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La gouvernance de la rapine éclabousse tout le service public

Publié le lundi 13 janvier 2020  |  L'Alternative
Quartier
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Parfait
Quartier administratif de la capitale togolaise
Lomé, le 25 février 2017. Immeuble abritant le CASEF (Centre administratif des services économiques et financiers).
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«Quand on court après l’argent, on attrape la sottise ». Dans Mes Pensées, MONTESQUIEU qui a sérieusement pensé la République, la gouvernance à travers L’esprit des lois et la séparation du pouvoir s’érige contre le totalitarisme machiavélique qui distribue la fortune à tous les auxiliaires du prince au détriment des masses populaires avec le souci de susciter en eux la défense exclusive du régime. Il pense que ce système de prédation des ressources de la République ne sert bien longtemps le pouvoir en ce qu’il contient les germes de toutes les ruptures morales, éthiques, civiques qui, irrémédiablement, consument la solidarité et exposent le corps social à une implosion certaine voire, à une révolution.

La fameuse minorité « fauriste » qui s’est emparée du pouvoir au prix des crimes de masse cumule des crimes économiques sous des formes multiples. Elle a ouvert une compétition en son propre sein à l’enrichissement illicite qui écume nos sociétés d’Etat, nos régies financières. La corruption réciproque, les dividendes particulières, les prête-noms, les sociétés écrans, la même écurie aux tentacules voraces multiplie ses actions, ses parts de marché dans un bouclage des privatisations et draine le flux financier à l’extérieur, dans des paradis fiscaux en mettant sous tutelle un pays efflanqué au service de la dette.

Les institutions de remplissage et le tambour d’achat de consciences qui dérivent de la rapine électorale expliquent les sources de la gouvernance par l’avidité du gain. On ne saurait énumérer le chapelet des sociétés d’Etat mises en faillite, débaptisées et rebaptisées aussitôt sans audit pour faire disparaitre des tonnes de malversations au nez et à la barbe d’une Cour des comptes savamment apathique et d’une justice frappée d’aplasie sélective.
La gouvernance par rapine ne diffuse aucune valeur et ne se préoccupe du type de citoyen à former par l’exemplarité. Le serviteur de l’Etat n’existe plus, parce que les consciences se sont largement et massivement perverties au profit du gain à n’importe quel prix. Nous sommes au fond de la décadence morale, parce que l’esprit politique est dans la caverne conceptuelle de l’Etat, dans la pénombre décapante du sens.

Le gigantisme de la pauvreté spirituelle guillotine tous les repères et nous nous sommes installés dans un fracas de mensonges, de faussetés qui a rompu les fibres mal cousues de légitimité qui, aujourd’hui, nous garantissent une chute au fond des âges, ce que Thomas HOBBES nomme l’ «Etat de nature».

Lomé aux senteurs d’une périphérie d’Accra, d’Abidjan et de plusieurs capitales africaines ressemble à elle seule le centre névralgique des activités économiques de notre pays où les serviteurs de l’Etat ne rêvent plus que la fortune, dans une grande insouciance de noblesse du service public. L’imitation servile du sommet est au galot dans une quête effrénée de la fortune.
A quoi sert une République des cupides dans un système proprement lacunaire ou inexistant de valeurs ?

Avons-nous encore le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale quand le service public de solidarité disparaît ?

1) L’obsession du gain sans un mérite

La morale publique se forge dans la représentation du citoyen à partir des bases de références éthiques de la gouvernance. L’exemplarité dans les actes des gouvernants est la pédagogie la plus aisée, la mieux adaptée dans l’assimilation immédiate des populations.

Nous cherchons désespérément les valeurs que diffuse le rejeton d’Eyadema sans aucune souvenance des prouesses de son père pour façonner le type togolais à la noblesse morale. Nous avons perdu cinquante-trois ans dans l’initiation au crime, aux privilèges exclusifs, à la célébration des médiocres revêtus de militantisme alimentaire et brutal. La concorde civile s’est brisée dans un fracas d’incitation à l’usurpation, à la fraude, à la transgression qui font le lot de survie d’un régime dopé d’une volonté de puissance à renverser les lois, les codes, la logique, les principes et tous les accords pris avec le peuple. Le contrat social transgressé, chamboulé à tout moment a isolé durablement le citoyen du civisme, de la bonne action et de la solidarité nationale.

La psychologie sociale de notre république en rebut s’articule autour de la transgression et de l’acte libertin, parce que nos institutions d’encombrement et de remplissage se divertissent au brigandage étatique. Ce que valent les leaders se rejaillit sur le réflexe de la masse. Le Togolais a perdu tout son sérieux dans le moule politico-administratif qui l’encadre avec force délinquance.

A la Présidence de la République, on expurge des rapports, on ordonne des résultats faux et des traficotages à peine maquillés comme des culpabilisations décrétées qui convoitent en exil forcé des citoyens tout à fait honnêtes. Koffi KOUNTE, Olivier AMAH, François BOKO, les « djihadistes » du PNP en sont des illustrations.
Quand la conscience nationale n’a plus un support de noblesse, de référence solidaire et juridique, la césure avec l’Etat remplit l’acte du citoyen. Beaucoup de Togolais ne se sentent plus concernés par l’avenir de ce pays où la brutalité administrative est reine et la cupidité du régime rien moins que féconde. Un pouvoir malade de ses faussetés, de son clientélisme, de ses perversités, de ses falsifications tragi-comiques, de ses intouchables, corrompus jusqu’à la moelle, de ses criminels aisés n’a aucune directive emballante à proposer aux citoyens rodés à la débrouille.

Comment être un agent moral ou une référence civile dans un pays où toutes les institutions sont rompues à la délinquance, à la tricherie, aux faussetés saillantes, aux mensonges réguliers, aux traficotages autoritaires ?

