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Pa Augustino de SOUZA alias GAZOZO, cet autre «Père de l’Indépendance» du Togo: biographie, rôle joué…

Publié le mardi 27 avril 2021  |  Le Tabloid
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Sylvanus Olympio est connu comme LE «Père de l’indépendance » du Togo. Mais derrière lui, se trouve un autre «Père de l’Indépendance», sinon le vrai (sic). Lui, c’est Pa Augustino Ezéchiel de SOUZA dit GAZOZO. A l’occasion de la célébration, ce jour, du 61e anniversaire du 27 avril 1960, le Secrétaire chargé à la coordination du Parti des Travailleurs Claude Ameganvi, dans un document inédit avec plein de photos illustratives, rend hommage au personnage et retrace son rôle ô combien important dans l’accession du Togo à la souveraineté nationale et internationale. A la découverte de la biographie et de sa partition jouée, dans l’extrait ci-dessous du document sus-évoqué.

PRESENTATION

(…)

LE patriarche Pa Augustino Ezéchiel de SOUZA dit «Gazozo» est né le 15 octobre 1877 à Agbodrafo (Porto Seguro), d’Ezechiel Josefo Manuel F. F. de Souza et de Kokoè Apéto Ayi d’Almeida, dans une grande famille Mina dont les ancêtres sont venus du Brésil.

Il était, en effet, l’arrière-petit-fils du « Chacha » Don Francisco Félix Da SOUZA, né à Bahia (Brésil) le 4 octobre 1754, décédé à Ouidah (Dahomey) le 8 mai 1849. Drifter portugais ou réfugié politique, ce dernier était devenu un important trafiquant dans la région d’Aného et, plus tard, Gouverneur de Ouidah sous le règne du roi du Danhomè.

De condition modeste au départ, Don Francisco Felix Da SOUZA commença sa carrière ouest-africaine comme un petit commerçant vendant diverses marchandises dont des esclaves et des armes.

Il s’installa d’abord à Aného vers 1788 et y fonda une factorerie à laquelle il donna le nom de « Deos me adjudos », ce qui veut dire en portugais « Dieu m’aide » autour de laquelle se constituera l’actuel quartier d’Adjido qui aura donc hérité de son nom. En effet, cette appellation d’Adjido n’est que le produit de la déformation phonétique du dernier terme «adjudos» du nom composé «Deos me adjudos», certainement trop long pour les autochtones d’Aného.

C’est après une querelle au sujet d’une dette que lui devait le roi du Danhomè, Adandozan, que Da SOUZA fut emprisonné à Abomey, la capitale du Danhomè où il ne fut relâché que sur l’intervention de Ghézo, le futur roi du Danhomè, qui monta au pouvoir avec le soutien de Da SOUZA.

Il fut élevé à la position de « Chacha », c’est-à-dire de percepteur en chef attitré des impôts du roi qui avait rang de gouverneur à Ouidah, le plus grand port d’esclaves de la côte. Il devint, à partir de cette position, énormément riche, détenant un monopole sur toutes les activités commerciales dans la région.


Submergé par ses fonctions administratives à Ouidah, Da SOUZA délégua son autorité à Aného à son lieutenant, Akouété Zanklibossou, et ses affaires commerciales à ses fils dont l’un, Josefo Don Francisco De SOUZA (grand père de Pa Augustino), né le 5 août 1806 à Aného, aura un fils, Ezechiel Josefo Manuel F. F. De SOUZA, né le 22 mai 1848 à Aného, qui sera le père de Pa Augustino De SOUZA.

Suite à l’abolition de la traite négrière, le Chacha Don Francisco Felix Da SOUZA réorienta ses affaires vers la culture du palmier à huile avant de mourir, en 1849, à Ouidah où il eut droit à des funérailles royales incluant des sacrifices humains.

Revenons à son arrière-petit-fils, Pa Augustino Ezéchiel de SOUZA, pour dire qu’il fréquenta d’abord l’Ecole allemande, puis anglaise à Agbodrafo où il est né,g puis à Aného avant d’entamer la vie active d’abord comme maître-catéchiste à Togoville (non loin d’Agbodrafo) et à Aného.

Il sera ensuite recruté comme agent interprète et commis des travaux publics à Mango par l’administration coloniale avant de rejoindre le secteur privé.

