Le président de la Banque africaine de développement, Dr Akinwumi A. Adesina, a lancé, le 12 mars à Abidjan, un appel en faveur de la justice vaccinale pour l’Afrique.
À l’occasion de la présentation des Perspectives économiques en Afrique 2021, rapport phare de la Banque, Akinwumi A. Adesina a dénoncé le manque de vaccins anti-Covid-19, dont le continent a besoin. «Il nous faut une solidarité mondiale et une justice vaccinale pour l’Afrique», a déclaré le président de la principale institution de financement du développement en Afrique.
Il a dénoncé les profondes disparités entre les pays riches, qui ont acquis suffisamment de vaccins pour en administrer deux doses à leurs populations, et les pays africains, dépendants en premier lieu de l’initiative COVAX mise en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avec de très faibles quantités de vaccins obtenues à ce jour.
Le président Adesina s’est également exprimé le même jour dans l’émission «First Move» animée par Julia Chatterley sur CNN International : «À ce jour, 14,6 millions de vaccins ont été livrés en Afrique, mais beaucoup de gens ne peuvent toujours pas se faire vacciner. Les quantités reçues ne représentent que 1% des besoins.
Nous sommes encore bien loin de la cible des 60 % à atteindre pour une immunité collective. À moins que la situation n’évolue, je ne vois malheureusement pas comment, au rythme actuel, nous pourrions parvenir à un tel résultat avant un ou deux ans».
«Nous devons donc améliorer l’accès de l’Afrique aux vaccins. Le COVAX fait un excellent travail, malgré tout, nous avons besoin d’en bénéficier davantage. Nous avons besoin de ces vaccins en quantités suffisantes. Nous en avons besoin rapidement et à un prix abordable», a appelé Akiwumi A. Adesina.
L’acquisition de vaccins a des implications importantes pour les pays africains. «Pour l’Afrique, l’acquisition rapide de vaccins est une question de vie ou de mort. Comme ailleurs, la première priorité de l’Afrique est de prolonger la vie et de préserver les emplois», a-t-il souligné au cours d’un débat organisé pour le lancement des Perspectives économiques en Afrique 2021, auquel participait le professeur Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001.
Pour Joseph Stiglitz et Akinwumi Adesina, la lenteur des livraisons de vaccins et l’évolution de la pandémie rendront difficile la réduction de l’extrême pauvreté et maintiendront la croissance économique en territoire négatif. Ils ont admis qu’un plan exhaustif global serait nécessaire pour aider les pays à faire face à une dette croissante, aggravée par la pandémie.
Selon le rapport Perspectives économiques en Afrique 2021, le PIB continental devrait croître de 3,1 % en 2021. Cependant, 39 millions d’Africains pourraient tomber dans l’extrême pauvreté cette année en raison de la pandémie, à moins que la communauté internationale n’agisse dans le sens proposé par MM. Stiglitz et Adesina.
«Tant que les Africains ne seront pas vaccinés, le monde reviendra à la case départ», a noté le président Adesina, ajoutant qu’aucune quantité de « passeports vaccinaux», que certains pays développés prônent, ne pourrait changer cet état de fait.
"L’Afrique doit développer son industrie pharmaceutique et commencer à fabriquer des médicaments. La Banque africaine de développement va soutenir les pays africains dans ce sens".
Pour Joseph Stiglitz, favorable à cette idée, « l’une des choses pour lesquelles certains d’entre nous avons fait campagne est la suspension des droits de propriété intellectuelle liés au Covid-19, car la contrainte en matière d’approvisionnement que vous décrivez est, dans une certaine mesure, artificielle… Si l’accès aux droits de propriété intellectuelle était plus étendu, il serait possible d’utiliser dans tous les marchés émergents et les pays en développement la capacité considérable dont ceux-ci disposent pour produire beaucoup plus de vaccins».
Joseph Stiglitz a ajouté qu’il était dans le propre intérêt des pays développés de s’assurer que tous aient accès aux vaccins et à d’autres médicaments connexes. « Aussi longtemps que le virus se répand dans une partie quelconque du monde, il peut muter, et l’une des choses que nous savons est que ces mutations ne vont pas respecter les frontières. Le coronavirus ne circule pas avec un passeport».
D’autres voix africaines de premier plan ont appelé à accélérer les livraisons de vaccins en Afrique, dont celles du président sud-africain, Cyril Ramaphosa, du directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, et du directeur des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies, John Nkengasong.