«Le FCFA est une arnaque monétaire moralement et intellectuellement inacceptable» parce qu’il oblige des pays à déposer 50% de leurs «épargnes» dans la banque de France, contre un taux d’intérêt modeste de 0,75%, a affirmé vendredi l’économiste ivoirien Séraphin Yao Prao.
«Dans ce siècle présent, il est moralement inacceptable que des pays déposent leur argent (épargnes) dans un autre pays. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est un site très sérieux, un hebdomadaire américain qui s’appelle The Businessweek (Bloomberg Businessweek)», a déclaré vendredi l’économiste Séraphin Yao Prao.
Selon lui, Bloomberg Businessweek a accusé en 2018, «la France d’extorquer de l’argent aux pays de la zone FCFA». L’enseignant chercheur à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké s’exprimait vendredi, à Abidjan, lors d’un panel organisé par le quotidien public ivoirien Fraternité matin, dans le cadre de son 55e anniversaire. «Businessweek trouve que les 8 mille milliards que nous déposons dans le trésor public français est rémunéré à 0,75% même pas 1% lorsque le compte est créditeur. (Mais) lorsque que le compte est débiteur, la France nous exige un taux d’intérêt moyen de 3,5%. J’appelle ça de l’arnaque monétaire et je trouve que moralement et intellectuellement, c’est inconcevable», s’emporte Séraphin Yao Prao.
Pour le maître de conférences en Sciences politiques, l’arrimage du FCFA avec seulement l’Euro, «fait que l’Afrique ne profite pas entièrement de la mondialisation».
«Nous profitons uniquement de nos partenaires européens et occultons le reste du monde», argue-t-il.
Notons que le panel avait pour thème : «La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlca) et les questions monétaires et financières. Quel avenir pour la zone FCFA».
Pour l’économiste et panafricaniste camerounais Martial Ze Belinga, il ne faut pas se fier aux performances macroéconomiques conjoncturelles qui n’apportent pas de changement de niveau de développement dans la durée.
«On a un régime de croissance qui serait de l’ordre de 8%. Mais en même temps, on continue d’avoir du chômage et du sous-emploi de façon massive avec des externalités assez négatives et dangereuses (accroissement démographique, hausse du taux de chômage des jeunes, délinquance, terrorisme, ndlr)», explique l’expert.
Martial Ze Belinga plaide pour la création de monnaies transformationnelles, alternatives et holistiques, car d’après lui en 80 ans, le FCFA n’a pas permis et ne pourra pas permettre la transformation des économies africaines. Réfutant la casquette d’anti-FCFA, il assure que la transformation des économies africaines sera bénéfique pour le continent et même pour la France.
M. Belinga a pris les exemples de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc, qui après leur sortie de la zone Franc, affichent de nos jours des échanges commerciaux de plus de 50% avec la France.
D’après le Pr Tchéché NGuessan de l’université Felix Houphouët-Boigny, aucune réforme n’est possible en Afrique, tant qu’on ne corrigera pas «l’erreur fondamentale» qui laisse croire selon lui, que les dirigeants africains cherchent le bien-être de leurs peuples, alors qu’ils veulent tout simplement se maintenir au pouvoir pour profiter des avantages matériels.
«Il ne suffit pas d’avoir sa propre monnaie pour avoir la souveraineté monétaire. Pour avoir la souveraineté monnaie, on n’a pas besoin d’or mais d’hommes sérieux», clame l’universitaire.
Pour le Directeur général de la Bourse régionale et des valeurs mobilières de l’Afrique de l’Ouest, Dr Edoh Kossi Amenounvé, toutes les monnaies se valent.
A l’en croire, le développement se repose sur l’épargne, l’investissement, la libre circulation des biens et des capitaux et l’intégration bancaire. Pour le représentant du ministre ivoirien des Finances, Pr Bamba N’Galaddjo, il ne faut gérer les questions monétaires dans ‘’l’affrontement’’.