En 1903, il fut embauché, à Lomé, comme Chef stock par la célèbre société allemande Deutsche Togo Gesellschaft (DTG) et, après l’expulsion de cette dernière du Togo en 1914 suite à la défaite allemande lors de la Première Guerre mondiale, il monta sa propre compagnie d’import-export.

Il était l’ami d’Octaviano OLYMPIO, l’oncle de Sylvanus OLYMPIO qui, avec l’instituteur de la Mission protestante Andreas AKU, avait pris le 24 mai 1909, la première initiative qui lança le mouvement national au Togo en envoyant au très raciste gouverneur allemand, le Comte ZECH, une pétition pour réclamer la justice et l’égalité des droits entre autochtones togolais et colons allemands après avoir protesté contre les exactions dont avait été victime un citoyen togolais. Ce dernier avait été giflé en pleine rue par un fonctionnaire colonial allemand des chemins de fer tout simplement parce que celui-ci ne l’avait pas salué au moment où il le croisait sur son chemin.

De ce fait, il jouissait d’un grand prestige et avait une forte autorité morale sur le mouvement nationaliste naissant au Togo.

Il était issu de cette bourgeoisie foncière et commerçante afro-brésilienne dont les principales figures qui avaient fait fortune à partir de la traite négrière, à leur retour du Brésil d’où ils sont venus s’installer sur les côtes d’Afrique de l’Ouest, après avoir paradoxalement été affranchis eux-mêmes comme esclaves. Se distinguant du reste de la population par leur habitat, leur habillement, leur alimentation, leurs traditions, leur prestance dans la société, ils constituaient cette couche de notables qui, face aux pouvoirs coloniaux allemand et français, postula à la représentation des intérêts nationaux togolais qui ne pouvait que favoriser les leurs propres.

C’est ainsi que, comme son ancêtre Francisco Félix Da SOUZA et, plus généralement, tous les chefs des grandes familles afro-brésiliennes, Pa Augustino de SOUZA développa une importante carrière commerciale et entrepreneuriale tout au long de sa vie après s’être installé à son compte.

Il établira ses quartiers dans le quartier d’Adawlato, dans la Rue de l’Eglise, au n° 18, et, comme un des providentiels héritiers de la considérable fortune du Chacha, achètera, par adjudication publique, les plantations laissées par les Allemands pour les transformer en vastes domaines plantés de palmistes et de noix de coco connues sous le nom de «Souza Nétimé» (Cocoteraie Souza) près d’Anécho et dans la région de Lomé. Ces plantations deviendront des lieux de réunions pour les militants du CUT, de retrouvailles et finalement de réjouissances pour les nationalistes et ensuite pour le tout Lomé, à l’indépendance.

Ce fut à partir de ces domaines fonciers qu’il fit véritablement fortune en commercialisant les produits de ses palmeraies (surtout le coprah et les noix de palmistes) de Lomé, d’Agbodrafo et d’Aného à l’étranger à travers sa compagnie d’import-export. Au fil des années, il avait accumulé une fortune si considérable qu’il était considéré comme étant le plus riche commerçant du Togo avant son indépendance. Il disposait également d’un patrimoine immobilier considérable dont fait partie l’immeuble construit en 1937 et qui abrite depuis janvier 1963, sur l’Avenue des Alliés à Lomé, le Centre culturel français après avoir été un hôtel et servi de siège à la Mairie de Lomé.


Lorsque la lutte pour l’indépendance deviendra très tendue dans la deuxième moitié des années 1950, les colons français qui se verront confier l’administration du pays par l’ONU après la défaite allemande à la fin de la Première Guerre mondiale tenteront de lui porter un coup en essayant de le dépouiller de ces terres par des manipulations administratives. Mais il réagira en faisant lotir ces terres pour les vendre ou les donner en concession à des parents, amis et partisans du CUT, ce qui continue à occasionner de mémorables litiges fonciers jusqu’à ce jour devant les tribunaux de la capitale.

