ENTRETIEN. Rare femme cheffe d’un gouvernement africain, Victoire Tomegah Dogbé s’est confiée au «Point Afrique» sur les défis d’un pays, au milieu du gué.
lle s'appelle Victoire Tomegah Dogbé, a 61 ans et vous n'avez probablement jamais entendu parler d'elle. Pourtant, depuis le 28 septembre 2020, elle est devenue la première femme cheffe de gouvernement de l'histoire du Togo, petit pays d'Afrique de l'Ouest de huit millions d'habitants. Outre les nombreux défis du quatrième mandat de Faure Gnassingbé, réélu en février 2020, la lettre de mission de Victoire Tomegah Dogbé – une experte du développement, déjà ministre de 2010 à 2020 et ancienne directrice de cabinet de l'actuel chef de l'État – est chargée.
À son agenda, la gestion de la crise sanitaire et ses conséquences (surtout économiques), l'accélération du développement du Togo, au milieu du gué, alors que les crises sociopolitiques successives ont creusé un écart important entre les dirigeants et les populations. Le tout dans un contexte de menaces djihadistes aux frontières du pays – où notamment certains groupes terroristes poussent leurs pions vers le golfe de Guinée. À ces chantiers délicats, tout indique que Victoire Tomegah – qui nous reçoit ce jeudi d'avril à la primature, au sein de la cité OUA, à Lomé, tressée au naturel, veste bleu roi et jupe tailleur noir – s'est ajoutée celui de la représentativité des femmes. Cette ressortissante de Badougbe, préfecture de Vo, dans la région maritime du Togo, mariée et mère de trois enfants, a composé un gouvernement de 33 membres, dont 11 femmes, à des postes de responsabilité comme l'Armée, l'Énergie et les Mines. Alors que, ce 27 avril, le pays vient de célébrer le 61e anniversaire de son indépendance, que faut-il comprendre de son évolution ? Entretien.
Le Point Afrique : En arrivant à la primature en septembre dernier, vous avez affirmé vouloir « gouverner autrement » et donné une feuille de route à chaque ministre avec des objectifs fixés. Qu'est-ce que cela dit de vous ? Et quelle est votre conception de la gestion de l'État ?
Victoire Tomegah Dogbé : J'ai un parcours un peu particulier, puisque je viens du secteur privé. J'ai ensuite eu l'opportunité de travailler pour le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sur des missions de restructuration dans plusieurs pays africains dont le Congo, le Burkina Faso ou encore le Bénin. Je ne suis rentrée au Togo qu'en 2010, alors que le pays sortait d'une crise sociopolitique. Le niveau de vie des populations avait baissé, et le président de la République, Faure Gnassingbé, a fait appel à moi pour m'attaquer à ce défi, avec un ministère consacré au développement à la base, à la jeunesse et à l'emploi. Cela a été l'occasion pour moi de sillonner le pays que je connaissais mal, ayant vécu la majeure partie de ma carrière à l'étranger. Sur tout le territoire, j'ai rencontré des populations qui ne demandaient qu'à être soutenues et accompagnées dans leurs activités.
J'ai accepté cette mission non pas parce que j'étais experte en la matière, mais parce que j'aime les défis. Je suis assez pragmatique de nature, et j'aime trouver des solutions. Cela m'a motivé et conforté dans ma vision de ce que doit être la mission de l'État. Aujourd'hui, il y a une dynamique et nous sommes dans une responsabilité partagée avec les populations qui n'attendent pas tout de l'État, contrairement à ce que l'on peut penser.
De quelle manière insufflez-vous ce nouvel état d'esprit ?
Ma mission est de coordonner l'action du gouvernement, avec une vision, une méthode, et désormais nous mobilisons certains instruments de mesure et de planification propres au secteur privé. C'est la mission qui m'a été confiée par le président, qui est extrêmement investi sur les dossiers, et qui est déterminé à transformer son pays, à travers les réformes. La finalité est d'être capable de rendre des comptes. Les défis sont immenses, mais quand il faut prendre des risques pour réussir, il faut le faire et ne pas hésiter à innover. En cinq mois, les premiers résultats sont déjà là.
Vous avez laissé entendre que le développement serait la mère de toutes les batailles. D'abord, quelle est votre conception du développement ?
Il y a deux ans, nous nous sommes dotés d'un Plan national de développement dans le but de transformer structurellement le Togo pour créer plus de richesses et d'emplois. Le Togo a une position géostratégique particulière. Notre pays a une ouverture naturelle sur la mer, et aussi sur les pays de l'hinterland, on a un port très performant qui a bénéficié de nombreux investissements ces dernières années. Mais la crise sanitaire mondiale du Covid-19 nous a quelque peu obligés à repenser notre mode de fonctionnement. L'élection de février 2020 a aussi marqué l'entrée dans un tout autre mandat et le président a pensé à une feuille de route plus efficace. Il nous fallait recentrer les priorités, parce qu'avec le Covid-19, on ne peut plus travailler comme avant. Les besoins des populations ont augmenté, il faut changer de rythme, notamment dans la fourniture des services publics. En fait, il nous fallait changer de paradigme.
