La crise du coronavirus a fait chuter les investissements étrangers directs (IED) de 49% au premier semestre 2020 par rapport à la même période il y a un an et sont en passe de chuter jusqu’à 40% pour l’année, poussés aussi par la crainte d’une profonde récession mondiale, a annoncé mardi la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED).
Selon cette agence onusienne basée à Genève, toutes les principales formes d’investissement étranger, qui vont du financement des infrastructures aux fusions et acquisitions, ont été globalement touchées. Elle souligne que les confinements et la perspective d’une profonde récession mondiale ont considérablement réduit les IED.
«Les flux mondiaux d’IED (à l’exclusion des centres financiers offshore des Caraïbes) au cours du premier semestre 2020 ont été soumis à une forte pression en raison de la pandémie de Covid-19 », relève le rapport.
D'après la CNUCED, ces investissements transfrontaliers ont atteint un montant estimé à 399 milliards de dollars, soit 49% de moins qu’en 2019. L’agence onusienne justifie une telle baisse par « les fermetures d’usines dans le monde entier, qui ont obligé les entreprises à retarder les projets d’investissement existants et à reporter les investissements non essentiels pour préserver les réserves de liquidités».
La chute la plus importante dans les économies développées
«Les flux mondiaux d’IED pour le premier semestre de cette année ont diminué de près de moitié... C’était plus drastique que ce que nous avions prévu pour l’ensemble de l’année », a d’ailleurs admis le Directeur de la Division de l’investissement et des entreprises à la CNUCED, James Zhan, lors d’une conférence de presse à Genève.
Pour la CNUCED, la situation dans les pays développés illustre cette inquiétude. En effet, au cours du premier semestre, les économies développées ont enregistré la chute la plus importante des IED, s’effondrant de 75% dans les pays riches, à 98 milliards de dollars, un niveau jamais atteint depuis 1994. Les flux d’IED vers l’Amérique du Nord ont ainsi chuté de 56% au cours de cette même période, pour atteindre 68 milliards de dollars.
A ce sujet, les IED vers les États-Unis ont diminué de plus de moitié (-61 %) pour atteindre 51 milliards de dollars. Les investissements des multinationales de l’UE aux États-Unis ont diminué de 53% et les multinationales des pays en développement ont réduit leurs investissements de 31 milliards de dollars à 2 milliards de dollars.
Pourtant malgré la crise provoquée par la pandémie, quelques pays ont enregistré une augmentation des flux d’IED. Les flux d’IED vers l’Irlande ont atteint 75 milliards de dollars avec un bond de 65 milliards de dollars en capitaux propres au deuxième trimestre de 2020. Les investissements transfrontaliers vers l’Allemagne ont aussi augmenté de 15% pour atteindre 21 milliards de dollars.
Des signes de reprises en Asie de l’Est
Par ailleurs, les flux d’IED vers les économies en développement ont en revanche diminué moins que prévu (-16%), a indiqué la Cnuced. Par région, ils ont reculé de 28% vers l’Afrique, de 25% vers l’Amérique latine et les Caraïbes, et de 12% vers l’Asie, principalement en raison de la résistance des investissements vers la Chine. Pour M. Zhan, «les flux vers les économies en développement devraient se stabiliser, l’Asie de l’Est montrant des signes de reprise».
Selon l’agence onusienne, les IED en Asie de l’Est sont d’ailleurs restés stables, à 125 milliards de dollars. Cela s’explique en grande partie par une augmentation de 22% des flux (y compris les flux des conduits) vers Hong Kong, en Chine.
Les flux d’IED vers la Chine se sont également avérés relativement résistants. Au cours du premier semestre 2020, les flux vers la Chine ont atteint 76 milliards de dollars, soit une baisse de 4%. Sur le continent africain, les investissements transfrontaliers ont juste atteint 16 milliards de dollars au cours du premier semestre de cette année.
En Afrique du Nord, par exemple, les flux entrants vers l’Égypte ont diminué de 57%, pour atteindre 1,9 milliard de dollars au premier semestre 2020. Le total des entrées d’IED en Afrique du Nord a diminué de 44% pour atteindre 3,8 milliards de dollars au cours du premier semestre de l’année.
À contre-courant, les flux d’IED vers le Maroc ont augmenté de 6% pour atteindre 0,8 milliard de dollars, en raison d’un profil d’investissement relativement diversifié.
Une baisse « modérée » en 2021, de 5 à 10%
Les flux d’IED vers l’Afrique subsaharienne ont diminué de 21% pour atteindre un montant estimé à 12 milliards de dollars.
Les flux entrants vers le Nigeria ont chuté de 29% pour atteindre 1,2 milliard de dollars, la mise en œuvre des projets en cours ayant été ralentie par la fermeture de sites dans l’industrie pétrolière et gazière. Les investissements vers l’Éthiopie ont été relativement stables, ne diminuant que de 12% pour atteindre 1,1 milliard de dollars.
La Chine reste la principale source d’IED pour Addis Abeba, avec un quart des nouveaux projets approuvés cette année.
Contrairement à la tendance, les flux d’IED vers l’Afrique du Sud ont augmenté de 24 % pour atteindre 2,9 milliards de dollars. Toutefois, cette augmentation est due en grande partie à des transferts intra-entreprises de sociétés étrangères vers leurs filiales dans le pays plutôt qu’à des projets d’investissement en terrain vierge. En mars 2020, le gouvernement sud-africain a approuvé l’accord de PepsiCo (États-Unis) pour l’acquisition de « Pioneer Foods » pour un montant de 1,8 milliard de dollars, l’un des plus importants investissements étrangers de PepsiCo.
Plus largement, la chute des IED devrait ralentir au second semestre, donnant lieu à une baisse annuelle de 30 à 40% sur l’ensemble de l’année. Le taux de déclin dans les économies développées devrait s’aplatir car certaines activités d’investissement semblent reprendre au troisième trimestre. Les flux vers les économies en développement devraient se stabiliser, l’Asie de l’Est montrant des signes de reprise imminente.
D’une manière générale, les perspectives restent très incertaines, en fonction de la durée de la crise sanitaire et de l’efficacité des interventions politiques visant à atténuer les effets économiques de la pandémie. Les risques géopolitiques continuent également d’ajouter à l’incertitude.
Globalement, l’agence onusienne table sur une baisse « modérée » des IED en 2021, de 5 à 10 %.