LOME - Déclaration de fin de mission de la Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies, Flavia Pansieri, au Togo.
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie d’être venus assister à ce point de presse.
C’est avec plaisir que j’ai, ces quatre derniers jours, honoré
l’invitation envoyée par le Gouvernement du Togo au Haut-Commissariat en
2012. Ma présence aujourd’hui et l’accueil qui m’a été fait sont la
preuve de la bonne coopération qui existe entre le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et les autorités togolaises.
Cela fait huit ans que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a
ouvert un bureau au Togo. Durant cette période, le pays a réalisé des
avancées considérables dans le domaine des droits de l’homme, comme
l’ont notamment montrées la tenue récente d’élections législatives sans
incident majeur et l’abolition en 2009 de la peine de mort.
Durant ma visite, je me suis entretenue avec le Premier Ministre et
différents membres du gouvernement, ainsi qu’avec le Président de
l’Assemblée nationale, la Vice-Présidente et les Présidents des
Commissions des lois et des droits de l’homme.
J’ai eu des consultations avec les collègues des Nations Unies. J’ai
également rencontré la Commission nationale des droits de l’homme. Les
ressources qui sont allouées à cette institution restent malheureusement
insuffisantes. Je salue à cet égard l’élaboration d’un avant-projet de
loi portant modification de la loi organique relative à la Commission
nationale des droits de l’homme qui devrait permettre de renforcer la
conformité de cette institution aux Principes de Paris et de mettre en
place un mécanisme de prévention de la torture.
J’ai eu par ailleurs l’occasion de rencontrer des organisations de la
société civile et de les assurer du soutien du Haut-Commissariat aux
droits de l’homme. Le plaidoyer pour le respect des droits de l’homme
fait partie des attributions de la société civile et nécessite une
approche critique mais également constructive. A cet effet, je les ai
encouragées à faire preuve de professionnalisme dans la documentation
des allégations de violations de droits de l’homme.
Le Togo s’est engagé, avec l’assistance technique de notre bureau et
les partenaires des Nations Unies, dans un processus de justice
transitionnelle qui a abouti, en 2012, à la remise au gouvernement de
recommandations par la Commission vérité, justice et réconciliation. Ces
recommandations restent aujourd’hui à mettre en œuvre. Le gouvernement
pourra continuer de compter sur le soutien du Haut-Commissariat aux
droits de l’homme dans la finalisation du « Livre Blanc » qui doit fixer
les prochaines étapes. Parmi les actions prioritaires devront figurer
l’opérationnalisation du Haut-Commissariat pour la réconciliation et le
renforcement de l’unité nationale, et l’élaboration du programme de
réparations. L’avenir serein et pacifique du Togo dépend en grande
partie de la finalisation de ce processus de justice transitionnelle.
Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans
l’administration de la justice demeure également un domaine prioritaire.
L’augmentation récente des salaires des magistrats, la construction de
cours d’appel et l’adoption de la loi portant aide juridictionnelle
constituent des avancées réelles que je salue. Je me réjouis également
que le projet de code pénal soit sur le point d’être adopté par
l’Assemblée nationale. L’avant-projet de code de procédure pénale reste
pour sa part à finaliser. Je me suis notamment entretenue à ce sujet
avec le Garde des Sceaux.
En publiant un rapport sur le respect des droits de l’homme dans
l’administration de la justice le 20 décembre 2013, notre bureau a voulu
dresser un état des lieux du secteur de la justice pour inciter le
gouvernement à redoubler d’efforts dans ce domaine et l’accompagner dans
cette tâche. Je me réjouis que les recommandations de notre rapport
aient été prises en compte dans l’élaboration de la politique
sectorielle nationale de la justice et j’invite le ministère de la
justice à finaliser et mettre en œuvre cette politique.
Liée à la question de l’administration de la justice se trouve celle de
la détention. Le Togo fait face à une surpopulation carcérale. Cela est
dû, en grande partie, au nombre élevé de personnes maintenues en
détention préventive dans l’attente de leur procès, ainsi qu’à l’examen
insuffisant des demandes de libération conditionnelle. J’ai pu le
constater lors de la visite que j’ai effectuée à la prison civile de
Lomé. L’accès à des services de santé de qualité, à l’hygiène et à la
nourriture restent également à améliorer. Je salue à cet égard
l’élaboration d’une politique nationale sur la détention qui, je
l’espère, inclura un volet réinsertion. Lors de notre entretien, le
Garde des Sceaux m’a fait part du lancement des activités de la
quatrième édition de la semaine du détenu ainsi que de sa détermination à
s’attaquer à la problématique des conditions de détention dans le pays.