Qu'est-ce que cela implique dans la réalité africaine, et plus particulièrement dans le contexte togolais?
Vous savez, l'extrême pauvreté n'attend pas. Nous avons la chance dans ce pays d'avoir des populations qui participent beaucoup à l'effort de construction. C'est un atout, et cela permet également d'attirer les investisseurs. En s'appuyant sur elles, on pourrait avoir de meilleurs résultats sur tous les services de base et ainsi donner des ressources aux plus marginalisés.
Comment y parvenir en garantissant l'équité, la justice et l'inclusivité à tous les Togolais?
L'inclusion est très importante. Car quand on réussit à atteindre un certain niveau d'inclusivité, on permet à plus de populations de participer à l'effort de construction économique du Togo, et ce faisant on s'appuie concrètement sur toutes les énergies du pays. Là aussi, c'est un point auquel le président Faure Gnassingbé est particulièrement attaché.
Le Togo souffre d'un déficit de perception. Tout se passe comme s'il y avait plusieurs réalités, plusieurs narratifs, ceux qui vont dans le bon sens et les autres, comment l'expliquez-vous ?
Le Togo a une histoire. Nous devons travailler à changer cette perception qui est souvent biaisée. Moi-même quand j'étais à l'extérieur, je me nourrissais de toutes les informations que je lisais sur le Net. Quand vous lisez ça, vous n'avez pas envie de venir au Togo.
Mais je vous assure qu'une fois que j'ai pris la décision de revenir de temps à autre, j'ai observé qu'il y avait un gap entre ce qu'il y a sur le Net et ce qu'il se passe sur le terrain. Il y a tout un travail de communication que nous n'avons pas réussi à mener jusqu'ici, mais sur lequel nous travaillons. Il y a un an ou deux, vous et moi n'aurions peut-être pas eu cet entretien. Donc les choses ne sont pas aussi figées que l'on veut les présenter. Gouverner autrement, c'est aussi ça, être proche des gens, communiquer avec eux. Mais nous ne sommes pas censés tout savoir.
Comment comptez-vous remédier à ce déficit et regagner la confiance des Togolais ?
Il faut montrer l'exemple. Ce travail de proximité, je le mène d'abord personnellement. Je fais régulièrement des visites inopinées sur des chantiers, par exemple. Quand vous avez un projet censé se terminer en trois ans et qui n'est toujours pas achevé au bout de sept ans, il y a de quoi se poser des questions. Ce Ce n'est pas normal, et ça fait perdre de l'argent au pays. Ça me permet également de mieux percevoir à quel niveau nous avons manqué de cohésion dans notre action gouvernementale. Quand vous faites du bon travail et que vous le faites en accord avec les populations, ce sont elles qui en parlent le mieux.
La pandémie du coronavirus a eu des répercussions sanitaires mais aussi socio-économiques. Les conséquences ont varié d'une région à une autre et d'un pays à l'autre. Quels ont donc été les impacts de cette crise au Togo ?
Le Togo, comme tous les autres pays, n'a pas été épargné par cette crise sanitaire dont les impacts ont été assez importants, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique. En revanche, nous pouvons saluer la résilience de nos populations et la maîtrise de la propagation de la maladie. Je reconnais que nous sommes soumis à une certaine incertitude par rapport à l'évolution de la courbe épidémiologique. Néanmoins, aujourd'hui, notre pays enregistre un peu plus de 12 000 cas avec environ plus de 10 000 personnes guéries et une centaine de décès.
Sur le plan économique, la crise a affecté considérablement la trajectoire de développement économique de notre pays. De manière concrète, nous sommes passés d'une prévision de croissance économique de plus de 5 % par an à une réalisation de moins de 2 %. Le recul est réel, même si le taux de croissance affiché montre bien que notre pays a su mieux encaisser le choc que d'autres. Naturellement, le secteur privé a été très affecté par cette crise avec des niveaux d'impacts différents selon les domaines.
Par exemple, les secteurs du tourisme, des arts et des divertissements, agriculture d'exportation, etc. ont été fortement affectés. Il y a donc une nécessité pour nous dans ces secteurs de repositionner les fondamentaux pour s'adapter au nouveau cadre économique. Le monde rural a été probablement le plus affecté par la crise, à tous les niveaux des chaînes de production et de transformation agricoles. Un plan de relance pour soutenir la production agricole et l'autosuffisance alimentaire a également été instauré. Il comprend notamment l'octroi de crédits à des taux bonifiés aux petits producteurs.
En revanche, d'autres secteurs d'activité se sont révélés comme des opportunités. C'est le cas des télécommunications ou encore des services financiers, qui ont permis au Togo de se positionner comme l'un des pays les plus dynamiques sur l'inclusion financière. Mais ce n'est pas suffisant, nous devons aller plus loin encore pour que l'inclusion soit totale sur les plans sociaux, financiers et économiques afin d'assurer une meilleure redistribution des richesses.
