fonds de la Fondation Mastercard suscitera une vague de changements communautaires dans toute l’Afrique en lançant des centaines d’initiatives sociales mises sur pied par de jeunes responsables africains”, affirme Kayiza Isma, cofondateur de Sparky Social Enterprise.

Créer un contexte politique favorable

Il ne faut pas sous-estimer la valeur des programmes d’entrepreneuriat comme Jeunes agripreneurs de l’IITA et le Programme de bourses de la Fondation Mastercard, sans oublier le concours Pitch AgriHack du CTA. Toutefois, pour encourager davantage les jeunes à tirer parti des opportunités offertes par l’agriculture africaine, le rôle des gouvernements est crucial. Il leur revient en effet de développer des politiques soutenant l’entrepreneuriat et l’emploi des jeunes.

Pour garantir que les politiques soient élaborées au bénéfice des jeunes, mais aussi avec eux, il faut s’efforcer de les associer davantage à leur formulation. Le Rwanda Youth Agribusiness Forum (RYAF) a été créé en mai 2016 à cette fin. Avec 12 000 membres âgés de 35 ans et moins, le RYAF représente bien la jeunesse rwandaise engagée dans l’agriculture et l’agrobusiness. Des représentants du Forum participent activement aux concertations sur les politiques et préconisent des interventions visant à renforcer la participation des jeunes à la transformation du secteur agricole national. De même, la plateforme de Jeunes professionnels pour le développement agricole (YPARD) permet à des intervenants de moins de 40 ans travaillant dans le secteur agricole de défendre des politiques et actions avantageuses. YPARD Ghana fédère plus de 750 représentants d’organisations d’agriculteurs, du gouvernement et du secteur privé. Ces dernières années, la plateforme a proposé plusieurs réformes politiques répondant directement à la nécessité de créer des opportunités d’emploi pour la jeunesse ghanéenne.


Connecter la jeunesse au reste du monde
Comme l’affirme Sithembile Ndema Mwamakamba, du Réseau pour l’analyse des politiques sur l’alimentation, l’agriculture et les ressources naturelles, dans une interview pour Spore, “les jeunes ont envie de participer aux processus décisionnels concernant l’agriculture, mais il faut leur donner les compétences adéquates pour bien faire passer leurs messages”. Par le biais de plateformes comme le RYAF et YPARD, les jeunes engagés dans l’agriculture peuvent influencer le cadre politique pour qu’il réponde mieux à leurs besoins et contribuer à faire de l’agriculture une option professionnelle plus attractive pour les jeunes ruraux.

De son côté, le CTA met des jeunes chefs d’agroentreprises et agriculteurs en contact avec des décideurs et renforce les organisations d’agriculteurs. Il travaille aussi avec AgriCord, l’Organisation panafricaine des agriculteurs et le Conseil européen des jeunes agriculteurs afin de mettre en relation les jeunes agriculteurs d’Afrique et de l’Union européenne. En permettant à de jeunes Africains de s’exprimer sur la scène internationale, ces plateformes accroissent la visibilité des entrepreneurs et des chefs d’agroentreprises prospères, redorent le profil des jeunes agriculteurs et garantissent ainsi que leur importance pour la future sécurité alimentaire mondiale soit universellement reconnue. Enfin, ces plateformes peuvent constituer une source d’inspiration pour d’autres jeunes Africains ruraux en quête d’alternatives viables à la migration.
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