Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde vendredi contre une éventuelle levée «trop rapide» des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 qui « pourrait entraîner une résurgence mortelle».
«Je sais que certains pays planifient déjà la transition vers la suppression des restrictions en matière de séjour à domicile. L'OMS souhaite la levée de ces restrictions autant que quiconque », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus avertissant toutefois que « la descente peut être aussi dangereuse que la montée si elle n'est pas gérée correctement».
Le Directeur général de l’OMS s’est félicité du « ralentissement bienvenu » au cours de la semaine passée dans certains des pays les plus durement touchés en Europe, tels que l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la France. Il s’est néanmoins inquiété de l’accélération alarmante constatée dans d'autres pays, et notamment en Afrique.
L'OMS travaille avec les pays touchés sur des stratégies visant à assouplir progressivement et en toute sécurité les restrictions.
Au niveau mondial, plus de 1,6 million de cas confirmés de Covid-19 ont été signalés à l'OMS, et plus de 99.000 décès ont été enregistrés, selon les chiffres de l’Organisation samedi.
6 facteurs à prendre en compte avant de lever les restrictions
Le chef de l’OMS a signalé six facteurs à prendre en compte avant la levée des mesures de restriction, à savoir que :
la transmission soit contrôlée ;
des services de santé publique et des services médicaux suffisants soient disponibles ;
les risques d'épidémie dans des environnements particuliers comme les établissements de soins de longue durée soient réduits au minimum ;
des mesures préventives soient en place sur les lieux de travail, dans les écoles et dans d'autres lieux où il est essentiel que les gens se rendent ;
les risques d'importation puissent être gérés ;
les communautés soient pleinement conscientes de la transition et y participent.
«Chaque personne a un rôle à jouer pour mettre fin à cette pandémie », a souligné le Dr Tedros, insistant sur la pleine participation des communautés.
Protéger les travailleurs de la santé
Pour l’OMS, le grand nombre d'infections signalées parmi les travailleurs de la santé est alarmant, avec plus de 10% des travailleurs de la santé sont infectés dans certains pays.
«Les données recueillies en Chine, en Italie, à Singapour, en Espagne et aux États-Unis nous aident à comprendre pourquoi cela se produit et ce que nous pouvons faire pour y remédier », a dit le chef de l’OMS. Elles montrent que certains travailleurs de la santé sont en fait infectés en dehors des établissements de santé, chez eux ou dans leur communauté.
Dans les établissements de santé, les problèmes les plus courants sont la reconnaissance tardive du Covid-19, le manque de formation ou l'inexpérience dans le traitement des agents pathogènes respiratoires.
De nombreux travailleurs de la santé sont également exposés à un grand nombre de patients au cours de longues journées de travail avec des périodes de repos insuffisantes.
Cependant, les faits montrent également que lorsque les travailleurs de la santé portent un équipement de protection individuelle adéquat, les infections peuvent être évitées.
Il est donc d'autant plus important que les travailleurs de la santé puissent avoir accès aux masques, gants, blouses et autres équipements de protection individuelle dont ils ont besoin pour faire leur travail de manière sûre et efficace.
Pour aider les pays, l'OMS a lancé trois outils destinés à aider les gestionnaires et les planificateurs à calculer le nombre d'agents de santé, de fournitures et d'équipements qui seront nécessaires pour faire face à l'augmentation du nombre de patients atteints du Covid-19.
Une réponse localisée pour l’Afrique
Le chef de l’OMS a mis l'accent sur l'Afrique, où le virus se propage désormais dans les zones rurales, avec des groupes de cas et des communautés constatés dans plus de 16 pays.
«Nous prévoyons de graves difficultés pour les systèmes de santé déjà surchargés, en particulier dans les zones rurales, qui ne disposent pas des mêmes ressources que les villes », a-t-il expliqué, appelant à «localiser» la réponse, en renforçant d'urgence les infrastructures de santé publique et de soins de santé primaires existantes dans les pays.
Il a également appelé à accélérer le soutien exprimé lors de la récente réunion des pays du G20 envers l'Afrique, «même si les chiffres en Afrique sont encore relativement faibles ils sont en augmentation».
Une équipe spéciale ONU sur la chaîne d'approvisionnement
Cette semaine, l’OMS a lancé une équipe spéciale ONU sur la chaîne d'approvisionnement, chargée de coordonner et d'intensifier l'achat et la distribution d'équipements de protection individuelle, de diagnostics de laboratoire et d'oxygène aux pays qui en ont le plus besoin.
Elle sera coordonnée par l'OMS et le Programme alimentaire mondial (PAM), en s'appuyant sur la collaboration existante entre de multiples partenaires à l'intérieur et à l'extérieur des Nations Unies.
Ce système, qui disposera des centres en Belgique, en Chine, en Éthiopie, au Ghana, en Malaisie, au Panama, en Afrique du Sud et aux Émirats arabes unis, pourrait couvrir plus de 30% des besoins mondiaux dans la phase aiguë de la pandémie.
Chaque mois, nous devrons expédier au moins 100 millions de masques et de gants médicaux ; jusqu'à 25 millions de respirateurs, blouses et masques N95 ; jusqu'à 2,5 millions de tests de diagnostic ; et de grandes quantités de concentrateurs d'oxygène et d'autres équipements pour les soins cliniques, a précisé le Dr Tedros.
Pour acheminer ces fournitures dans le monde entier, le Programme alimentaire mondial déploiera huit avions 747, huit avions cargo de taille moyenne et plusieurs avions de passagers plus petits pour transporter les travailleurs humanitaires, le personnel technique, les formateurs et d'autres personnels.
Il est évident que les coûts associés seront substantiels. Le PAM estime qu'il aura besoin d'environ 280 millions de dollars, simplement pour couvrir les coûts de stockage et de transport des fournitures.