Le désengagement français du CFA, acté par une loi adoptée en Conseil des ministres à Paris le mercredi 20 mai, ne signifie pas la disparition de la monnaie en circulation dans les huit pays de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Mais pour ces pays s’ouvre une période de transition et de réflexion commune sur l’avenir de leur monnaie.
Le franc CFA est un mort en sursis, et la durée du sursis dépend uniquement des pays ouest-africains. En effet, Paris vient d’acter son désengagement de la gestion de cette monnaie. Les représentants français se retirent des instances de gouvernance monétaire comme la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Cette dernière peut désormais enlever ses réserves de change des coffres forts du Trésor français où la moitié était logée. La garantie en cas de crise monétaire - que Paris présente comme une assurance tous-risques - ne disparaît pas, moyennant quoi la France continuera d’être informée des décisions monétaires des pays de la zone UMOA.
C’est donc une période de transition qui s’ouvre. Les chefs d’État des huit pays concernés doivent dans un premier temps entériner la décision française et procéder à certains ajustements en révisant notamment les statuts de la BCEAO, puisque la France a retiré ses représentants. Le premier changement concerne donc la gouvernance monétaire, comme la politique de taux d’intérêt, de réserves obligatoires ou encore l’émission monétaire qui sont désormais entièrement du ressort des dirigeants de la zone.
Conserver ou non le nom des billets actuels
Il faut ensuite décider quoi faire avec le franc CFA nouvelle version. Un consensus semble se dessiner pour ne pas changer la monnaie physique dans l’immédiat, et ce, pour deux raisons au moins. En effet, les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) non membres de la zone franc sont défavorables à l’idée que les pays de l’UEMOA utilisent le nom d’Eco pour leur monnaie de transition.
L’Eco étant le nom réservé pour la monnaie commune des quinze membres de la Cédéao. S’ils le souhaitaient, les pays de l’UMOA pourraient décider de baptiser autrement le franc CFA durant cette transition, mais cette solution, si elle présente l’avantage de satisfaire la frange de l’opinion qui veut se débarrasser des symboles de la françafrique, est jugée coûteuse et complexe à mettre en œuvre.
«Il faudrait au moins trois années pour y parvenir, explique l’économiste sénégalais Moubarack Lô, le temps de trouver un nom, d’imprimer, de distribuer les nouvelles coupures et de retirer les anciennes. » Il juge qu’une telle opération n’apporterait pas grand-chose dès l’instant où la Cédéao maintient son idée d’une monnaie commune. Dans un premier temps, donc, le franc CFA continuera de circuler au sein de l’UMOA, sans aucun changement pour les ménages et les consommateurs concernés.
Combien de temps cela durera-t-il ? « Tout dépendra de la volonté des pays de la Cédéao d’arriver à l’Eco», répond Moubarack Lô. Pour l’heure, le Nigeria est réticent à se lancer dans une monnaie commune tant que la convergence économique entre les pays ne progresse pas. C’est la raison invoquée en février dernier pour sa demande d’un report de la mise en route de l’Eco. De plus, certains de ses voisins redoutent qu’en raison du poids économique du Nigeria, le futur Eco soit un Naira (monnaie en circulation au Nigeria) déguisé.
Vers un Eco pour les seules banques centrales ?
Devant ces contradictions et divergences, la mise en œuvre ou non de l’Eco est une pomme de discorde qui menace la cohésion même de la Cédéao.