La procédure judiciaire, engagée depuis décembre 2018, devant la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) par sept organisations de la société civile et une journaliste bloggeuse, a connu son épilogue ce 25 juin 2020 à Abuja (Nigeria, siège de l’institution communautaire).
La juridiction sous-régionale fait ainsi droit aux organisations de la société civile demanderesses dans leur volonté de «voir l’Etat togolais être condamné pour violation de la liberté d’expression, un droit fondamental reconnu à tous». En septembre 2017, les Togolais avaient été privés d’accès à Internet pour cause de manifestations publiques d’envergure historique qui ont ébranlé le pouvoir togolais. Celles-ci avaient lieu à l’appel de plusieurs partis politiques, notamment le PNP (Parti National Panafricain (de Tikpi Atchadam) et de celui du principal parti de l’opposition d’antan, l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement) de Jean-Pierre Fabre.
Cette plainte précitée avait été introduite en décembre 2018, en attendant l’évaluation des préjudices économiques occasionnés par une coupure volontaire d’Internet décidée et exécutée par les autorités togolaises. L’institution judiciaire de la CEDEAO a jugé que «la restriction de l’accès à Internet opérée du 05 au 10 septembre, et de nouveau du 19 au 21 octobre 2017, était non fondée par la loi, et constituait une violation de la liberté d’expression».
Pour les parties requérantes qui s’alignent sur les mots de Marceau Sivieude (Directeur régional adjoint pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International), cette décision de la Cour est une «victoire très importante pour les droits humains». Ces OSC estiment également qu’à travers cette décision, la Cour de justice de la CEDEAO voudrait adresser un message aux autres Etats de la régions qui ont recours à des coupures d’internet lors des élections ou des manifestations pour museler les voix dissidentes.
Commentant la décision communautaire autour de cette restriction d’accès à Internet, le directeur d’Amnesty International, section Togo, Dr Aimé Addi, estime qu’au-delà du musellement des partis protestataires, ces coupures ont empêché plusieurs citoyens d’exprimer leur opinion et de surcroît, ont empiété sur le bon déroulement de leurs activités économiques. Il a aussi relevé un effet très néfaste que cette coupure a engendré dans le fonctionnement des ONG militant dans la défense des droits humains. «Cette coupure a empêché la société civile de s’organiser pour les manifestations, de s’exprimer et d’informer sur la mobilisation (ndlr : populaire qui était en cours dans le pays)», énumère ce juriste. En plus des deux millions de francs symboliques que l’Etat togolais devra verser à chaque requérant dans cette affaire, la Cour lui enjoint de prendre toutes les mesures nécessaires de non répétition tout en garantissant le droit à la liberté d’expression, conformément à ses obligations en matière des droits humains.