Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Necrologie
Article
Necrologie

Tribune libre/«Giscard, la modernité à la barre», l’hommage de Jean-Pierre Raffarin

Publié le lundi 7 decembre 2020  |  L’Opinion
Européen
© Autre presse par DR
Européen convaincu, habile politicien et homme de lettres, Valéry Giscard d`Estaing aura incontestablement marqué l`histoire politique française.
Comment


La dominante des réformes du quinquennat de Valéry Giscard Estaing a concerné la modernisation de la société, projet que les giscardiens qualifiaient fièrement de « ​société libérale avancée », rappelle l’ancien Premier ministre.



«Giscard à la barre ! » Le ton était donné. Le changement s’annonçait. Le candidat-ministre avait construit son parcours pour acquérir l’expérience nécessaire à son projet. Il était né pour être Président. Il dira à François Mitterrand à la télévision, au fond des yeux: « Vous avez été onze fois ministre, j’ai été onze ans ministre des Finances».

Valery Giscard d’Estaing avait tous les titres qui plaisaient aux parents des Jeunes giscardiens : Polytechnique, ENA, Inspection des finances, Ministre du général de Gaulle, maire de Chamalières... Cette belle nature a rencontré sa saison, l’automne, celui du gaullisme. De Gaulle, au pouvoir, avait vieilli, le système commençait à s’affaiblir, se diviser, et la maladie de l’héritier bien-aimé, le président Pompidou, annonçait un épuisement. Giscard promut le printemps, et la jeunesse qui l’accompagne. Ce fut la campagne de la jeunesse, celle du candidat mais aussi celle de son public. Militants de cette campagne, nous gardons en mémoire cette « ballade des gens heureux».

Père de quatre enfants, le candidat afficha sa famille. Elle ne ressemblait pas à toutes les familles de France mais elle était belle à voir. La victoire fut belle. Elle rassembla ceux pour qui « tout paraissait possible », ceux pour qui Michel Poniatowski avait écrit Les choix de l’espoir, et ceux aussi qui avaient peur de l’aventure mitterrandienne.

Pour de nombreux jeunes, le mouvement allait faire bouger une société plutôt immobile. Un fort vent d’ouest soufflait sur la France. Le Défi américain – comme l’avait titré Jean-Jacques Servan-Schreiber – promettait innovation, initiative, imagination. Parce qu’il savait jusqu’où ne pas aller trop loin, Giscard incarnait la réforme sans bouleversement. En langage de l’époque, « le changement dans la continuité».


A l’Elysee, Giscard a fait entrer par la grande porte la jeunesse et la modernité. Génération sociale et libérale (GSL), le mouvement des Jeunes giscardiens, était sous le charme. Les convictions avaient rendez-vous avec les responsabilités. Un jeune Premier ministre – Jacques Chirac – à Matignon, dont certains, peu nombreux, doutaient déjà ; un jeune secrétaire d’Etat (autonome!) pour les étudiants, Jean-Pierre Soisson ; et deux coachs pour encadrer les jeunes du Président, « Ponia » pour la politique et Jean-François Deniau pour tout le reste. Pour GSL, le bureau du secrétaire général de l’Elysee, Jean Francois-Poncet, était accueillant et bienveillant.

Le casting gouvernemental était très largement renouvelé. La politique nous paraissait belle. Les jeunes étaient prêts pour leur première conquête : le droit de vote à 18 ans. La modernité commençait par une promesse tenue !
La réforme, dès le début, s’affirma comme le moteur de ceux qui s’étaient définis durant la campagne comme « centristes, libéraux et européens ». Et comme la modernité consistait à mettre en cohérence la pensée et l’action, Giscard, en cours de mandat, va écrire un livre traçant son dessein, Démocratie française, une société de participation et de communication. L’idée puissante est celle du « grand groupe central » qui réunit les Français plutôt que de laisser la société se fracturer et les affrontements se multiplier. Le message reste pertinent.

«Société libérale avancée ». Giscardisme et modernité vont progresser ensemble dans la société française. Avec le concours de ministres audacieux et courageux, au premier rang desquels Simone Veil mais aussi Jean Lecanuet, Michel d’Ornano, André Giraud, René Monory, Christian Bonnet, Monique Pelletier, Lionel Stoleru...

De grandes réformes ont été engagées telles que l’interruption volontaire de grossesse, la liberté des prix, le minimum vieillesse, le système monétaire européen, l’élection du parlement de Strasbourg au suffrage universel, la création du collège unique, la saisine du Conseil constitutionnel. La dominante des réformes du quinquennat de Valéry Giscard Estaing a concerné la modernisation de la société, projet que les giscardiens qualifiaient fièrement de «société libérale avancée». Ainsi Giscard a-t-il gagné aux yeux des Français l’heureux qualitatif de président «réformateur».

