COVID-19 en Afrique/Doit-on craindre le pire dans les 6 prochains mois ? La réponse de Dr KODOM Michel dans cette interview

Publié le mardi 16 juin 2020 | Social Infos

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Dr Michel Kodom d`AIMES-Afrique

Un temps préservé par la pandémie de coronavirus, le continent africain est désormais touché par la propagation du Covid-19. Avec ses moyens, le continent fait face à cette pandémie. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint que l’Afrique ne puisse « affronter » la pandémie, les États prennent leurs dispositions. En ce qui les restrictions des déplacements, elles sont levées progressivement. Malheureusement, ceci coïncide avec la hausse du nombre de personnes contaminées. Doit-on craindre le pire dans les 6 prochains mois ? La stratégie des pays africains est-elle la bonne ? Les réponses du Docteur Michel KODOM, Médecin-Interniste, Président-Fondateur de l’Ong internationale AIMES-AFRIQUE dans cette interview accordée à nos confrères de New World.

New World : L’Afrique comptait le vendredi 12 juin 2020, 218 229 cas confirmés de Coronavirus. Faut-il s’en inquiéter ?

DR KODOM : Il faut effectivement s’inquiéter car on note un véritable relâchement dans le respect de mesures barrières et surtout une banalisation de ce dangereux virus dans le subconscient des africains. Tout semble évident pour les africains eu égard aux faibles taux de contamination comparés aux prévisions ou alertes annoncés par les experts médecins de l’OMS et les analystes épidémiologistes surtout « blancs ». Les africains ont eu le sentiment que les prévisions faites étaient plutôt un souhait ou une volonté de voir les africains être décimés! Du coup avec le sentiment de fierté très tôt d’être” invulnérable au virus”, sans qu’une analyse objective des atouts et les risques socio-environnementaux ne soit sérieusement faite. Je m’en voudrais si cela a été fait mais je l’ignore ! Les africains doivent mieux apprendre des erreurs des autres dans cette crise pour mieux s’en sortir.

Il avait fallu 98 jours (3 mois environ) pour que le continent africain recense 100 000 cas de Covid-19, il n’en a fallu que 19 (moins de 3 semaines) de plus pour que ce chiffre double et passe le cap de 200 000; pourquoi une telle accélération de la maladie ?

La réponse se trouve à 50% dans la réponse à la 1ere question à savoir :

– un véritable relâchement dans le respect de mesures barrières

– une banalisation du dangereux virus dans le subconscient des africains…

Et j’ajouterai 2 éléments :

– le déconfinement ou l’assouplissement des mesures “drastiques” édictées par les autorités après l’instauration de l’état d’urgence à savoir : le couvre-feu, la restriction des mouvements (transports routiers…), le nombre de rassemblement autorisé, la réouverture des bars…

– la mauvaise gestion de la communication autour de la COVID-19 sans l’implication des leaders communautaires à la base. Sinon comment comprendre qu’on ferme les écoles et que les enfants se retrouvent sur les terrains de jeux et dans les marchés avec leurs mamans sans masques?

Même si ce bilan n’est pas très élevé comparativement à d’autres régions du monde, faut-il s’attendre au pire?

Il faut tout faire pour éviter le pire qui se profile d’ici novembre-décembre en changeant nos habitudes et surtout que la population se ressaisisse …nous devons vivre ou du moins apprendre à vivre avec le virus. D’où la nécessité de réfléchir très sérieusement pour définir les nouvelles mesures à adopter au quotidien. La particularité ici c’est qu’on doit trouver la solution à l’équation du Corona Virus en phase endémique! Cela veut dire quoi concrètement ? La phase endémique est que le Virus est bien présent dans la communauté (Phase communautaire à décréter mais personne n’ose le dire, il faut le regretter…). A cet instant lorsqu’on va le décréter vous verrez que la population prendra conscience que “toute personne extérieure est un sujet à risque”.

Cinq États seulement regroupent 70% des cas : l’Algérie, l’Égypte, le Nigeria, le Soudan et l’Afrique du Sud. Qu’est-ce qui explique ce contraste ?

C’est très simple, je connais très bien ces 5 pays parce que j’ai eu la chance de les visiter…Ce sont des pays dont les capitales ont une forte densité et les études dans les 54 pays africains touchés montrent que le virus est rentré par la capitale via les vols internationaux. Si on prend quelques exemples : Le Caire sans sa banlieue, compte tenez-vous, bien 23 millions d’habitants le jour et 18 millions la nuit. Lagos également a18 millions, Johannesbourg et Alger comptent pratiquement 7 millions chacun et Karthoum un peu plus bas avec environ 4 millions avec sa banlieue. A cela, lorsqu’on voit la promiscuité et la pauvreté de la population, on comprend facilement pourquoi c’est extrêmement difficile de contenir la propagation du Corona Virus à la lumière de son mode de contamination.

Certains pays se sont-ils trompés dans la stratégie de riposte ?

Oui, certains pays comme le Burundi….mais d’autres non comme le Liberia, le Lesotho…Mais pour être honnête, le Corona Virus a surpris tout le monde. Si les puissances mondiales telles que la France, les USA, le Brésil etc, se sont trompées, il faut beaucoup de modestie dans nos analyses. En Afrique l’équation est encore plus difficile à résoudre et le nœud du problème se situe au niveau de la précarité, la pauvreté de la population avec un système économique reposant à plus de 80% sur le secteur informel. Donc la population vit au jour le jour; par conséquent, il est difficile d’imposer des mesures drastiques de confinement.

La stratégie togolaise est-elle payante ?

Selon l’analyse et le rapport produits par la Commission santé de la coalition des Organisations de la société civile (OSC) du Togo dans le cadre de la riposte à la Covid-19 en date du 14 avril 2020, la stratégie togolaise a payé à 60%. Mais en observant le comportement de la population ces 3 dernières semaines, si rien n’est fait, nous devons-nous attendre au pire dans les 3 voire les 6 prochains mois. Je préfère être réaliste que trop optimiste pour endormir la population.

L’accélération de la pandémie vient avec la levée progressive des mesures restrictives ; comment comprendre ce choix?

C’est simple, il y a 3 raisons majeures:

– les gouvernements africains (francophones) suivent malheureusement l’agenda des européens (surtout la France)

– les gouvernements ne peuvent plus tenir face à l’effondrement économique pour satisfaire des besoins essentiels qui relèvent de la souveraineté ou de la responsabilité régalienne de l’État

– l’instinct de survie…la vie doit continuer car après tout en dépit du fait qu’il n’y a pas encore de traitement spécifique, le taux de mortalité reste encore faible.

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