L’ancien chef d’Etat ivoirien, aujourd’hui opposant, déplore la timidité de Paris, alors que plusieurs ténors politiques sont en passe d’être éliminés de la course à la présidentielle du 31 octobre et que des violences ont éclaté.
A moins de deux mois de l’élection présidentielle prévue pour le 31 octobre, la Côte d’Ivoire inquiète à nouveau. Des violences ont déjà éclaté en plusieurs points du pays alors que la candidature à un troisième mandat d’Alassane Ouattara divise et que des personnalités d’envergure, comme l’ancien président Laurent Gbagbo ou l’ex-premier ministre Guillaume Soro, ne devraient pas être autorisées à se présenter.
Dans ce contexte, l’ancien président Henri Konan Bédié apparaît comme le principal candidat de l’opposition. Mais que poursuit, à 86 ans, « HKB » qui a dirigé le pays avant d’être renversé en 1999, qui s’est allié avec Alassane Ouattara avant de rompre sèchement avec lui ?
La Côte d’Ivoire se dirige-t-elle selon vous vers une élection libre et apaisée ?
Compte tenu du passé récent, la violence n’est pas à exclure. La Commission électorale indépendante (CEI) n’étant pas indépendante, nous nous dirigeons vers une élection contestable et non apaisée. La faute de ces violences revient au pouvoir, qui est le seul détenteur de la violence d’Etat, l’opposition n’ayant pas d’armes.
Que demandez-vous aujourd’hui ? Un report du scrutin, une disqualification du président Ouattara, dont vous estimez la candidature illégale ?
Alassane Ouattara viole la Constitution en se présentant pour un troisième mandat. Sa candidature est illégale et tout le monde le sait. L’opposition s’en indigne et manifeste bruyamment. Pour le moment, nous faisons en sorte que l’élection se tienne à la date prévue. Nous savons que le temps presse pour que la CEI soit mise aux normes internationales et en conformité avec l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme. Mais s’il y a une bonne volonté de la part du régime en place, un dialogue suivi nous permettra d’y arriver.
Est-ce que l’élimination très probable de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro de la course ne fait pas vos affaires ? Cela fait de vous le principal candidat de l’opposition…
Non, nous ne tirons pas bénéfice de cette élimination, qui s’inscrit dans le souhait du président Ouattara d’être le candidat unique de cette élection. Dans l’opposition, au contraire, nous avons souhaité que M. Soro et le président Gbagbo ainsi que tous les candidats qui le souhaitent se présentent.
Vous êtes en contact régulier avec Laurent Gbagbo, toujours en exil à Bruxelles. Souhaite-t-il rentrer comme un simple citoyen ou concourir à la présidentielle ?
Il souhaite rentrer comme un simple citoyen de Côte d’Ivoire et concourir à l’élection présidentielle. Ses représentants ont d’ailleurs déposé son dossier de candidature en son nom.
Quels mots attendez-vous d’Emmanuel Macron, qui devrait prochainement rencontrer le président Ouattara ?
J’ai informé par écrit le président Macron de la situation en Côte d’Ivoire. Dans ce document, il constatera que l’état des lieux est des plus inquiétants. La violence sévit au pays, le droit constitutionnel de manifester est dénié au peuple de Côte d’Ivoire, des emprisonnements arbitraires se produisent chaque jour et des élus sont jetés en prison sans tenir compte de leur immunité parlementaire.
Avec une situation aussi dégradée, on s’achemine vers des troubles importants. La crise préélectorale peut déboucher sur une guerre civile sans précédent. Jusqu’à présent, nous n’avons pas constaté de prise de position ferme de la France pour contribuer à écarter le danger.
Que ferez-vous si, au soir de l’élection, vous estimez avoir gagné mais que les résultats proclamés sont en votre défaveur ?
Nous nous battrons pour que notre victoire ne nous soit pas volée et nous ferons tout pour la faire prévaloir.