Mon premier est mordu de sciences. Mon deuxième suscite respect et admiration dans le monde universitaire au Togo et ailleurs. Mon troisième a été l’unique femme parlementaire au Togo en 1994. Mon tout aime sortir des sentiers battus, provoquer le changement et l’accompagner. Qui suis-je ?
Licence en sciences physiques, Doctorat en chimie Organique Unique, Enseignante-Chercheure dans les Universités de Lomé et de Kara, Chercheure associée au Laboratoire de Chimie bio-organique de l’Institut de Technologie de Floride aux USA, Parlementaire, la liste est longue. Zoom sur Kafui KPEGBA, deuxième vice-présidente de l’Université de Lomé, une femme au parcours très impressionnant.
La force d’un destin
Fille de chef traditionnel de Danyi, dans la région des Plateaux, Jeannette Kafui KPEGBA est issue d’une famille polygame et très traditionnaliste, où tous les privilèges étaient réservés aux garçons. Elle découvre alors le plafond de verre qui pèse sur les femmes de son milieu. Sa rencontre avec le féminisme se fait donc très tôt, à cause des mentalités sexistes de son entourage. Rien ne prédestinait la fillette à de grandes études, mais sa détermination précoce à prouver aux siens qu’être une fille n’est pas une fatalité, a été capitale pour sa brillante réussite. « J’étais déjà assez brillante à l’école primaire et je voulais faire de grandes études, mais ce n’était pas la conception des gens du milieu où je vivais. J’étais discriminée par rapport à mes frères. Tous les garçons étaient privilégiés par rapport aux filles. J’étais révoltée et je voulais prouver à mes parents, surtout à mon père qu’une fille pouvait faire de grandes choses », confie-t-elle.
C’est un double défi qu’elle relèvera en choisissant un domaine dans lequel les femmes sont minoritaires : Les Sciences. Armée de résolution et de détermination, Kafui fera un cursus scolaire et universitaire sans fautes. Après une Licence es-Sciences Physiques à l’Université du Bénin (actuelle Université de Lomé, Togo), elle obtint une Maîtrise en France puis un Doctorat aux Etats-Unis.
Fervente croyante, Kafui pense sans modestie feinte que sa réussite est une grâce divine et une force du destin. En plus de sa carrière lustrée, l’Organicienne a à son actif un riche parcours politique et est socialement engagée.
Parcours politique et engagement social
Le sexisme dont elle a été victime dès sa plus tendre enfance, laissera des traces indélébiles sur la vie de Mme KPEGBA et forgera sans doute son caractère. Dès la classe de 5è, elle intègre les équipes de basket-ball et de hand-ball de son collège, voulant s’égaler aux hommes. Cette passion pour ces deux disciplines, lui fera intégrer des équipes de l’université du Bénin et par ricochet, elle devient membre de l’Association des étudiants togolais de l’université du Bénin (AETB). « J’adorais le sport ! J’étais capitaine de l’équipe de handball de l’université du Bénin (…) Je jouais en même temps pour l’équipe d’Agaza et l’équipe nationale. Tout cela m’a amené à prendre conscience des réalités de la vie de la population togolaise », raconte-t-elle passionnément.
Cette prise de conscience des réalités de ses concitoyens fera naître en cette femme de conviction, une fibre patriotique, un désir d’engagement politique. En 1989, elle rentre au bercail après ses études en France. Son retour coïncide avec l’avènement de la démocratie et du multipartisme. Ne voulant pas être en marge de l’histoire, elle opte pour la politique et adhère à l’UTD (Union Togolaise pour la Démocratie). Très dynamique et engagée à défendre les valeurs de son parti à travers le pays, elles’attire l’affection de sa communauté. En 1994, après la conférence nationale souveraine, elle fait son entrée à l’hémicycle représentant sa communauté d’origine, dans un climat politique « tendu et infernal ».
Unique femme élue à l’Assemblée nationale, elle était associée à beaucoup de décisions et faisait parte de nombreuses commissions parlementaires. Le climat au sein de l’Assemblée à l’époque était très délétère. Ses tentatives de conciliation des partis représentés au parlement lui ont valu des animosités. « C’est une période inoubliable aussi bien positivement que négativement dans la vie de la femme engagée que je suis. Il faut dire que je n’étais pas préparée pour cela.Me retrouver seule avait beaucoup compliqué la tâche pour moi et davantage du fait que je venais d’un parti politique de l’opposition qui est minoritaire à l’Assemblée », confie-t-elle.
Cependant ces épreuves n’éloigneront pas la femme de conviction de ses objectifs au sein de l’hémicycle. Elle sera au service de son électorat avec des projets sociaux en faveur de l’autonomisation des femmes, notamment un projet de soutien aux femmes riziculteurs.
Avec du recul, Mme Kpégba pense que le monde politique ne sied pas à la nature de la femme. « Le monde politique ne fait pas de cadeau. La femme de par sa nature, n’aime pas l’agressivité. Dieu nous a fait femme pour concilier et apaiser et non pour affronter. Surtout dans nos pays pauvres où les gens pensent qu’on ne peut se réaliser que par la politique.Ce sont des coups bas, des contre-vérités qui meublent ce milieu. C’est pareil dans le monde entier, mais en Afrique c’est extraordinaire », analyse-t-elle.
Pour se changer les idées après son mandat parlementaire, elle part aux Etats-Unis pour rendre visite à son fils inscrit à Florida Institute of Technology. Au vu des «Possibilités et potentialités» qu’offre cette université, elle décide de solliciter d’un laboratoire la poursuite de ses études dans le domaine de la recherche. A l’issue de ses recherches, cette femme infatigable et ambitieuse «mais pas forcément carriériste», devient Maître de conférences.
A cette date, Enseignante-Chercheure dans les Universités de Lomé et de Kara (Togo), Dr Kpegba est également Chercheure Associée au Laboratoire dudit Institut 2006. Son engagement social aux côtés des élites féminines a contribué à faire d’elle,une Enseignante-chercheur Associée à la Chaire UNESCO «Femme, Science et Gestion Raisonnée de l’Eau en Afrique de l’Ouest».
Actuellement, le leitmotiv de Dr Kafui Kpégba est de rester entièrement au service de l’université. A qui veut un résumé de sa personnalité, elle répond « Le travail, la foi en Dieu et l’amour du prochain ».