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Franc CFA entre Kako Nubukpo et Lionel Zinsou: l’accusation mise KO par la défense

Publié le lundi 28 octobre 2019  |  Financial Afrik
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & Jacques Tchakou
Lancement officiel du PND par F. Gnassingbé en présence de divers invités de marque
Lomé, le 04 mars 2019. Address Hotel 02 Février. Lancement officiel du PND par F. Gnassingbé en présence de divers invités de marque comme Lionel Zinsou, Gilbert Houngbo, C. Lopes, Patrick Sevaistre (membre du Conseil français des investisseurs en Afrique et professeur à HEC). Le PND du Togo est un des documents de développement les plus réussis du continent noir, dira Carlos Lopes, le principal avocat de ce Plan dans le monde. Panel regroupant diverses personnalités.
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Invité à présenter les avantages et les inconvénients du Franc CFA, le 14 octobre 2019 à Sciences Po Paris, en marge d’un débat organisé avec le concours du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA, cellule de diplomatie parallèle au cœur de l’Elysée), Kako Nubukpo dégaine: “je passe directement aux inconvénients” chauffant d’entrée de jeu une salle qui n’en demandait pas autant.

Et obligeant la maîtresse des cérémonies de reprendre la parole pour la donner à Lionel Zinsou. “Plutôt que de parler d’inconvénients, je dirai qu’il y a des limites, qui plongent néanmoins dans l’histoire pré-coloniale de cette monnaie née en 1853 grâce aux indemnisations des propriétaires d’esclaves qu’il a fallu dédommager lors de l’abolition de la traite négrière”, rappelle l’économiste béninois avec la profondeur historique qui caractérise ses points de vue sur l’économie. «Je crains que cela ne soit une tâche», poursuit M. Zinsou qui évoque des limites symboliques très fortes sur le nom de la monnaie Franc CFA liées à l’histoire. Et d’affronter l’idée reçue largement véhiculée selon laquelle les réserves de change des pays de la Zone CFA logées à la Banque de France servent à financer la dette française.

«Quand vous avez le Naira qui perd 50% comme il y a deux ans et le Cedi 28% comme ce fut le cas l’année dernière, on a des créations de flux plus fortes que les droits de douane», déclare l’ancien premier ministre du Bénin appelant à plus d’intégration pour contourner les limites géographiques actuelles. Et le co-fondateur de la Bridge Bank de prendre à témoin un auditoire constitué d’étudiants âgés entre 18 et 24 ans plutôt hostile. «La compétitivité avec votre génération ne se jouera pas sur la monnaie et le taux de change mais bien sur l’éducation, sur le niveau d’épargne, sur l’investissement et les excédents commerciaux.

A la suite de Lionel Zinsou, Kako Nubukpo, en osmose avec le public, cite parmi les inconvénients, la part des échanges intra-communautaires encore très faibles dans la zone Franc, entre 11 et 15% contre 60% dans la zone euro. Sans accuser le CFA d’en être la cause, le togolais constate prudemment que la présence du Franc CFA ne contribue pas à augmenter les échanges entre les pays membres avant de pointer du doigt la compétitivité – prix , un inconvénient à cause du taux de change fixe. Pour Kako Nubukpo, à long terme, le Franc CFA est “une taxe à l’exportation et une subvention à l’importation” d’où, démontre-t-il, des balances commerciales déficitaires. Et l’ancien ministre togolais de la prospective de citer en troisième inconvénient, le rationnement du crédit. “La moyenne de l’encours de crédit sur le PIB tourne autour de 30% en zone CFA contre 100% dans la zone euro, 150% en Afrique du Sud et aux USA à 300%”, poursuit-il sans ajouter dans son benchmark, bien choisi par ailleurs, le cas des pays similaires à ceux de la zone CFA, à l’instar du Ghana et du Nigeria.

En quatrième incovénient, Kako Nubukpo cite l’absence d’objectifs de croissance de la BEAC et de la BCEAO. Pour sa part Rebecca Enonchong, troisième intervenant dans le débat, va droit au but : “la génération d’aujourd’hui ne comprend pas pourquoi on va déposer les réserves à la Banque de France. Il y a la stabilité certes mais pour qui?” Et la jeune femme entrepreneure de prendre les exemples du Rwanda, du Maroc et de l’Algérie qui souffrent moins sans étayer son argumentaire par des chiffres précis. Ainsi, par exemple, des comparaisons entre un ingénieur à Douala qui coûterait trois fois plus cher qu’au Maroc. A la suite des intervenants, les questions des étudiants fusent. «Comment pouvez-vous développer un pays qu’avec des politiques budgétaires et sans politique monétaire», lance tout de go un jeune étudiant à Lionel Zinsou ?


