La critique serait formulée par un leader de l’opposition ou une presse critique, que l’on la mettrait sur le compte « des manœuvres pour saboter les efforts du gouvernement » en vue d’assurer un meilleur devenir au peuple togolais.
Mais heureusement, cette fois-ci, elle vient d’un partenaire stratégique essentielle, l’Union Européenne.
Oui, le 07 février dernier, lors de la cérémonie de signature de l’accord de financement portant sur 9 milliards de fcfa, le représentant de l’UE au Togo, Berlanga-Martínez, a ouvert son cœur pour relever avec une rare pertinence, les incohérences et l’inconstance que présente le budget que le pouvoir RPT/UNIR a voté pour le compte de 2014.
En l’espèce, l’UE et à sa suite l’ensemble des partenaires du Togo, se sont clairement interrogés, sur la pertinence des choix et priorités que présente le nouveau budget préparé et voté à la hâte par les bénis oui de UNIR à l’Assemblée Nationale.
« En tant qu’Ambassadeur de l’UE auprès de la république Togolaise, par conséquent Ambassadeur auprès de l’Etat – du gouvernement, de l’opposition, des citoyens – et dans un esprit de critique positive et constructive, je me demande si le budget 2014, dont la préparation a rétréci le calendrier et le processus prévu, est effectivement le document de politique publique qui devrait illustrer les orientations du gouvernement pour l’année. Quelle est sa cohérence avec le document de politique de développement, la SCAPE, adopté en aout 2013 mais en préparation depuis 2012, et dans quelle mesure est-il soutenable avec les prévisions à moyen terme ? ».
Voilà une interrogation qui dit tout sur la légèreté, l’incohérence, l’inconsistance, l’impertinence et le caractère particulièrement aléatoire que présente le budget 2014.
L’on comprend alors pourquoi l’UE a longtemps hésité avant de décaisser ces 9 milliards dont le principe de financement était acquis depuis la dernière séance du dialogue UE-Togo tenue en novembre dernir au cabinet du ministre des affaires étrangères.
L’on comprend aussi pourquoi, l’UE a insisté pour que la cérémonie de signature de ce financement soit publique, faite en présence des députés de l’opposition et du pouvoir, ainsi que des représentants de la société civile, chose rare sinon rarissime.
Il s’agissait bien de mettre à nu toute la légèreté avec laquelle les décisions essentielles sur le devenir du Togo sont prises. Vraiment pitoyable, vraiment honteux !
L’UE et l’ensemble des partenaires du Togo sont donc décidés à montrer leur bonne foi vis-à-vis du peuple togolais en prouvant publiquement qu’ils ne sont pas prêts à se rendre complices des gamineries qu’affiche quotidiennement ce pouvoir dans la gestion des affaires de l’Etat.
Pour tout dire, le pouvoir de Faure Gnassingbé navigue à vue, il est médiocre et il le prouve chaque jour un peu plus.
Il est tellement médiocre qu’il reflète exactement et avec une extrême précision, toute l’incompétence et l’incapacité des acteurs que choisit Faure Gnassingbé pour être à des postes stratégiques de l’Etat.
Sans trop de commentaires, nous laissons le soins à nos lecteurs de découvrir par eux-mêmes les propos tenus par l’ambassadeur Berlanga-Martínez le 07 février dernier au CASEF avant d’apposer sa signature accordant les 9 milliards de fcfa au Togo.
La politique macroéconomique : une politique d’Etat
L’accent que le ministre Semodji et nous-même avons mis dans l’organisation de cette cérémonie pour que des représentants de tous les partis politiques, à travers notamment la commission de finances de l’Assemblée nationale, soient présents, a un but bien précis :
les réformes macro-économiques, la gestion saine de finances publiques dans un cadre stable et non soumis aux aléas électoraux, une gestion réaliste qui correspond aux augmentations de revenus et de dépenses cohérentes… ne sont pas des choix « partisans » mais des choix d’état, des choix de responsabilité pour tous : gouvernement, opposition, syndicats, société civile.
Ceux qui aujourd’hui sont au gouvernement pourraient être dans l’opposition demain, ou l’inverse comme au Ghana. Nous devons tous encourager des règles de jeu stables au niveau macroéconomiques et de la gestion des finances publiques qui ne changent pas avec les personnes ou les élections.
.Le budget 2014 est très ambitieux :
Nous regrettions l’empressement avec lequel le projet de budget a été envoyé au législatif et la rapidité des discussions à l’Assemblée nationale. Dans le contenu du budget, nous nous interrogions sur les hypothèses et choix faits pour certaines augmentations, des revenus comme des dépenses, et cela est partagé par tous les partenaires du Togo.
Au titre de l’UE, nous aurions souhaité voir refléter dans le budget d’une manière plus claire certaines priorités de la politique de développement : comme l’éducation, la santé, ou la justice (toujours bien moins de 1% de budget) par exemple.
Nous apprécierions que les mesures de protection sociale introduites cette année, comme les cantines scolaires, les transferts en espèce soient véritablement efficaces pour améliorer les conditions des plus pauvres et favoriser le côté inclusif. Quelles mesures sont prises à cet effet ? Comment la transparence de ces initiatives sera assurée dans une année préélectorale ?
