La pandémie de Covid-19 a un impact considérable sur le marché du travail dans le monde et entraîne des pertes imposantes sur les revenus du travail, a affirmé mercredi l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui estime les pertes sur six mois à l’équivalent de 495 millions d’emplois directs à temps plein.
Selon cette nouvelle étude de l’OIT sur l’impact de la Covid-19, les revenus du travail ont baissé de plus de 10% de janvier à mars sur un an. Le document révèle ainsi une baisse « massive » des revenus du travail et des « fossés » en matière de relance budgétaire qui menacent d’accroître l’inégalité entre les pays riches et les pays pauvres.
L’OIT indique que les pertes globales en heures travaillées pendant les neuf premiers mois de l’année 2020 ont été « considérablement plus importantes » qu’estimées dans l’édition précédente de l’Observatoire (publiée le 30 juin). Par exemple, l’estimation révisée des heures de travail perdues au deuxième trimestre de cette année équivaut à 495 millions d’emplois directs à temps plein (ETP).
Dans sa précédente évaluation fin juin, l’agence onusienne basée à Genève avait estimé les pertes à 400 millions d’équivalents plein temps de janvier à juin pour une semaine de 48 heures. Le recul atteint près de 18% par rapport à la fin de l’année dernière.
Une baisse de l’emploi due à l’inactivité plutôt qu’au chômage
D’une manière générale, l’agence onusienne note que les pertes globales en heures travaillées pendant les neuf premiers mois de l’année 2020 ont été « considérablement plus importantes » qu’estimées dans l’édition précédente de l’Observatoire (publiée le 30 juin).
«Tout comme nous devons redoubler nos efforts pour vaincre le virus, nous devons agir de manière urgente et à grande échelle afin de surmonter ses conséquences économiques et sociales ainsi qu’en matière d’emploi. Cela veut dire apporter un soutien durable s’appliquant aux emplois, aux entreprises et aux revenus », a d’ailleurs mis en garde Guy Ryder, Directeur général de l’OIT, cité dans le communiqué de presse.
Pour la période de juillet à septembre, les pertes en heures travaillées devraient diminuer à 345 millions. Mais l’OIT s’attend à une dégradation pour la fin de l’année par rapport à sa précédente anticipation, tout en relevant que les pertes depuis le début de la pandémie sont davantage liées à l’inactivité qu’au chômage.
Par ailleurs, les perspectives pour le 4e trimestre ont connu « une dégradation significative ». Le recul sur un an devrait alors atteindre plus de 8%, soit près de 250 millions d’emplois, au lieu des près de 5% prévus. Mais en cas de nouveau confinement, il pourrait même s’établir à 18%. La reprise pourrait être plus longue que prévue, selon un responsable de l’OIT.
La pandémie a aggravé la précarité des travailleurs des pays en développement
Plus largement, l’OIT estime que les revenus du travail dans le monde ont baissé de janvier en mars de 3.500 milliards de dollars par rapport à la même période l’année dernière. Ce qui constitue un recul « sans précédent ». Ces chiffres excluent les dispositifs de soutien lancés par les gouvernements pour assister les entreprises et les travailleurs.
La chute la plus importante concerne les pays à revenu intermédiaire inférieur, dans lesquels les pertes en revenus du travail ont atteint plus de 15%. Mais le continent américain reste la région du monde la plus touchée, avec plus de 12%.
Pour l’agence onusienne basée à Genève, l’une des raisons qui explique ces augmentations estimées des pertes en heures travaillées réside dans le fait que, dans les pays en développement et dans les pays émergents, les travailleurs ont été beaucoup plus touchés que par les crises précédentes, notamment les personnes évoluant dans l’économie informelle.
L’autre enseignement du rapport sur l’impact des mesures de confinement, avec des différences sont importantes entre les régions. Près de 95% des travailleurs vivent dans des zones où des restrictions sont toujours appliquées. Dans le même temps, 32% se trouvent dans des pays où tous les lieux de travail sont fermés sauf ceux considérés comme essentiels face à la pandémie.
Le «fossé de la relance budgétaire»
Sur un autre plan, même si les mesures de relance budgétaire ont joué un rôle significatif pour soutenir l’activité économique et réduire la baisse des heures de travail, elles ont surtout été mises en œuvre dans les pays à revenu élevé, en raison du fait que les économies émergentes et en développement ne disposent que de capacités limitées pour financer de telles mesures.
Pour que les pays en développement puissent atteindre le même ratio en matière de relance par rapport aux heures de travail perdues que dans les pays à revenu élevé, il faudrait qu’ils puissent injecter 982 milliards de dollars américain en complément.
Il s’agit de 45 milliards de dollars dans les pays à faible revenu et 937 milliards de dollars dans les pays à revenu intermédiaire inférieur. « Les besoins en matière budgétaire pour les pays à faible revenu s’élèvent à moins de 1% de la valeur totale des plans de relance budgétaire annoncés dans les pays à revenu élevé», rappelle l’OIT.
Dans tous les cas, cet immense « fossé de la relance budgétaire » constitue une source d’inquiétude encore plus grande en raison notamment du déficit dans le domaine de la protection sociale dans de nombreux pays en développement.
«Au moment où l’Assemblée générale des Nations Unies se réunit à New York, il est urgent pour la communauté internationale de définir une stratégie globale pour enclencher la relance à travers la coopération et la solidarité. Aucun groupe, aucun pays, aucune région du monde ne peut vaincre cette crise individuellement », a conclu Guy Ryder.