Auparavant, lorsque les colons, tant allemands que français chercheront à impliquer l’embryon de bourgeoisie agraire et commerçante locale dans la gestion de leurs affaires coloniales en créant un «Conseil des notables », ils firent appel naturellement à Pa De Souza, un des dignes représentants de cette classe, et lui confièrent la présidence de cette institution. Il se retrouva alors aux côtés d’autres notables dont le Révérend Pasteur Andréas AKU, le Révérend Pasteur Robert BAÊTA, Messieurs De MEIDEROS, Doté MENSAH, Quacoo FORSON, John ATAYI, Ludwig OCCANSEY, VAN LARE, Théophilus TAMAKLOE, Octaviano OLYMPIO, Timothéo Agbétiafa ANTHONY, Felicio de SOUZA, Alfred ACOLATSE, Emmanuel Ayivi AJAVON, Alex ACOLATSE, le chef Abraham ADJALLE.

Comme toutes ces personnalités qui étaient pour la plupart d’origine Ewe-Anlo-Mina, il fit secrètement partie, au départ, du Deutsch Togo Bund qui militait pour la réunification du peuple Ewe sous la même administration coloniale allemande seule à même de garantir, à leurs yeux, la réunification du peuple Ewe. Devenu la figure de proue des familles Ewe-Anlo de Lomé, sa grande maison leur servait de lieu de réunion et de réjouissances et c’est là où on battait et dansait régulièrement les tam-tams Anlo.

Puis, le Deutsch Togo Bund éclata sur la question de ses rapports avec le régime nazi d’Adolf Hitler qui, à son avènement au pouvoir, entreprit de l’aider avec l’intention de récupérer son ancienne colonie du Togo perdu par l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Avec bien d’autres comme Sylvanus OLYMPIO, il rompit alors avec ce mouvement pour participer à la création du Comité de l’unité togolaise (CUT) que suscita le Gouverneur Lucien MONTAGNE en 1941 pour contrer l’action du courant pro-nazi du Deutsch Togo Bund qui continuait à chercher à ramener inconditionnellement le Togo à la dépendance de l’Allemagne. Il sera désigné d’abord comme Trésorier général de ce CUT originel avant d’en devenir le premier Président général.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fit partie de ceux qui initièrent le double mouvement qui aboutit, d’une part, le 27 avril 1946, à la volte-face par laquelle les membres togolais du CUT le transformèrent en un véritable parti nationaliste combattant la domination française. D’autre part, le même mouvement œuvra, à l’unification des divers courants pan-éwéistes du Togo et du Ghana dans une seule et même organisation qui se fixa pour objectif de continuer à combattre pour l’unification des Ewé sous une seule administration coloniale à travers la création de l’All Ewe Conference. Si cette organisation désigna l’artisan de sa création, Daniel CHAPMAN, comme président et fixa son siège au Ghana voisin, ce fut Pa Augustino De SOUZA qu’on désigna comme son premier représentant au Togo, secondé par Sylvanus OLYMPIO.

Elu premier président du CUT dès sa transformation en parti nationaliste, à cette époque où Sylvanus OLYMPIO en avait été élu vice-président, il mit sa considérable fortune et son patrimoine au service du parti et de son déploiement.

C’était ainsi que tant les grands domaines à Lomé que les grandes plantations de Pa Augustino De SOUZA servaient de lieu de réunion pour les militants et la direction du CUT qui y définissaient stratégies et tactiques.

Naturellement, dans la période de traversée du désert du CUT, entre les années 1952 et 1958 et plus particulièrement sous les administrations des gouverneurs DIGO et PECHOUX, la répression coloniale se déchaîna sauvagement contre les réunions dans les domaines de Pa de SOUZA.

Dans son Histoire du Togo, La palpitante quête de l’Ablodé (1940-1960), Têtêvi Godwin TETE-ADJALOGO en donne d’édifiants témoignages comme suit:

