Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le magasin de cette jeune entrepreneuse qui se bat pour une alimentation saine, à Lomé, ne désemplit pas.
Michelle Obama et… sa maman. C’est parce qu’elle aime les femmes de tête que Lucia Allah-Assogba place l’épouse de l’ex-président américain au côté de sa propre mère dans son Panthéon féminin. La jeune femme de 28 ans s’avoue touchée par les engagements de Mme Obama en matière de protection sociale ou de lutte contre la malbouffe et l’obésité infantile. Des sujets qu’elle veut porter à son tour pour son pays, le Togo, avec l’énergie de sa mère et l’obligation de se dépasser qu’elle lui a transmise.
Pour Lucia Allah-Assogba, le déclic a été une grande douleur. La mort d’un proche parent, victime d’une insuffisance rénale, a fait d’elle une militante pour une alimentation saine et équilibrée, convaincue que « de nombreuses maladies qui montent en Afrique aujourd’hui, comme l’hypertension artérielle, certains cancers ou le diabète, sont provoquées par des aliments nocifs ou malsains ». Après ce décès, elle s’est dit qu’il était temps d’agir et de donner enfin aux Togolais une meilleure alimentation. La dynamique était lancée pour allier santé économique du pays et santé physique des populations.
Epices, soja, jus de fruits…
A la fin de ses études, la jeune femme s’était étonné qu’aucune boutique de la capitale ne vende directement les produits des agriculteurs bio. En 2013, Lucia Allah-Assogba franchit donc le pas et ouvre à Lomé son premier magasin de produits 100 % togolais. Son but est double : « augmenter les ressources nationales en consommant local » et « améliorer la santé des habitants ». Dans les rayons de sa boutique qu’elle baptise Togosime (« le marché du Togo », en langue éwé), des épices jouxtent le soja et les jus de fruits en bouteille. Des délices peu nombreux, certes, mais tous cultivés dans une terre riche aux vertus trop méconnues.
Sept ans plus tard, 600 produits bio y sont référencés, provenant de 150 producteurs répartis sur l’ensemble du territoire. « Soit ils livrent directement le magasin, soit j’effectue des tournées à l’intérieur du pays pour me ravitailler, dit-elle avec une pointe de fierté. L’avantage est que je sais parfaitement d’où vient chaque aliment que je commercialise et comment il a été transformé. Je connais toutes les chaînes de production». Un savoir qu’elle partage volontiers avec ses clients les plus friands de connaître les terres qui les nourrissent.
Depuis le début de la pandémie liée au coronavirus, le magasin, situé dans le quartier d’Adidogomé, dans le nord-ouest de Lomé, ne désemplit pas. « Avec ce virus, les gens semblent avoir réalisé l’importance de manger des produits naturels pour être en bonne santé », dit Lucia Allah-Assogba. Ils se ruent notamment sur les thés ail-gingembre-citron et les produits issus du baobab ou à base d’Artemisia, cette plante connue pour ses vertus thérapeutiques, notamment contre le paludisme.
«J’ai fait trente minutes en zem [« zemidjan», nom donné aux motos-taxis au Bénin et au Togo] pour venir me ravitailler ici et acheter du riz complet, recommandé pour les diabétiques, explique Honorine, une cliente. Je prends également du chocolat noir très peu sucré. » C’est sur le soja grillé, avec lequel elle prépare des boulettes, que Marie, une infirmière de Lomé, jette quant à elle son dévolu.
Livraison à domicile
En 2017, Lucia Allah-Assogba a été récompensée par le prix Jeune entrepreneur(e) de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). En 2019, elle y a ajouté le prix des Femmes noires inspirantes et a été décorée de l’ordre du mérite. Preuve qu’elle a mis le doigt sur un filon, l’entrepreneuse togolaise a aussi pu approcher le milliardaire chinois Jack Ma. Aujourd’hui retraité, le fondateur d’Alibaba – et grand fournisseur de masques anti-coronavirus à l’Afrique – souhaite développer l’e-commerce dans de nombreux pays du continent.