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Jean-Luc Konan : Un maillon du cercle vertueux de la finance

Publié le jeudi 22 avril 2021  |  Le Magazine de l'Afrique
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© Autre presse par COFINA
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À l’interface de la banque et des marchés de capitaux, la mésofinance cible le tissu des PME et des très petites entreprises pour les financer et les accompagner. Le président de Cofina, Jean-Luc Konan, expose sa vision d’un secteur qui tire sa force de la connaissance de son écosystème.


Par Hichem Ben Yaïche et Nicolas Bouchet

Vous avez fondé la Cofina (Compagnie financière africaine) en 2014. Votre exemple continue d’interroger et d’intéresser. Comment fonctionne le business model ?

La conception a duré de 2009 à 2014, un temps assez long pour penser le modèle. On dit que le bébé est beau quand la grossesse se passe bien ! Notre postulat est celui d’une institution financière pour le secteur informel. Celui-ci a souvent une connotation négative et je préfère parler de secteur… pas encore tout à fait formalisé ! Nos PME ont une réelle activité, mais pour des raisons culturelles, elles n’ont pas d’état financier structuré qui peut répondre aux critères des banques traditionnelles. Or, les banques ont déjà fait face à ces situations même dans les pays les plus avancés. Cela renvoie à la banque de proximité qui prête dans son cercle de connaissances parce qu’elle en maîtrise l’écosystème.

Surtout, il a fallu poser un modèle diversifié pour une meilleure capacité d’absorption des chocs exogènes, mais avec une certaine uniformité dans l’approche. Le modèle opérationnel est centralisé autour d’une holding qui détient l’ensemble des fonctions support, stratégiques et tactiques, et des filiales qui détiennent les fonctions opérationnelles. Nous avons dans chaque pays le même système d’information, les mêmes procédures et les mêmes process.

L’Afrique a subi un impact inédit avec la pandémie depuis plus d’un an. Comment analysez-vous la situation depuis cette crise ?

Sous plusieurs aspects. Fin 2019, quand on a commencé à prendre conscience de la situation, la première approche a été de se demander comment sécuriser nos employés et nos clients. Comment leur assurer de la liquidité pour avoir des fonds à disposition dans un moment où les caisses se vident, où les gens perdent leur emploi ou voient leur activité se réduire ?

Nous avons craint un risque fort de liquidité si de grands institutionnels venaient retirer leurs fonds. Certains pays n’ont laissé ouvert que les établissements financiers, les hôpitaux et les administrations. Nous ne pouvions pas collecter nos fonds à cause des restrictions mais nos clients devaient avoir des fonds à disposition. Seuls 20% à 25% des dépôts sont dans les caisses, on crée le reste et il faut le recouvrir avant de le distribuer aux clients.

Globalement, les clients des secteurs du transport, de l’hôtellerie, de la restauration touchés de plein fouet parfois jusqu’à mettre fin à leur activité… ont été résilients et ont transformé leur activité, par la livraison, par exemple, pour limiter la casse. La résilience de l’entrepreneur africain vient d’un travail sur des petits volumes sans investissements trop lourds, ce qui laisse la capacité de se réinventer.

Pour mieux comprendre votre fonctionnement par rapport à vos cibles, quels sont les véhicules et les instruments que vos services offrent aux clients ?

Notre approche des produits classiques comme l’épargne, le crédit ou le transfert est un peu différente car notre clientèle est plutôt volatile, n’a pas d’état financier et présente des cycles courts, avec des besoins souvent urgents. Lesquels vont du fonds de roulement classique à des financements de bons de commande, des avances de liquidités, des cautions et des garanties.

Nous analysons les clients par un «Cofiscore», c’est-à-dire un modèle de prescoring en fonction de leur activité réelle pour estimer s’ils correspondent à nos critères. Nous avons alors la capacité de reconstituer leurs états financiers, notamment le cash-flow, indicateur de leur capacité de remboursement. Une fois le crédit accordé, nous obtenons un cycle de monitoring et de recouvrement.

Cofina distribue ces produits par des agences principales et satellites, par un réseau de sous-agents en boutique de quartier ou en pharmacie et permet retraits et dépôts auprès de ces guichets avancés.

Vous êtes implanté dans neuf pays, en choisissant ainsi de répartir les risques. Y a-t-il des changements de comportement d’un pays à l’autre et quel est le fil conducteur ?

Le groupe est présent dans neuf pays et accueille 18 nationalités. La culture de notre banque nous permet de construire quelque chose de crucial ; l’ADN se bâtit brique par brique. Celui de BNP-Paribas n’est pas celui de Société Générale, celui d’Ecobank et d’United Bank sont complètement différents. Pourtant les capitaux de ces dernières sont entièrement nigérians. L’une a eu un prisme nigérian et l’autre un panafricain. Notre ADN est notre boussole et nous permet de parler le même langage. L’intégrité est la même au Burkina Faso ou au Congo, on ne transige ni avec notre mission ni avec nos valeurs.

L’approche de nos clients diffère selon leurs habitudes, c’est ce que l’on nomme local content. Dans nos pays, au moins 30% du capital est détenu par des opérateurs économiques nationaux. Nous veillons à faire correspondre notre ADN avec les particularismes culturels locaux qui sont très importants dans ce métier.

Vous vous inscrivez dans un écosystème entre finance classique et microfinance. Comment interagissez-vous avec les marchés financiers, la Bourse, les banques classiques, les fonds d’investissement ?

Nous sommes complémentaires car le segment de la mésofinance, niché entre la banque et la finance classique, n’était pas desservi ou mal. Nous sommes les clients de nos banques. C’est un écosystème qui se complète et si nous faisons bien notre travail nous obtiendrons un cercle vertueux de la finance.

Une petite vendeuse de tomates dans le sud de la Côte d’Ivoire qui reçoit un nanocrédit de sa famille pour commencer un maraîcher peut croître et obtenir un microcrédit et faire vivre ses enfants. Avec un crédit de mésofinance elle peut avoir un magasin en centre-ville et un centre de stockage et de revente et a pu faire partir ses enfants dans les meilleures universités. Quand ils reviennent avec des techniques de gestion, ils peuvent lever des fonds via la banque ou les marchés de capitaux pour se moderniser. Enfin, ils peuvent partir à la conquête du monde par une multinationale panafricaine !

Ce système de mésofinance a-t-il ses agences de garantie?

Oui, le système bénéficie aujourd’hui d’Africa Guarantee Fund, très actif, des garanties Ariz, de celles du FAGAS qui se déploient au niveau national, sous-régional et international. Ces dispositifs permettent de se prémunir d’une partie du risque et de libérer de la capacité de crédit.
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