Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Impacts politiques du COVID-19 au Togo

Publié le lundi 27 avril 2020  |  aLome.com
Rencontre
© Autre presse par Presidence du Togo
Rencontre entre Faure Gnassingbé et les responsables de l’Unité opérationnelle de prise en charge des malades au Coronavirus
Comment



(Par Wahabou G. SALIFOU, analyste politique, auditeur en master Science politique fondamentale à L’UAC-Bénin)



Depuis son apparition surprise en décembre dans la ville chinoise de Wuhan, le Covid-19 se répand partout, (la presque totalité des pays du monde sont touchés, on dénombre au total 180 Pays) paralysant de nombreux pays dans le monde, bouleversant les habitudes sociales et culturelles, autrefois élémentaires et remettant en cause les valeurs démocratiques longtemps connues (libertés, droits de l’homme, santé publique, pouvoir publique).
La propagation rapide du virus, favorisée par la mondialisation et l’interconnexion des personnes et des biens, dans le monde reste inquiétante et a conduit à la mise en place des mesures drastiques d’atténuation ou de réduction de risques : fermeture des frontières, limitation des déplacements, confinement des populations etc… Toutes ces mesures ne sont pas sans conséquences sur la viabilité sociale, économique et politique des Etats.

En Afrique, plus précisément au Togo, où les structures sanitaires sont inadaptées et les mesures sanitaires de riposte presque inexistantes, l’on craint le pire et la psychose s’installe. Depuis l’annonce officielle le du premier cas, le 06 mars 2020 sur le sol togolais, les cas confirmés ne cessent d’augmenter et plusieurs mesures ont été annoncé pour contrer la propagation.
Jamais dans l’histoire, le Togo ne fut confronté à une crise sanitaire pareille. Autrefois épargné par le virus Ebola et lassa qui ont touché quelques pays voisins d’Afrique de l’ouest, le pays se retrouve désormais face à une pandémie qui bouleverse les tendances dans le monde. Même les crises politiques et économiques souvent connues n’ont jamais pu créer autant de d’inquiétude et de bouleversement dans la vie de toutes les populations du pays, occasionnant une restructuration profonde au niveau sociale, administratif et politique.
Les impacts économiques (la chute des marchés boursiers, baisse de la croissance mondiale, arrêt de plusieurs activités économiques, pénurie alimentaire etc…), sociales (les effets psychiques importants, le bouleversement des modes de socialisation) et sanitaires (les nombreux décès, débordement des agents de santé, manque de matériaux) de la pandémie au niveau international et national, suscitent aujourd’hui de nombreuses inquiétudes.

Outre ces impacts déjà visibles au Togo, c’est ceux politiques qu’il nous semble nécessaire de souligner. Le champ politique togolais connait, avec l’apparition du Covid19, un bouleversement sans précédent laissant apparaître cette nouvelle facette de la gestion de la cité, ce que Michel Foucault va appeler la Biopolitique (Surveiller et Punir, 1975). En gros c’est la capacité de gouvernance de la chose publique, de résilience épidémiologique, la prise en compte de la vie et la sécurisation des populations, par l’Etat en période de crise sanitaire, qui entre en jeu. Le regard du politiste est donc indispensable pour appréhender ces impacts sur la vie politique togolaise afin de mesurer le rôle décisif de cette pandémie du coronavirus sur le futur politique du Togo.


‘’L’impact politique majeur’’ évité de justesse : Le report d’élection


Alors que l’Asie et certaine partie d’Europe subissaient déjà,de plein fouet, la crise sanitaire causée par le covid19, qui épargnait encore le continent africain, le Togo amorçait son processus électoral pour le scrutin présidentiel du 22 février 2020. Le scrutin organisé en début d’année, qui a vu la réélection du président sortant, d’après la proclamation des résultats provisoires de la CENI (dans la nuit du 24 février) et définitifs de la Cour Constitutionnelle (le 03 mars 2020), s’est déroulé de justesse quelques jours avant l’apparition du premier cas infecté du coronavirus. Soit trois jours après les résultats définitifs proclamés par la cour constitutionnelle.