Avant Emmanuel Macron, le candidat Giscard d’Estaing avait démontré qu’on pouvait gagner une élection sans un parti puissant. Les Républicains indépendants, les clubs Perspectives et réalités et les Jeunes giscardiens constituaient en réalité des effectifs clairsemés. Mais le président Giscard d’Estaing, lui, a compris très vite qu’il ne pouvait pas gouverner sans parti.

Surtout après l’échec des cantonales de 1976, le départ du Premier ministre et la relance du parti gaulliste : la vie politique nationale était devenue beaucoup plus tendue. Pour préparer les législatives de 1978, le camp au pouvoir rassembla ses forces en créant le Parti républicain puis, en réunissant les centres, fonda l’Union pour la démocratie française (UDF), l’alter ego du RPR.

La modernité de cette famille apparut rapidement par l’émergence d’une jeune génération de députés, parmi lesquels François Léotard, Gérard Longuet, Alain Madelin, Jean-Claude Gaudin, Charles Millon. Jeunes députés, Jeunes giscardiens et jeunes élus locaux, il fallait coacher toutes ces turbulences : la tâche fut confiée à Michel Poniatowski, Jean Lecanuet et au tandem Roger Chinaud-Jacques Dominati, duo parisien sévère mais attachant.

«Avez-vous peur de Pasqua ? » Bien que, par fonction, le Président chercha, comme tous les présidents, à dépasser les clivages partisans, il fut obligé de préparer la bataille de 1981 sous la pression des assauts du RPR. Giscard réunissait régulièrement ses troupes, une question récurrente permettait de sélectionner les âmes combatives : « Avez-vous peur de Charles Pasqua ? » Le destin s’ouvrait aux Bayard.

L’école politique de Giscard était rigoureuse. Quand il donnait la parole, il fallait être clair, rapide et déterminé. Expert en pensée giscardienne, Dominique Bussereau, le président des Jeunes giscardiens, a ainsi formé et fait émerger une génération politique que l’on a retrouvée vingt ans après dans plusieurs gouvernements, dans les préfectures et les rectorats, à la tête de communes, de départements ou de régions.

Le 10 mai 1981 à 20 heures, un orage d’une rare violence s’est abattu sur Paris. Mitterrand entrait à grand bruit dans l’histoire. Giscard nous a dit solennellement « Au Revoir », il avait le cœur gros, ses amis aussi, comme aujourd’hui. Nous avions tous, comme Roger Chinaud, « mal à la France ». La cicatrice des relations avec Chirac va rester vive.

Pourtant VGE n’a pas quitté la politique bien longtemps. En janvier 1982, au lendemain de quatre législatives partielles perdues par les socialistes, Giscard revient chez Jean-Pierre Elkabbach à Europe 1 et lance une de ses phrases à la fois très travaillées et très simples : « Le socialisme, ça ne marche pas ». Les grands professionnels de la communication le répètent : « La simplicité, c’est un travail ». Le Président à qui certains prêtaient une vision monarchique du pouvoir décida de repartir en Auvergne, au bas de l’échelle, et devint conseiller général.

Toujours moderne, il reconstruisit un parcours qui, pour tout autre, aurait été un grand succès : président de région et de l’Association des régions de France, député européen et président du groupe libéral à Strasbourg, député à l’Assemblée nationale et président de la commission des affaires étrangères. Tout cela pouvait conduire à un retour à l’Elysee. Une conviction était forte chez Valéry Giscard d’Estaing : dans un mano a mano, il battrait Chirac. Tout était prêt pour l’affrontement.

« Principe de la dernière haine ». C’était sans compter avec le troisième homme de la campagne de 1995, Edouard Balladur. Dans son combat contre Jacques Chirac, le Premier ministre s’est replié sur les terres de l’UDF au point de mener une OPA sur les ressources, notamment humaines, du centre. Léotard, Bayrou, Veil et plusieurs autres rejoignirent Pasqua chez Balladur. Les giscardiens se sentirent dépossédés. Giscard a attendu le dernier moment pour renoncer. Et selon « le principe de la dernière haine », giscardiens et chiraquiens se sont consolés ensemble de l’aventure balladurienne. Au point, pour les premiers, de soutenir Jacques Chirac à la présidentielle de 1995.

Ainsi, je suis entré dans un gouvernement chiraquien, grâce à une passe décisive de Giscard à Chirac – il est vrai que l’équipe en question était dirigée par le plus giscardiens des chiraquiens, Alain Juppé. Pendant que nous nous occupions de la « fracture sociale », les talents de Giscard continuaient à être largement reconnus, à la Convention des institutions européennes comme à l’Académie Française.

Le président Giscard d’Estaing a accueilli ma nomination à Matignon avec bienveillance. En me qualifiant de «Pompidou Poitevin», il avait cependant forcé le trait. Il m’avait, dès le début, confié les idées qui lui paraissaient importantes pour la France, insistant particulièrement sur l’exigence de la décentralisation. Il y avait ajouté quelques messages personnels relatifs au «milieu politique»...












... suite de l'article sur Autre presse

Commentaires