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Elevage/Pr Kokou Tona, Directeur du CERSA : «Ce sont d’autres qui profitent du CERSA sans le Togo. Et ça nous fait mal»

Publié le mardi 2 juin 2020  |  La Lettre Agricole
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & Jacques Tchakou
Trois cents chercheurs et experts participent à la Conférence Avicole Panafricaine (CAP) du 14 au 16 mai, organisée par le CERSA
- aLome.com Lomé, le 14 mai 2019. Auditorium de l’Université de Lomé. Trois cents chercheurs et experts participent à la Conférence Avicole Panafricaine (CAP) du 14 au 16 mai. Cette rencontre a pour objectif de mettre ensemble différents acteurs de la filière pour faire le point des avancées et des innovations tout en leur permettant de faire des échanges fructueux. Organisée par le Centre d’Excellence Régional sur les Sciences Aviaires (CERSA) et la branche togolaise de l’Association Mondiale des Sciences Avicoles (en anglais WPSA), la rencontre a mobilisé des enseignants-chercheurs, des experts, des éleveurs et des industriels d’une quinzaine de pays. Les travaux ont été ouverts par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Pr Koffi AKPAGANA. Professeur TONA, 1er Responsable du CERSA
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La crise sanitaire mondiale du Covid-19 frappe de plein fouet les secteurs économiques. Au Togo, le Centre d’excellence régional sur les sciences aviaires (CERSA) n’est pas épargné. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Pr Kokou Tona, Directeur du CERSA parle de ses craintes et de ses espoirs aussi. Lisez plutôt.


Comment le CERSA ressent-il les effets du Covid-19 sur ses activités?

Le Centre est aussi dans le contexte mondial de la pandémie et la ressent comme tout le monde. Nous sommes à l’université de Lomé et vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est fermée. L’état d’urgence sanitaire décrété par les autorités nous impacte même si nous avons obtenu l’autorisation pour le service minimum parce que nous avons des volailles, des êtres vivants, on ne peut pas les abandonner. Aussi nous faisons des activités de recherche qu’on ne peut pas laisser en cours de chemin. Nous avons certes reçu l’autorisation pour conduire ces activités mais on est quand même impacté négativement comme toute l’université.

Peut-on avoir une idée sur l’état actuel de la production aviaire au Togo ?

La Direction de l’Elevage du ministère de l’Agriculture est mieux placée pour répondre à cette question. Le CERSA ne fait qu’accompagner à travers la recherche, il forme des gens compétents au service de la filière avicole. Nous faisons des recherches pour aboutir à des innovations, des technologies que nous mettons à la disposition de la filière. Tout ce que je peux vous dire, c’est que depuis que notre centre existe, il y a un changement notable dans la filière. Les pratiques ont changé, la productivité a monté parce qu’on a mis des spécialistes et des techniciens sur le marché.

Comment le CERSA compte-t-il accompagner le secteur des volailles dans ces moments de crise de Covid-19 ?

La question en soi est pertinente si le centre régional était une industrie agricole ou s’il était une exploitation agricole. Mais il ne l’est pas. Par contre, nous voulons travailler avec le ministère de l’Agriculture. Ce que nous faisons déjà pour mettre en place différents modèles dans les maillons agricoles.

Je vous explique. D’abord en 2009, le Togo a importé près de 24 mille tonnes de produits de volailles congelés. Déjà, cela a dépassé la production locale. Le pays importe les poussins d’un jour, les œufs à couver aussi. Ce qui fait environ 200 000 ou 300.000 poussins par an. C’est vrai dans le contexte actuel tout est bloqué. Il n’y a plus d’importation. Espérons que bientôt les vannes s’ouvrent.

Puis, si on prend la chaîne de valeur pour la production de viande de poulet par exemple, il y a les parentaux qui vont produire les œufs à couver qui représentent un maillon. Il faut incuber les œufs pour produire les poussins d’un jour. C’est un autre maillon. Puis, vient un autre. Celui de l’éleveur, c’est-à-dire, engraisser les poussins pour avoir les poulets de chair. Ensuite, c’est le tour des abattoirs de transformer les poulets en viande. Enfin, il faut que les distributeurs qui sont les gros consommateurs aussi consomment. J’ai décrit les différents maillons, c’est-à-dire la chaîne du bas vers le haut. Mais plutôt la chaîne est tirée vers le haut c’est-à-dire que si le distributeur ou le consommateur ne prend pas la viande de poulet, celui qui élève, incube, fait des parents, tout ce maillon ne va pas vendre. C’est la situation dans laquelle on est. Surtout que les produits importés sont moins chers que ce qui est produit localement. Mais ce n’est pas deux choses à comparer. Ce qui est importé n’a pas la même qualité que ce qui est produit localement chez nous. Qualité nutritionnelle et qualité microbiologique ne sont pas la même chose. On ne peut pas chercher à comparer les deux. Si on compare les deux, c’est une question de la bourse du consommateur.