« a) Des voies de fait de toutes sortes à l’encontre des radicaux. Le mot de ralliement Ablodé est formellement banni. Les bastonnades et les voies de faits très courantes à l’ère de l’indigénat refont surface. Participer à une réunion politique des radicaux s’apparente au parcours du combattant. Ces militants n’avaient d’alternative que d’user de mille et une astuces pour déjouer le filet de la police coloniale et colonialiste. Les réunions se tenaient le plus souvent dans les propriétés personnelles de Augustino de Souza (pour le CUT), et de Ben Apaloo (pour la Juvento) surnommée Hyde Park. Deux à quatre heures de temps (!) avant le démarrage d’une réunion, des forces de police isolaient la maison prévue pour sa tenue, usant de brutalité physique en vue de disperser les téméraires qui insistaient pour s’y rendre. Ce qui donnait lieu à de sérieuses altercations entre les militants et les forces dites de l’ordre. « Ainsi pour déjouer l’attention des autorités, les femmes surtout, au petit matin, paniers sur la tête comme si elles allaient vaquer à leurs activités commerciales, leurs enfants au dos, pénètrent dans les concessions pour attendre l’heure de la réunion dans l’après-midi. » [Ginette KPONTON, La décolonisation au Togo (1940 – 1960), Thèse de doctorat de 3e cycle] L’utilisation de maisons privées s’explique tout simplement par le refus de l’Administration coloniale aux radicaux d’accéder à des endroits publics, aux préaux d’école, au Jardin Fréau, etc. (…)

Sur les lieux de Réunions nationalistes, on envoie des Troupes armées

A Lomé, le 5 juillet 1951, une forte troupe de policiers armés de gourdins et transportés en camions devant la concession de M. Augustino de Souza, se sont introduits dans la concession où ils ont asséné des coups avec leurs gourdins à des femmes, jusque dans les appartements privés de M. Augustino de Souza. Du sang a coulé et il y a eu des blessures et contusions diverses. Le Commissaire de police M. Dupont était lui-même présent sur les lieux.

Le même jour un important détachement de militaires en tenue de campagne, casques de fer, mousquetons, arrivait de même en camion. Le détachement était campé devant la maison, pendant qu’à côté, le Procureur de la République d’alors, M. Haag, allait et venait. Tout cela se passait en l’absence du propriétaire. » (Pages 281–282, 285)

Ce fut au cours de la même période que sa maison fut l’objet d’un « ordre de démolition » du pouvoir colonial français sous le fallacieux prétexte qu’il constituait un danger pour la vie, selon le témoignage apporté par Divine Edem Kobla AMENUMEY dans son livre Le mouvement de la réunification des Ewé – Une histoire politique (traduit de l’anglais en français par Têtêvi Godwin TETE-ADJALOGO, page 139).

On comprend donc comment tout ce qu’il eut à subir pour la cause nationaliste qu’il défendait et surtout l’indispensable soutien moral et financier qu’apportait Pa de SOUZA à la défense de cette cause et sans lequel rien n’aurait pu se faire, lui valait le témoignage de déférence et respect tant au sein du parti que bien au-delà. Bien entendu, en doyen d’âge qu’il était, comptait aussi un autre facteur, celui du respect des préceptes des traditions africaines qui dictaient qu’on lui réservât toujours le premier rang.

C’est pour toutes ces raisons qu’on le mit au sommet de l’affiche «Unification et indépendance» où il figure tenant la carte de l’ancien Togo Allemand réunifié dans la main, affiche qui devint le symbole électoral du CUT après son congrès de réorientation de 1951 où le mot d’ordre « Unification et indépendance » fut adopté.

Trop vieux pour jouer un rôle actif dans le combat final par lequel le CUT terrassa le pouvoir colonial français au Togo, Pa Augustino De SOUZA, par le soutien qu’il apporta au mouvement dès ses débuts, joua un rôle incontestablement décisif car inappréciable.

Il mourut malheureusement le 25 avril 1960, alors que les cérémonies de proclamation de l’indépendance du Togo avaient déjà commencé depuis deux jours, le 23 avril, et qu’on était à deux jours du 27 avril, date effective de la proclamation à laquelle son destin ne lui permit pas d’assister. Comme ce fut le cas dans l’autre histoire, il ne vit donc pas la terre promise de l’indépendance nationale conquise et proclamée mais, en tant que patriarche, garant moral de la direction de cette lutte, il est permis de dire qu’il l’a conduite à bon port.

Son décès, gardé secret, ne fut rendu public qu’après les cérémonies de proclamation de l’indépendance nationale pour que la joie du peuple togolais, en cette occasion historique, ne soit pas ternie par la triste nouvelle de sa mort.

Il eut droit à des obsèques grandioses, à la hauteur de l’importance de la contribution qu’il apporta au combat pour la conquête de l’indépendance du Togo.
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