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Covid-19 : les transferts d’argent de la diaspora souffrent aussi (Analyse)

Publié le lundi 20 avril 2020  |  Le Point
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & J. Tchakou
Lancement du Forum HCTE (Haut Conseil des Togolais de l’Extérieur) - Réussites diaspora
Lomé, le 28 novembre 2019. Hôtel Sarakawa. Lancement du Forum HCTE (Haut Conseil des Togolais de l’Extérieur) - Réussites diaspora. Atelier de renforcement de capacités des membres du HCTE sous la présidence du ministre Dussey en charge des Affaires Etrangères et de l’Intégration Africaine.
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Au-delà des pertes de revenus importantes pour les travailleurs informels, la crise sanitaire pourrait aussi les priver de l'argent de la diaspora.

Par Flore Gubert* pour Theconversation.com


S'il est difficile d'évaluer aujourd'hui avec précision l'impact économique de la pandémie de Covid-19, on sait d'ores et déjà que les mesures actuellement mises en œuvre dans un grand nombre de pays pour empêcher la propagation de la maladie (distanciation sociale, fermeture des marchés, confinement, interdiction des rassemblements, etc.) ont des incidences profondes sur les marchés du travail et, à travers elles, sur les conditions de vie des ménages.

Dans sa dernière note de conjoncture datée du 26 mars, l'Insee estime ainsi la perte d'activité directement liée aux mesures d'endiguement de la crise sanitaire, et en particulier au confinement de la population, à 35 % par rapport à une situation « normale » dans le cas français.

Cette baisse drastique d'activité s'accompagne d'une hausse significative du chômage et du sous-emploi : à l'échelle mondiale, l'Organisation internationale du travail avance que le nombre de chômeurs pourrait augmenter de 5,3 millions dans un scénario optimiste et de 24,7 millions dans un scénario pessimiste à partir d'un niveau de référence de 188 millions en 2019.

Situation préoccupante pour les travailleurs informels

Si les travailleurs des pays développés peuvent en partie compter sur les mécanismes conventionnels de protection sociale et sur certains dispositifs de stabilisation des revenus, la situation est en revanche beaucoup plus préoccupante pour ceux des pays en développement, dont une grande majorité exerce leur activité dans le secteur informel.

Qu'ils soient vendeurs de rue, manutentionnaires ou petits artisans, les mesures de confinement, de couvre-feu ou de fermeture des marchés (dont ce site donne un aperçu) signifient pour eux la mise à l'arrêt de leur activité. Ils se voient alors dans l'impossibilité d'assurer leur subsistance au quotidien, dans des contextes où il n'existe bien souvent ni retraite, ni assurance-chômage, ni assurance-maladie.

Dans le cas des capitales d'Afrique de l'Ouest, par exemple, où pas moins de trois quarts des emplois relèvent du secteur informel, les mesures de confinement font craindre une forte progression de la pauvreté et des inégalités et, avec elle, une montée des tensions.

La situation est d'autant plus alarmante que la baisse des revenus issus des activités locales risque de s'accompagner d'un tarissement d'une autre source de revenus souvent importante pour les ménages : l'argent de la diaspora.

L'argent de la diaspora, une manne menacée

Véritable filet de sécurité pour nombre de familles, les transferts envoyés par les migrants à leurs proches restés au pays représentaient, en 2019, un volume global de près de 550 milliards de dollars à l'échelle de l'ensemble du monde en développement.

Pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, ils constituent souvent une source de devises importante. Dans le cas du Sénégal, par exemple, qui compte officiellement entre 500 000 et 600 000 ressortissants vivant à l'étranger, l'argent de la diaspora représentait, en 2018, 9,1 % du PIB, soit deux fois le montant de l'aide publique au développement reçu par le pays pour cette même année.

Et le Sénégal est loin d'être en tête des économies les plus dépendantes de cette manne : les transferts envoyés par la diaspora représentaient pas moins de 34 % du PIB d'Haïti en 2018, 28 % de celui du Népal, 19 % de celui des Comores, et on pourrait facilement allonger cette liste.

À une échelle plus microéconomique, il n'est pas rare que la subsistance du ménage soit en partie assurée par un ou plusieurs membres « partis à l'aventure». Dans l'ouest du Mali, par exemple, dont beaucoup d'immigrés maliens en France sont originaires, nos travaux ont montré qu'en moyenne près de 20 % des dépenses réalisées par les familles comptant au moins un membre à l'étranger étaient financées grâce à l'argent de la migration.

Le caractère mondial de la pandémie de Covid-19 risque toutefois de faire perdre aux familles ce précieux soutien. Nombre de migrants résident en effet dans des pays particulièrement touchés par la pandémie et dans lesquels des mesures de confinement et de fermeture des commerces non essentiels ont été déployées.

Emplois non qualifiés dans des secteurs à l'arrêt

Dans le cas déjà évoqué du Sénégal, par exemple, les statistiques de l'OIM indiquent que 49,7 % des émigrés sénégalais, soit 265 000 individus, résideraient en Europe, dont 116 000 en France, 79 000 en Italie et 59 000 en Espagne. Si les mesures prises par ces pays pour endiguer l'épidémie bouleversent le quotidien de tous, on sait aussi qu'elles affectent de façon disproportionnée certaines catégories de travailleurs, notamment les travailleurs non protégés et les travailleurs migrants.

Si l'on s'arrête à nouveau sur le cas des travailleurs sénégalais (mais la situation est assez comparable chez ceux originaires d'autres pays d'Afrique subsaharienne), les données de l'OCDE et celles tirées d'enquêtes que nous avons menées en France et en Italie montrent que la majorité d'entre eux occupent, dans ces pays, des emplois non ou peu qualifiés, dans des secteurs (les services à la personne, la restauration, le nettoyage, le tourisme, la construction, etc.) qui sont aujourd'hui à l'arrêt.

Parmi eux, beaucoup ont des contrats précaires, ou inexistants, ou exercent leur activité à temps partiel. Il y a donc lieu de penser que, en France en tout cas, cette catégorie de travailleurs ne bénéficiera pas des mesures immédiates de soutien aux entreprises et aux salariés que le gouvernement a mises en place.

Avec des niveaux de rémunération déjà faibles en temps « normal », une proportion non négligeable d'entre eux pourrait donc basculer dans la pauvreté et se retrouver dans l'incapacité financière d'aider leurs proches restés au pays.


Baisse des transferts observée lors de la crise de 2009

Bien qu'elle soit d'origine différente, la crise financière de 2009 avait déjà révélé la très forte vulnérabilité des travailleurs migrants.





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