«Tout le monde doit être bilingue dans une langue et en parler une autre » (Valéry Giscard d’Estaing)
En quelques semaines seulement
d’existence, l’Office togolais des recettes (OTR), est sans doute l’une
des institutions qui font le plus parler d’elles. Au-delà de toutes les
surprises désagréables que l’on relève ici et là à son sujet, l’office
en rajoute une couche. Son patron, le Rwando-Canadien, Henry Byakapéri,
à la surprise générale, ne parle pas français. Pourtant il est présenté
comme l’oiseau rare, que le Togo est allé chercher très loin.
Les faits datent du 7 février dernier
lors de la cérémonie de prise de service à la tête de l’office. Quelle
n’était, en effet la surprise des journalistes, tentant d’arracher des
mots à M. Byakapéri, de voir ce dernier répondre qu’en anglais !
Unilingue, maitrisant que l’anglais et
probablement le Swahili – de par son origine rwandaise – Byakapéri
ambitionne curieusement de collaborer avec des Commissaires qui
l’assistent et bien d’autres interlocuteurs clés dont la seule langue
officielle, donc de travail, de routine, est le français. On a beau
vanter les avantages de l’anglais de nos jours, afin de pouvoir être un
travailleur modèle, il faut cependant avouer que sous nos cieux, les
fonctionnaires qui maitrisent la langue de Shakespeare sont à dénombrer
au bout des doigts. Ce n’est point un secret pour personne. Dans nos
administrations, la langue française le rivalise au Mina, au Kabyè et
autres patois dominants selon que telle ou telle autre culture ethnique y
est écrasante. Lorsque de telles conditions contradictoires sont
réunies, il y a de toute évidence risque de dialogue de sourds entre le
Commissaire général de l’OTR et ses collaborateurs. Cette peur est pour
le moins fondée. Surtout en rapport avec son projet de mettre un terme
définitif à la corruption au Togo, projet tout à fait noble, mais
encore qu’il faudra pouvoir s’entendre avec ses interlocuteurs à même de
l’aider dans cette voie. Sinon par quel moyen le Commissaire
compte-t-il travailler avec ses collaborateurs ? La solution
d’interprète avec toutes les suspicions possibles, les risques de
déformations possibles de messages…qu’elle comporte ne semble pas idoine
en dernier ressort.
A présent, reposons-nous encore la
question concernant la clarté de la procédure qui a abouti à cette
nomination. Comment peut-on ouvrir un appel à candidature pour un poste
aussi éminent sans exiger que les soumissionnaires soient au moins des
bilingues ? La question se pose du coup, remettant donc sur le tapis
l’autre : la transparence, l’équité et le sérieux avec lesquels le
processus de nomination du Commissaire de l’OTR a été effectué. Dès
lors, difficile de ne pas accorder du crédit à toutes ces voix qui ont
dénoncé ou dénoncent encore une nomination démocratique de façade,
mieux, un favoritisme dont la fin serait de passer simplement un
maquillage de transparence sur la gestion des finances de l’Etat.
Byakapéri, il est vrai, vient d’un pays –
Rwanda – qui a rompu son lien filial avec le français en optant il y a
quelques années pour l’anglais comme langue officielle. Mais pour les
besoins d’un management optimal de l’OTR, il a le devoir de se mettre à
l’école du français, et il en a encore tout le temps.
Ivan Xavier Pereira
VIA LIBERTE HEBDO