Le Togo échappe ainsi à un report du scrutin pour cause du Covid19, lui qui engendre aujourd’hui des conditions non favorables au déroulement des élections partout dans le monde. Dans Plusieurs pays en Afrique, les élections, (les municipales au Benin, législatives au Cameroun, au Tchad et présidentielles au Burkina, au Burundi, en Côte d’ivoire…etc) sont sur le point de subir des reports si la pandémie ne cessait, pour éviter la propagation du virus. D’autres à l’instar du Mali, qui l’ayant maintenu, en pleine crise sanitaire, ont vu leurs efforts être remis en cause par le Covid19. En France, la question du report des élections législatives des 15 et 22 mars a déchainé la chronique et a suscité beaucoup de réflexions avant d’être finalement maintenue. La conséquence fut énorme : une forte abstention de 56% selon les instituts de sondage, le report du second tour et les appels à l’annulation du premier tour. La perspective d’une crise politique est donc non négligeable. Une telle situation en Afrique et plus exactement au Togo serait insupportable voire profondément destructrice.

La conséquence d’un report ou d’une annulation d’une élection n’est pas seulement socio-politique mais aussi économique. Les nombreuses sommes investies dans le processus électoral au Togo pour garantir la transparence et la stabilité du scrutin aurait été une lourde perte pour une économie en perpétuelle quête d’autonomie. Le report des élections, indispensable dans des périodes de crise pareille, est donc un impact politique considérable de la pandémie, que ne connaitra certainement pas le Togo.
Toutefois, l’après élection annonçait déjà les prémices d’une crise politique certaine et dans ce contexte tendu, tous les regards furent tournée soit vers la contestation pour les adeptes de ceux qui revendiquaient la ‘’vérité des urnes’’ et la conservation pour ceux qui savouraient leur N iem victoire, tous minimisant cette crise sanitaire qui se rapprochait et dont les conséquences était dès lors insupportable ailleurs. La pandémie du Covid19 vient ainsi d’une certaine manière atténuer la tension politique qui aurait pu déboucher sur une crise post-électorale tout en installant celle sanitaire encore plus inquiétante.


‘’ La responsabilité’’ politique de l’exécutif engagée


La gestion d’une crise politique ou sanitaire incombe en premier lieu aux gouvernants. Le coronavirus exige une implication considérable de l’exécutif gouvernemental à la tête duquel se trouve le Chef de l’Etat. Au Togo, comme partout dans le monde, le Président de la République parait le premier concerné, multipliant ainsi des prises de décision, des mesures et des moyens de riposte. Le Président togolais qui s’exprimait justement à travers son discours à la nation du premier avril, déclinait les différentes mesures prises par le gouvernement pour affronter la pandémie, exhortait le soutient, l’accompagnement et la participation responsable des citoyens. Cette lourde épreuve décisive qui s’est annoncée pour le début de son mandat est la conséquence de la mise en cause de sa ‘’responsabilité’’ politique et de celle de son gouvernement.

En effet, les effets de la pandémie, avant d’être économiques, politiques ou sociales, sont avant tout humains car c’est la vie humaine, la santé des populations, le traitement de la maladie qui entre en jeu. Les grandes réformes urgentes annoncées auraient pour vocation première de montrer aux populations que le gouvernement togolais reste présent et se mobilise contre la pandémie sur le territoire.
Le covid19 entraine la mobilisation de tous les ministères : économie et des finances, de la santé, de la sécurité, de l’administration territoriale, du travail etc… Cette mobilisation s’observe à travers les interventions médiatiques, la publication régulière des informations concernant les cas, les guéris et les décès, la solidarité interministérielle et intersectorielle dans la définition de la politique sanitaire pour faire face à ce défi actuel de santé publique.
Il est donc clair que le rôle des décideurs politiques dans la gestion d’une crise sanitaire est crucial, ce qui dénote avec aisance les mouvements importants observables dans le champ politique (conception Bourdieu-sienne).
Ainsi, c’est la capacité de gestion et de résilience du gouvernement face à cette crise sanitaire qui sera constamment jugée et ce à travers les résultats positifs obtenus des différentes politiques publiques menées.

