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[Tribune] Crise à la CAF : l’Afrique doit s’en prendre à elle-même, pas à la Fifa

Publié le mercredi 3 fevrier 2021  |  Jeune Afrique
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© aLome.com par Edem Gadegbeku & Dodo Abalo
L`édition 2019 de la `Nuit du football africain` inaugure la tenue d`un panel devant dorénavant marquer l`évènement
Lomé, le 27 juillet 2019. Address Hotel 02 Février. La 6è Edition de la `Nuit du football africain` est marquée par l`inauguration de la tenue d`un panel qui va dorénavant marquer cet évènement sportif. "Le sport, vecteur de développement en Afrique" était le thème au coeur du panel 2019. Il a été animé par Jean-Marc Adjovi-Boco, Samba Bathily et Joseph-Antoine Bell. Joseph-Antoine Bell
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Par Joseph Antoine Bell, Ancien footballeur professionnel franco-camerounais, ex-gardien de but des Lions indomptables


Si la Fifa intervient dans les scandales qui éclaboussent la CAF, c’est d’abord parce que les Africains ne parviennent pas à gérer leurs propres affaires. Et discréditent ainsi l’ensemble du continent.

Il faut être sourd pour n’avoir pas entendu parler, ces derniers jours, des rebondissements – ou devrais-je dire des scandales – dont se nourrit la campagne pour l’élection, le 12 mars, du président de la Confédération africaine de football (CAF).
Le Tribunal arbitral du sport vient de rétablir dans ses fonctions de président le sortant Ahmad Ahmad, mettant ainsi fin à la suspension de cinq ans de toute activité liée au football que lui avait infligée la Fifa pour des malversations financières présumées. Quarante-huit heures auparavant, précisément à cause de cette sanction, la candidature du Malgache à sa propre succession avait été jugée irrecevable par la commission de gouvernance de la CAF mais d’abord et surtout par… la Fifa.


Face à l’intervention de la Fifa, deux attitudes sont envisageables. On peut crier au paternalisme, car elle resserre son étreinte sur la CAF en la plaçant, de fait, sous tutelle. En effet, comment expliquer que cette instance censée être autonome, avec une commission de gouvernance chargée d’évaluer les candidatures, laisse la Fifa décider à sa place, sans aucune considération pour ses prérogatives, vidant ainsi ladite commission de toute sa substance ?

On peut aussi interroger la capacité des Africains à gérer leur football. En réalité, il importe surtout de savoir comment on en est arrivé là. Car ce qui se passe à la CAF n’a d’équivalent dans aucune autre confédération. Mais, il faut bien l’admettre, les Africains ont leur part de responsabilité. Si vous manquez de dignité, les autres vous manqueront de respect…

Plus opportunistes que convaincus

L’arrivée d’Ahmad Ahmad avait semblé marquer la fin de l’opacité dans la gestion de la CAF. On avait même parié sur l’émergence, dans cet environnement, d’un concept jusqu’alors inconnu, celui de « bonne gouvernance ». Pari risqué : façonnés dans le même moule que leurs prédécesseurs, les hommes censés incarner ce renouveau ont conservé les habitudes du passé. Et prôné un changement aux allures de slogan de campagne, d’ailleurs emprunté à la Fifa, qui, elle-même, n’avait pas réalisé sa mue de son plein gré mais sous la pression de la justice américaine.

La CAF n’a pas choisi non plus d’adhérer à un quelconque nouvel ordre. Celui-ci lui a été imposé sans qu’elle s’en saisisse pour évoluer. Pour preuve, ses chevaliers blancs, plus opportunistes qu’acteurs convaincus, se sont juste employés à crédibiliser leur campagne électorale. Eux qui avaient mis en avant l’exigence de transparence pour évincer Issa Hayatou auraient pourtant dû s’attendre à rendre des comptes.

Longtemps, les présidents de la CAF comme ceux des différentes fédérations ont été perçus comme les propriétaires des instances sportives qu’ils dirigeaient. Hissés sur un piédestal, voire déifiés par les membres mêmes, ils étaient considérés comme incapables d’entendre la moindre voix discordante, la moindre proposition. Isolés de fait, ils sont devenus des potentats redoutés et ont pris, seuls, les décisions les plus contestables. C’est précisément du fait de leur incapacité à suivre les règles que se sont produits, à répétition, tant de scandales.

De même qu’en politique certains pays sont aujourd’hui pointés du doigt pour leur déficit de liberté – ce qui, il y a peu, était la norme –, l’idée de transparence, de strict respect des règles dans un monde qui se judiciarise, s’impose dans les esprits. Et la gestion précédemment peu orthodoxe et opaque de la CAF, à l’image d’un continent rompu aux petits arrangements, n’est plus acceptée. Tous ceux qui ont fait semblant de l’ignorer en paient aujourd’hui le prix.

Une incapacité à se prendre en main

La Fifa aurait-elle dû s’abstenir d’intervenir ? Il est peu souhaitable que la justice ait à faire irruption dans la sphère privée. La seule manière pour la CAF de l’éviter est de se montrer irréprochable, organisée et de porter à sa tête un chef consensuel. La Fifa ne s’invite pas à la CAF, ce sont les Africains qui l’y convient. Au vu du chaos qui y règne, elle finit par y faire ce qu’elle ne se permettrait nulle part ailleurs.

Dans un autre registre, c’est parce que nos autorités politiques osent l’indicible que l’ONU nous envoie ses forces. L’Italie change de Premier ministre tous les six mois. Lorsque la coalition au pouvoir ne s’entend plus, on dissout le gouvernement. Les Italiens sont ordonnés dans leur désordre. Si nous pouvions faire de même, notre linge sale serait lavé en famille.

Je n’en veux donc pas à la Fifa mais aux Africains, qui ne parviennent pas à gérer leurs propres affaires. Ils jettent l’anathème sur l’ensemble du continent, le discréditent, le fragilisent et freinent son évolution. Ce discrédit rejaillit sur la perception que les autres ont de nos États. Bien plus que sur le développement du football, la tutelle de la Fifa a des répercussions négatives sur l’Africain, dans son être même. Le football doit être un vecteur d’éducation et de communication. Or c’est par le football que les Africains sont infantilisés : à travers ce sport, on les place face à leurs insuffisances, à leur incapacité à se prendre en main.
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