Messieurs les ministres, en tant qu’Ambassadeur de l’UE auprès de la république Togolaise, par conséquent Ambassadeur auprès de l’Etat – du gouvernement, de l’opposition, des citoyens – et dans un esprit de critique positive et constructive, je me demande si le budget 2014, dont la préparation a rétréci le calendrier et le processus prévu, est effectivement le document de politique publique qui devrait illustrer les orientations du gouvernement pour l’année.
Quelle est sa cohérence avec le document de politique de développement, la SCAPE, adopté en aout 2013 mais en préparation depuis 2012, et dans quelle mesure est-il soutenable avec les prévisions à moyen terme ?
Il nous préoccupe que les choix de financement de la politique expansionniste de dépenses publiques ne ramènent pas le Togo vers une situation de surendettement et que les ambitions légitimes du gouvernement en termes de développement se transforment en une lourde hypothèque que les générations futures devront payer.
Voilà des thèmes qu’il serait intéressant de pouvoir débattre avec les autorités dans un dialogue franc, ouvert et basé sur la confiance mutuelle qui caractérise l’utilisation de l’appui budgétaire.
.Le processus budgétaire 2015 doit respecter les modalités et le calendrier prévus :
Nous encourageons le processus budgétaire 2015 à respecter les modalités et le calendrier prévus ; que ce soit un budget réaliste et cohérent avec les choix de développement, que les autorités législatives s’en approprient et que nous – observateurs attentifs et partenaires qui canalisons la solidarité des citoyens européens à travers l’appui budgétaire de l’UE – puissions voir la politique de développement du gouvernement, la SCAPE, reflétée dans ce budget.
Avec un accès régulier des citoyens aux informations de qualité. J’ai confiance à ce que ceci se réalisera.
Le programme avec le FMI est une condition pour les investissements étrangers, ainsi que pour les programmes d’appui budgétaire :
Les réformes macro-économiques sont un sujet d’attention dans le dialogue sectoriel de tous les partenaires avec le gouvernement. Dans ce dialogue, le programme avec le FMI est un sujet principal : nous œuvrions tous en faveur de cet accord pour différentes raisons, parmi lesquelles celle de donner un cadre stable aux investisseurs étrangers qui souhaiteraient venir s’installer au Togo (et par conséquent créer des emplois), et de pouvoir continuer avec nos programmes d’appui budgétaire.
La diminution des subventions pétrolières a été une question récurrente dans notre dialogue pour l’amélioration de la qualité de la dépense. Nous l’avons demandée à plusieurs reprises aux autorités et nous devons assumer une partie de la responsabilité. Nos arguments se basaient sur des faits très bien analysés, pas seulement au Togo mais aussi en Europe et ailleurs dans d’autres pays africains :
Les subventions pétrolières bénéficient majoritairement aux plus riches, les 20% les plus riches.
Mais notre dialogue ne s’arrête pas là : En libérant des fonds, en éliminant une partie des subventions, nous avons discuté ensemble sur les effets multiplicateurs d’une telle mesure, sur l’inflation, sur le prix des produits de base, sur le transport public, sur le coût de la vie en général. Nous avons discuté aussi quels seraient les effets pour le budget et pour les dépenses publiques.
Nous pensons que la décision prise est mesurée à condition que les citoyens togolais puissent compter sur l’utilisation de ces recettes » libérées » pour plus d’intervention à faveur des couches les plus défavorisées.
Il est fondamentalement important de connaître les mesures d’accompagnement envisagées par le gouvernement. La réaction publique auraient peut-être été moins forte si ces mesures avaient été communiquées en même temps que la hausse de prix pétroliers.
Nous applaudissons l’étude en cours lancée par le gouvernement pour donner plus de transparence à la structure du prix des produits pétroliers, pour que les citoyens sachent quel pourcentage de ce qu’ils paient va aux stations d’essence, aux impôts, à l’achat, etc. Peut-être quelques économies peuvent être faites à ce niveau.
Nous espérons aussi que les contrôles sur les prix imposés par les revendeurs ou à l’extérieur de Lomé continuent.
Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée nationale, chers partenaires, notre insistance pour organiser cette cérémonie publique est chargée de bonne volonté vers l’avenir du Togo.
Nous souhaiterions utiliser davantage l’appui budgétaire – c’est-à-dire, donner priorité à l’utilisation des procédures nationales comme modalité de mise en œuvre de la solidarité des citoyens européens vers ses confrères togolais – mais cela demande d’avancer sur deux points que je me permets de résumer en deux points :
- Pour la politique macro-économique, il faudrait davantage de consensus, de dialogue, de débat et de confiance entre vous : entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, entre le gouvernement et les organisations syndicales et de la société civile, et au sein de l’Assemblée nationale, et
- Pour la composition de budget, il faudrait davantage d’accent à ce que l’article 38 de votre constitution explicite d’une manière très visionnaire sur la réalité togolaise d’aujourd’hui : « Il est reconnu aux citoyens et aux collectivités territoriales le droit à une redistribution équitable des richesses nationales par l’Etat ».
Et pour tous les deux, vous pouvez compter sur l’accompagnement du partenariat franc, ouvert, de longue date, de l’Union européenne.