03 juin 2007, une date noire qui restera à jamais gravée dans la mémoire collective aussi longtemps qu’on parlera du football togolais. Une partie de la délégation togolaise avait péri ce jour-là dans un crash d’avion à Lungi en Sierra Leone. Parmi les victimes, Richard Kwaku Attipoé alors ministre du Sport. Près de treize ans après ce drame, tout semble jeté aux poubelles de l’histoire obligeant les familles des victimes à ester en justice contre la CAF, la fédération togolaise de football (FTF) ainsi que celle de la Sierra Leone. En attendant la date fatidique du 25 février, Rodney Attipoé, fils aîné du ministre disparu, se souvient, dans cet entretien exclusif, de ce coup de fil que son père lui avait passé la veille de l’accident. C’est un fils encore catastrophé qui se confie à Courrier d’Afrique.
Courrier d’Afrique : Rodney Attipoé, treize ans après le crash de Lungi, comment vivez-vous aujourd’hui la disparition tragique de votre père ?
Rodney Attipoé: Je vous remercie de me donner l’opportunité de m’exprimer pour la première fois publiquement concernant cette affaire ; vous savez, je vais être sincère avec vous, je n’ai pas encore fait mon deuil pour la simple raison que mon père et moi avions une relation très fusionnelle. L’annonce de son décès fut pour nous un véritable bouleversement émotionnel. Il m’avait appelé avant son départ pour Lungi quand il était à l’aéroport ; nous avions discuté pendant près d’une heure d’un projet qui lui tenait à cœur et de mon éventuel retour au bercail car il souhaitait que nous travaillions ensemble. Le lendemain, j’apprends sur internet sa disparition, imaginez mon désarroi et le choc émotionnel. Cette disparition brusque nous a traumatisés à vie. Pour vous dire, je n’arrive plus à rentrer à Lomé ne serait-ce que pour les vacances. Je vis toujours mal cette disparition tragique. Il n’y a pas de mot pour exprimer ce que je ressens.
Aujourd’hui, la Confédération africaine football (CAF), la Sierra Leone Football Association (SLFA) et la Fédération togolaise de football (FTF) sont assignées devant la justice. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
En réalité, nous étions trop envahis par la douleur pour nous préoccuper de ce genre de démarches. Secundo nous avons reçu plein de promesses non tenues ; de belles paroles ; on nous disait de patienter. Tertio, je crois que nous étions mal accompagnés et mal conseillés. À un moment donné, on ne nous prenait plus au sérieux ou se foutait royalement de nous et c’est comme cela que nous nous sommes constitués en association pour faire valoir nos droits les plus élémentaires.
Vous, famille de ministre, aviez eu droit à un traitement préférentiel dans ce qu’on peut appeler désormais, «Affaire de Lungi» ?
Que voulez-vous dire par traitement préférentiel ? À part la cérémonie au ministère et le geste de la présidence à toutes les familles, nous n’avons reçu aucun traitement préférentiel comme vous l’appelez. N’oubliez pas que mon défunt père était à l’époque ministre en fonction et de surcroit en mission ; mais je vois que certaines personnes ne savent pas ce que cela veut dire. Aujourd’hui nous n’attendions aucun traitement de faveur. Les autres familles et nous sommes à la même enseigne . Tout ce que nous voulons, c’est un peu de reconnaissance tout de même.
Un message particulier au regard de la nouvelle tournure que prend le dossier ?
Bien évidement, certaines langues bien pendues pensent que nous faisons cela uniquement pour des raisons financières ; si c’était le cas, les sommes demandées par les familles éplorées seraient largement plus élevées. Ce que nous cherchons à faire passer comme message est simple: ceux qui nous ont quittés ce 03 juin 2007 n’ont pas choisi de partir si tôt et surtout pas de cette façon. Mais ils sont morts par amour pour ce sport roi et rassembleur qu’est le football et par-dessus tout par amour pour notre pays le Togo. Tout ce que nous voulons, c’est un minimum de reconnaissance.