L’Etat des vices enfante massivement des concitoyens sans scrupule. La pathologie du gain par la ruse ou par la force telle qu’elle s’est emparée du régime a bouclé sa contagion dans tous les compartiments du service public. Il faut encore chercher l’esprit de solidarité nationale au Togo pour voir à quel horizon il se trouve aujourd’hui. Le gain par effraction est le seul modèle de réussite de la dynastie des GNASSINGBE et de son clan. Cet esprit a pris une dimension administrative pour s’affirmer avec autorité dans notre capitale, le seul pôle économique véritable de notre pays. Le service public tronqué ou plutôt dans un troc de conquête de la plus-value s’enracine dans la froideur de nos gouvernants qui ne se préoccupent que des moyens de conservation de leurs privilèges, de leur pouvoir. La farce d’une institution de lutte contre la corruption fait sourire tous les Togolais. Jean-Paul SARTRE soulignait à juste titre dans Situation I : « On ne forme pas impunément des générations en leur enseignant des erreurs qui réussissent ».

Nos compatriotes qui croient que ce régime est capable de sursaut éthique, civique sont inexistants. C’est pourquoi chacun, autant qu’il le peuve, s’engouffre dans la brèche du gain sans mérite et dans une perdition sonore du sens du service public comme nous l’enseignent les rapaces de la minorité « fauriste ».

La valeur marchande a remplacé le service public, la mauvaise conscience prospère et la caverne de l’animalité n’offre aucune chance à notre pays de s’élever à la civilisation. Ceux qui placent leurs protégés dans l’administration publique, ce sont les membres du clan GNASSINGBE. Ils deviennent aussi des « intouchables » comme leurs parrains. Ils savent qu’ils sont bien couverts et que rien ne leur arrive dans la folie des cupidités.

2) Les marchands du service public

Si le service public ne survit que de son embryon de soupçon particulièrement à Lomé, ses prestations ternes sont bien monnayées par nos fonctionnaires, les agents de l’Etat, rodés à la méthode de gouvernance par effraction et par ponction sur les ressources de l’Etat et les ressources humaines dont dispose notre pays. la dynastie a réussi à bâtir une société de la tricherie, du vol et de la pathologie du profit. Le mal a pris des proportions jusqu’au secteur privé et informel. Sur toutes nos lignes de transport, les surcharges n’offusquent ni le ministre de la Sécurité, de la Protection civile, ni les routiers en tenue de contrôle de la régularité des normes de la circulation des engins roulants. Bien au contraire, ils en font un marché où ils prennent leur part de dividendes sur la mise en danger de la vie des usagers et clients.

Même les conducteurs de taxis-motos se sont embrigadés dans le canevas populaire et choquant des agents de l’Etat, des supposés serviteurs de l’Etat en ce refrain tout à fait de la grande bassesse incivique : « Je ne suis pas venu à Lomé pour regarder la mer ».

Le brigandage, l’escroquerie, le vol, même les détournements de deniers publics sont dans la fourchette de la débrouille au nom de la banalisation de l’indécence et du délit. Nos infrastructures à peine observables ou fonctionnelles et nos équipements désuets ne connaissent qu’un renouvellement de faillite, parce que les commissions que les membres du clan GNASSINGBE y prélèvent ne libèrent pas le marché des prestations pour des équipements de qualité aux prix fort de la valeur du matériel. Les parvenus sont toujours dans l’optique de la surfacturation et appareils d’occasion et engrangent en si peu de temps des milliards sur le dos de nos populations refoulées à l’indigence et à l’inanition. Ce sont eux qui initient dans leur train de vie les réticents à embaucher la morale de l’éternel refrain : « Je ne suis pas venu à Lomé pour regarder la mer ».

La gouvernance Faure a forgé un mental de rapace à sa petite compagnie des magnans de la délinquance étatique et le mal a explosé dans le type togolais où la razzia est au cœur maintenant dans la majorité, la masse de la galère qui se livre, elle aussi à la conquête du profit à n’importe quel prix. D’où l’insécurité est grandissante dans nos rues ténébreuses.

Si au sommet de l’Etat tous les coups sont permis au nom du principe sacro-saint : « Je ne suis pas venu à Lomé pour regarder la mer », le fainéantisme payant a gagné les partisans de la doctrine de la gouvernance « fauriste » qui, du reste, ne sont que dans le ton de la compétition ouvertement nationale qui a pris la capitale comme le point névralgique du gain aisé.

Amusons-nous quelque peu à établir des statistiques sur des maisons qui se vendent à prix d’or à Lomé et sur l’origine de leurs acquéreurs qui les démolissent aussitôt pour y rebâtir de nouvelles bâtisses au standing de Manhattan. Le blanchissement d’argent volé sous nos yeux est effarant.

Plus personne n’est venu à Lomé pour se délecter à la douceur des alizés et aux tambours des vagues. Du Port autonome de Lomé à l’administration en passant par nos frontières et le filet de sécurisation de la frontière ouest dans toute la zone de Lomé, c’est un autre Etat de profit frauduleux dans un Etat usurpateur et transgresseur. Les marchandises qui passent par des brèches illégales dans ce filet de sécurité attestent le volume de profit à l’ombre duquel grandissent les fonctionnaires de l’Etat sur la frontière ouest.

Le refrain : « Je ne suis pas venu à Lomé pour regarder la mer » participe d’une mise à mort de notre pays, parce que la morale publique est le premier jalon de l’organisation de l’Etat, c’est-à-dire, du passage de l’Etat de nature à l’Etat social. L’incivisme et l’immoralité explosent dans ce pays par l’exemplarité de degré zéro que la gouvernance dynastique a instituée.
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