Le renforcement du pouvoir politique : les mesures exceptionnelles


Traditionnellement, le domaine de la loi s’exerce concurremment entre l’exécutif et le législatif. Cette relation d’interdépendance entre le pouvoir de l’exécutif et celui du législatif, pour la bonne gestion de la cité, est la logique de l’équilibre des pouvoirs promut par la philosophie de Montesquieu (Esprit des lois, Chap. XVI – XVII). Cette tendance habituelle vient d’être affectée par la crise sanitaire provoquée par le Covid19 au Togo. En effet l’augmentation rapide des cas contaminés et suspects sur le territoire nécessite une mise en œuvre de mesures efficaces mais aussi drastiques pour ralentir la propagation et endiguer la crise.
Pour contrer cette progression la Représentation nationale accorde au gouvernement, sur une période de six mois, l’autorisation de prendre des ‘’ mesures susceptibles d’apporter des réponses efficaces et durables’’. Cette disposition constitutionnelle inscrite à l’article 58, qui stipule : « le gouvernement peut, pour l’exécution de ses programmes, demander à l’Assemblée nationale, l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi … » ; est, d’une façon ou d’une autre, une aubaine pour le gouvernement de disposer des moyens pour renforcer son pouvoir.


Dans cette situation de crise sanitaire à l’échelle planétaire, tous les Etats touchés ont la possibilité de faire recours à ces mesures exceptionnelles qui leurs permettent de disposer d’une plus large marge de manœuvre dans la résolution de la crise. La déclaration conjointe des Etats de l’Union européenne sur les mesures exceptionnelles, du 02 avril 2020, l’exprime très clairement dans ces débuts: « Dans cette situation sans précédent, il est légitime que les Etats membres adoptent des mesures extraordinaires pour protéger leurs citoyens et surmonter la crise. Nous sommes toutefois profondément préoccupés par le risque de violation des principes de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux découlant de l’adoption de certaines mesures d’urgences … »


L’intensification de la propagation du virus est une réalité au Togo et pour mieux encadrer les règles relatives à l’état d’urgence sanitaire annoncé, le gouvernement semble compter sur la gouvernance par ordonnances. Celles-ci devraient permettre de définir des actions concrètes, de recadrer les horaires des activités et d’apporter des soutiens nécessaires aux entreprises et aux populations. Il faut attendre la fin de la pandémie pour mesurer l’efficacité de ces mesures sur le territoire togolais.

Covid19, santé publique et pouvoir politique : la corrélation parfaite pour une prise de décision de politique publique sanitaire


La gouvernance politique centrée sur les spéculations boursières, les mécanismes d’assainissements des climats des affaires, la croissance économique etc…, a montré ses limites avec l’apparition de cette pandémie qui secoue les tendances géopolitiques, économiques et socio-politiques. Le néo-libéralisme aveugle a ‘’privé l’Etat de ses ressources et a sacrifié le monde dont il se nourrit’’. Le Togo, à l’instar de tous les Etats du monde, est un devenu un acteur économique à part entière se souciant des mécanismes économiques plus que ceux sociaux ou sanitaires. La notion de contractualisation est utilisée pour exprimer aujourd’hui les doux moyens de privatisation des structures sanitaires dans plusieurs régions.
La santé des populations incombe aux gouvernants, raison pour laquelle elle doit nécessiter une attention particulière et rigoureuse.

Michel Foucault parlait de Biopouvoir, pour insister sur le fait que le pouvoir politique doit prendre en compte la vie des populations, la santé humaine; ‘’un pouvoir qui porte non sur les territoires mais sur la vie des individus’’. « Pour lui la santé est l’épicentre de la gouvernance moderne, à travers la médecine et la santé mentale l’Etat gère, surveille et contrôle la population » (Eva ILLOUZ, l’insoutenable légèreté du capitalisme vis-à-vis de notre santé) .

L’Etat a délaissé la santé au profit de l’économie et de la finance oubliant que les marchés se nourrissent de la santé des individus. A quoi servirait une croissance économique future pour des populations malades ? Le Budget alloué à la santé reste insignifiant alors que les crises sanitaires s’annonçaient depuis peu. La grève répétée des personnels de santé, réclamant des meilleures conditions de travail et des équipements, était toujours mal perçu par le gouvernement qui peinait à agir.

La crise sanitaire causée par le Covid19 semble changer la donne. Il a explicitement remis en cause le système sanitaire togolais et fait renaitre le débat sur la place de la santé dans la gouvernance au Togo. Le gouvernement togolais annonce la commande de plusieurs appareils nécessiteux, il faut croire qu’il n’est jamais trop tard pour rattraper le bout du chemin car les jours à venir paraissent plus inquiétants.

Les impacts politiques recensés, complètent ceux économiques et sociaux existants, le coronavirus apparait comme une espèce de gifle encaissée par le Togo et les pays du monde, cependant quand la douleur disparaitra, les mesures doivent être prises pour ne plus vivre une surprise désagréable pareille.
Commentaires