“Vous êtes entrain de faire le procès du sous développement et non celui du Franc CFA”, rétorque ce dernier, après avoir écouté patiemment les arguments des uns et des autres. “Les contraintes budgétaires traduisent une insuffisance des recettes d’impôt, entre 15 et 20% du PIB”. Par ailleurs, rappelle l’économiste et ancien patron du fonds PAI, qui a dominé le débat de la tête et des épaules, “la BCEAO finance massivement l’économie à travers des prêts à taux bas grâce à une faible inflation”. Poursuivant dans son élan, le béninois égratigne Kako Nubukpo, arc-bouté sur la “compétitivité-prix”. “Le défi de votre génération c’est d’être compétitif hors prix. La compétitivité prix est très mineure . Ce n’est pas notre taux de change qui fait le marché, c’est le marché mondial”.

Le débat se poursuit en longueur, Zinsou confrontant les arguments et les thèses à la lumière des faits et des chiffres de la rationalité économique. “La zone UEMOA est celle qui fait la plus forte croissance en Afrique alors qu’on fait le procès du Franc CFA”. Certes, reconnaît M. Zinsou, cette croissance n’éradiquera pas la pauvreté. Pour cela, il faut des “politiques profondes”, admet-il en invitant les jeunes économistes à ne pas succomber au fétichisme monétaire.

Poussé dans ses derniers retranchements, Kako Nubukpo n’entend pas pour autant céder aussi facilement sur la théorie, devenue sienne à force d’insistance, de la compétitivité-prix qui freine les exportations de la zone CFA. “Les sociétés cotonnières africaines ont des coûts en Franc CFA et exportent en dollars. Le Mali devance le Brésil sur la compétitivité physique. Ce dernier joue sur sa monnaie, le Réal, et gagne en compétitivité”. Un argument qui lui vaut une envolée de bois vert de la part de son aîné. “Mais monsieur l’économiste, c’est plutôt le raisonnement inverse qu’il faut développer puisque l’euro a été dévalué par rapport au dollar, passant de 150 à 109”. «Je parle du principe», réplique Kako Nubukpo, qui réclame le même temps du parole comme s’il s’agissait d’un débat présidentiel.

Fragilisé dans son raisonnement, l’ancien ministre togolais emploiera le reste de son temps à chercher des points de convergence avec un Lionel Zinsou apparemment plus préparé à cette mémorable confrontation. L’économiste togolais, applaudi par le public mais fragilisé par son confrère, trouvera une échappatoire à l’eco à travers la théorie des zones monétaires optimales. Passant en revue les théories sur la question et citant doctement ses références, Kako Nubukpo, toujours tenu en joue par Lionel Zinsou, quitte les rives précises de l’économie pour la planète politique et idéologique en posant la question de la nouvelle monnaie sous la forme d’un transfert de pouvoir de Paris vers Abuja. «Le Nigeria, c’est trois quart du PIB de la CEDEAO, 52% de la population et des réserves de change qui font 2,5 fois l’ensemble des réserves de tous les autres pays pour une productivité deux fois supérieure à celle de toutes les autres économies», déclare-t-il, enfonçant une porte ouverte tant tous, étudiants comme conférenciers présents dans la salle, sont d’accord sur la formidable taille de l’économie nigériane. “Le Nigeria doit assurer son rôle de financeur en dernier ressort”.

Reprenant la parole, Lionel Zinsou, attribuant la soi-disant compétitivité de l’économie nigériane à l’économie d’échelle (200 millions d’habitants) ramène non sans résistance le débat sur le terrain de l’économie pour dire qu’il est au moins d’accord avec l’ancien fonctionnaire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) sur une chose: “le sous financement de l’économie de la zone CFA en crédits nécessaires pour les fonds de roulement et les investissements . “Les ménages ne peuvent pas s’endetter pour acheter le logement”, reconnaît-il. Or, “l’un des rôles fondamentaux des autorités monétaires est d’assurer le financement de l’économie”.












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