Le Togo et le Covid-19

Publié le jeudi 9 avril 2020 | Sursaut-Togo

© Autre presse par Le Parisien
Martin Kofi Yamgnane, ex maire de Saint-Coulitz

Pour lutter contre le COVID−19, le Président de la République togolaise, Faure Essozimna Gnassingbé, dans un discours martial sur fond de drapeau national et d’hymne national, a martelé les mesures à suivre:

création d’une force militaire de 5 000 hommes car, comme tout le monde sait, c’est avec les armes et les balles que cette épidémie sera vaincue;

état d’urgence “sanitaire” de 3 mois d’emblée;

couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national: il existe plus de 6 000 villages et hameaux au Togo dont les habitants ne connaissent pas l’électricité et encore moins l’éclairage public. Pendant plus de 60 ans, ils ont seulement espéré de l’eau propre à boire, de la nourriture à manger à leur faim, l’éducation de leurs enfants, les soins de santé...en vain;

interdiction des échanges commerciaux informels et du transport des hommes comme celui des hommes...Mais où trouver les produits de première nécessité: manger, boire, se soigner même avec des produits frelatés sinon dans l’informel au bord du chemin ou bien dans le marché villageois hebdomadaire;

interdiction de sortie des zémidjans (motos-taxis), vrais poumons de l’économie informelle qui contribue à hauteur de 15% au PIB du pays;

Le gouvernement togolais, via son site web officiel, republicoftogo, annonce le chiffre du jour: 500 000 zémidjans opèrent au Togo. Ce chiffre est largement en-dessous de la réalité. Tous les Togolais savent que tout dans ce pays n’est que mensonges et trucages, “valeurs” élevées au rang de mode de gouvernance! En réalité, le nombre de zémidjans opérant au Togo se situe entre 750 000 et 1 million!

Tous les jeunes aspirent à en être puisqu’on ne leur offre aucune alternative. Dans ce pays très pauvre et très sous-développé où pourtant tout est à faire: agriculture, infrastructures, éducation, santé, transports, énergie, eau, assainissement...etc, tous les jeunes sont sans emploi. On trouve sur ces motos des thésards comme des illettrés, en passant par tous ceux qui ont quitté l’école avec le CEPD, le BEPC, le baccalauréat, la licence, la maîtrise, le master… La plus grande majorité des motos appartient aux oligarques du régime, civils et militaires, qui exploitent toute la jeunesse togolaise transformée en motards serviles qui doivent tous les soirs en fin d’une journée de travail d’esclave, aller rendre la recette des courses aux propriétaires installés dans leurs salons climatisés dans leurs maisons bâties avec l’argent public détourné.

La “fonction publique” ainsi que la hiérarchie militaire organisent bien des concours de recrutement tous les ans. Mais quand on a la curiosité de consulter la liste des lauréats, on est cloué sur place par les injustices qui en transpirent: 4 reçus sur 5 sont de l’ethnie kabyè et en tous cas ils portent des noms d’origine kabyè!

C’est ainsi que le Togo se retrouve gouverné par la seule ethnie du président. L’ethnie kabyè ne représente que 20% de l’ensemble de la population togolaise. Pourtant, dans l’administration, les sociétés d’Etat, les ministères, les ambassades du Togo à l’étranger, son poids est de l’ordre de 75% et monte jusqu’à 96% dans l’armée! (selon les données statistiques du journal togolais La Nouvelle).

Et donc voilà pourquoi, pour se nourrir et ne pas mourir de faim, les jeunes sont obligés de se faire zémidjans!

Désormais, tous les Togolais savent qu’ils vont mourir mais qu’ils ont l’insigne honneur de choisir leur mort: la faim ou le coronavirus!
Monsieur le Président Faure Essozimna Gnassingbé, vous rendez-vous seulement compte qu’une telle mesure équivaut à amorcer la bombe à retardement que constituent tant de jeunes réduits au chômage et au désespoir?
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