La discrimination à l’encontre des femmes demeure un problème au Togo.
La révision du Code des personnes et de la famille et l’introduction de
la parité dans le Code électoral constituent des avancées
significatives. Une loi-cadre sur la parité et une plus grande
sensibilisation permettraient de traduire la volonté certaine du
Gouvernement à avancer dans ce domaine. Une loi sur les violences faites
aux femmes, y compris la violence domestique, reste également à
élaborer.
On ne peut parler de réformes législatives sans souligner la
responsabilité des députés en matière de droits de l’homme. J’ai pu
échanger sur le rôle de l’Assemblée nationale dans la promotion et la
protection des droits de l’homme avec le Président et la Vice-Présidente
de l’Assemblée nationale ainsi qu’avec les présidents de la Commission
parlementaire des droits de l’homme et de la Commission des lois. Qu’il
s’agisse d’initier des lois ou de s’assurer de la conformité des projets
de loi du gouvernement aux instruments internationaux relatifs aux
droits de l’homme ratifiés par le Togo, il appartient au pouvoir
législatif de s’investir dans ce domaine.
Malgré une croissance économique encourageante et les efforts du
gouvernement à réaliser les Objectifs du Millénaire, la pauvreté
subsiste au Togo. Il est primordial que, dans l’élaboration de ses
politiques économiques et sa stratégie de réduction de la pauvreté, le
Gouvernement du Togo adopte une approche basée sur les droits de l’homme
qui permette une plus grande participation des populations ciblées, en
particulier des plus vulnérables et marginalisées. J’ai pu notamment
m’entretenir à ce sujet avec le Ministre de la planification, du
développement et de l’aménagement du territoire et avec le Ministre de
la prospective et du suivi des politiques publiques. J’ai pu constater
leur volonté d’utiliser les principes et standards des droits de l’homme
comme feuille de route dans le processus d’élaboration, de mise en
œuvre, de suivi et d’évaluation des politiques publiques. Le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme se tient prêt à appuyer le
gouvernement dans ce domaine et j’invite les partenaires financiers
internationaux à se joindre à nos efforts.
Ma mission a également été l’occasion d’aborder avec le gouvernement la
question de la promotion et de la protection des droits économiques,
sociaux et culturels. J’ai invité les autorités à œuvrer pour que le
Togo ratifie le Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international sur les droits économiques, sociaux et culturels qu’il a
signé en 2009. Dans cette perspective, notre bureau continuera à appuyer
le gouvernement et la société civile afin de sensibiliser la population
sur ces droits. Il continuera également à échanger avec les députés,
les magistrats et les avocats sur les voies de recours en cas de
violations présumées d’un droit économique, social ou culturel.
Le respect des droits de l’homme, et donc l’adoption de comportements
et d’attitudes conformes à ces droits, commencent par l’éducation. Cela a
notamment été rappelé par la Commission vérité, justice et
réconciliation. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme entend œuvrer
en ce sens au Togo. Dans cette optique, j’ai été heureuse de participer
à l’inauguration du centre d’écoute, d’information et de documentation
sur les droits de l’homme et la paix à Sokodé. J’espère que, dans un
souci de décentralisation, ce centre, qui a vu le jour avec l’aide des
autorités togolaises, du Programme des Nations Unies pour le
développement, de l’Union européenne et de Togo cellulaire, contribuera à
une meilleure dissémination des droits de l’homme dans l’ensemble du
pays.
Je souhaite que ma visite permette de renforcer l’engagement du
Gouvernement togolais à coopérer avec les mécanismes internationaux des
droits de l’homme. Sur ce point, je salue l’élaboration d’un plan
national de mise en œuvre des recommandations de l’Examen périodique
universel et des organes de traité, dont j’espère l’adoption rapide.
J’invite par ailleurs les autorités togolaises à mettre en place un
mécanisme permanent chargé d’assurer la mise en œuvre et le suivi de ces
recommandations et à lancer une invitation ouverte aux Procédures
spéciales.
Je termine ma visite avec la conviction que ce pays est un exemple de
coopération fructueuse entre un gouvernement et le Haut-Commissariat aux
droits de l’homme. J’encourage le Gouvernement togolais à partager son
expérience et les divers aspects de cette collaboration, notamment au
sein du Conseil des droits de l’homme dont le Togo est membre.
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme continuera à accompagner le
Togo dans la promotion et la protection des droits de l’homme ; que ce
soit à travers son bureau dans le pays ou sous la forme d’une expertise
technique disponible à Genève.
Je vous remercie.