Après avoir défini tous ces maillons avec le ministère, on s’est posé la question de savoir quelle est l’unité de base pour que celui qui veut produire les œufs à couver, ait une exploitation rentable. Il en a été de même pour les autres maillons. Tout cela a été défini. Mais on nous demande de pouvoir sortir des plans d’affaires. Ce qui, à notre avis, est difficile pour celui qui veut se lancer dans la filière. Ce qui est sûr, le gouvernement à travers le Mécanisme incitatif de financement agricole (MIFA) ou ProMIFA est prêt pour qu’on arrive à inverser la tendance. Ce travail a été également fait ensemble l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA), l’Institut de conseil et d’appui technique (ICAT), le ministère et le CERSA.

Enfin, il faut surtout l’accompagnement politique. Il faut que le gouvernement s’y mette pour qu’on puisse amorcer. Dans tous les cas, si la crise sanitaire dure trois mois ce n’est pas dans trois mois qu’on va inverser la tendance. Plusieurs séances de travail avec le ministère de l’Agriculture nous montrent qu’il y a une volonté politique. Si c’est appliqué, soyez sûrs qu’on va avoir une révolution spectaculaire en matière avicole au Togo.

En six ans d’existence, le centre régional a formé en master et en doctorat. Mais ses actions sont peu visibles sur le terrain. A quoi cela est dû ?

Vous savez, le CERSA est là pour former et pour faire la recherche. Si nous formons les gens compétents et que les opérateurs économiques ne saisissent pas l’opportunité, qu’est-ce que nous allons faire ? Allez au Bénin pour constater nos actions. Au Mali, nous sommes plus visibles qu’au Togo. En Europe, en Belgique et en Gambie nous sommes sollicités. Si tel n’est pas le cas, on ne peut avoir des étudiants de plusieurs nationalités différentes dans notre centre. Si on ne s’approprie pas la filière au Togo, même nous, nos niveaux de connaissance ne vont pas évoluer. Mais ceux qu’on a formés et qui sont retournés chez eux pourraient devenir plus compétents que nous. C’est quand ça bouge, qu’il y a des défis et quand on veut relever le défi, on se forme.

Comment votre centre peut-il contribuer à l’autosuffisance alimentaire

Déjà, le CERSA apporte un soutien par la formation et par la recherche. Nous sommes sollicités au Ghana, au Bénin et dans plusieurs pays d’Afrique et d’Europe. La crise du Covid-19 retarde une commande du Ghana chez nous. Il s’agit des poussins d’un jour. Et c’est encore le centre qui va mettre en place leurs couvoirs. En plus de cela, la plus grande provenderie du Ghana a envoyé des échantillons pour les faire analyser par notre laboratoire. Les Ghanéens sont prêts à travailler avec nous. C’est la crise sanitaire qui a retardé les choses. Nous sommes également sollicités par la France, la Belgique, le Pays-Bas.

Nous sommes là pour donner la connaissance, de l’innovation. Le président du Sasso (Ndrl, le poulet de chair Sasso est reconnu pour être un poulet de chair à croissance rapide pouvant atteindre 2,9 à 3,2 kg en 14 semaines. Son poids peut dépasser les 5 kg. Le poulet de chair Sasso est réputé pour sa bonne viande. Son plumage est blanc parsemé de noir, ses pattes sont jaunes et sa peau blanche) a échangé avec moi et le groupe est intéressé par les croisements que nous faisons. On a toute une gamme de produits de croisements qui intéressent les industries agricoles. Vous voyez, ce sont d’autres qui profitent du CERSA sans le Togo. Et ça nous fait mal. Mais j’ai espoir que la volonté politique va aller grandissant pour l’envol de la filière avicole au Togo.


Propos recueillis par Anani GALLEY


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