Que pouvez-vous nous dire sur le programme de solidarité « Novissi », qui a été salué par des experts parmi lesquels les Prix Nobel d'économie 2019, Abhijit Banerjee et Esther Duflo ?
C'est un programme de transfert monétaire utilisant les canaux digitaux et mis à disposition directement sur le téléphone des personnes bénéficiaires qui sont des ménages ayant perdu la totalité ou une partie de leurs revenus en raison de l'état d'urgence sanitaire. Ce programme, qui a été mis en place en moins de trois semaines après le début de la pandémie, a permis de toucher en quelques mois près de 775 000 Togolais, dont 64 % de femmes vivant pour la plupart dans le Grand Lomé, la région la plus durement frappée par la pandémie.
S'il est innovant, ce programme illustre aussi de par son usage le hiatus qui plombe le Togo. De nombreux Togolais ont signalé l'information selon laquelle il fallait la carte d'électeur pour en bénéficier. Est-ce que vous trouvez cela normal ?
Au moment de lancer « Novissi », on a beaucoup discuté des critères d'attributions. Il est apparu que les détenteurs de carte d'électeur étaient plus nombreux que les détenteurs de carte d'identité. On a tout simplement souhaité donner la chance au plus grand nombre de bénéficier de ce programme d'urgence. Si on se basait uniquement sur le nombre de cartes d'identité, nous n'aurions pas atteint un nombre critique de bénéficiaires. C'est simple : si j'ai trois millions de personnes qui ont la carte d'électeur et qui peuvent tout de suite bénéficier du programme et que je n'ai que 500 000 personnes qui ont la carte d'identité, je suis désolée, je ne peux pas faire autrement. Il nous faut faire des choix. Mais c'est aussi un vrai problème structurel qu'il nous faut résoudre.
Qu'est-ce qu'il faut faire concrètement ?
Le défi maintenant est de faire en sorte que les gens aient des cartes d'identité. Nous avons déjà lancé un programme d'identification biométrique qui va permettre la mise en place d'un registre social unique comme un guichet unique pour toutes les prestations sociales offertes aux populations vulnérables, intégrant des solutions digitales et s'appuyant sur un ciblage précis des bénéficiaires.
On s'est rendu compte que de nombreux Togolais n'avaient pas les moyens de faire leur carte d'identité ou abandonnaient parce qu'ils leur manquaient une pièce essentielle comme l'acte de naissance. Des millions d'enfants au Togo n'ont pas d'acte de naissance, c'est une réalité. Nous sommes conscients de ces défis. Quand on parle de modernisation, de digital, c'est aussi ça, il faut trouver le moyen de rendre plus productives les structures de l'État.
Au-delà de ce défi particulier se pose clairement le problème de l'informel. Le constat est que beaucoup de choses dans le domaine économique ou social se font au Togo en dehors de l'État. C'est-à-dire que les gens se débrouillent sans l'État, et pensent du coup que les réformes sont menées surtout pour plaire aux institutions internationales. Quelle est votre analyse ?
Vous savez, madame, vous pouvez interroger la Banque mondiale, le Pnud et les autres organismes, tous nos programmes sont inclusifs. On ne cherche pas à savoir quelle est la couleur politique des gens. Les critères sont définis sur la base de la carte de la pauvreté de notre pays. Il nous faut faire des choix, mais je peux assurer que si jamais sur ce genre de projet vous êtes politisé, entre guillemets, vous n'aurez pas de résultats. Il y aura toujours des gens pour vous dire le contraire, mais je le dis formellement, ici, ce ne sont pas les institutions qui nous dictent quoi que ce soit. Nous sommes convaincus du bien-fondé de nos réformes. Nous avons gagné 40 places dans le classement «Doing business 2020» de la Banque mondiale après un gain de 19 places dans le rapport précédent, soit un gain de 59 places en deux ans. Mais ce que je voudrais souligner, c'est que nous avons amélioré le climat des affaires au bénéfice de l'économie réelle togolaise. Ainsi, nous avons facilité considérablement la création d'entreprise pour permettre aux jeunes de contribuer à la croissance.
Des mesures d'accompagnement ont été prises pour réduire de façon drastique les procédures, délais et surtout le coût de création d'entreprises à plus de 85 % pour s'établir à seulement 28 250 francs CFA, soit 43 euros. À cela s'ajoute l'adoption du nouveau Code des impôts marqué par la suppression d'une dizaine d'impôts et l'exonération sur les deux premières années de certaines taxes essentiellement supportées par les jeunes entrepreneurs. Nous avons également amélioré l'obtention des documents dans le domaine du foncier en rationalisant les procédures avec la mise en place d'une plateforme e-foncier entraînant une réduction sensible des délais de mutation totale de 18 mois à 6 heures. Nous n'avons pas fait tout ça juste pour avoir une bonne note, mais nous avons des résultats à faire valoir.
Le Togo mise de plus en plus sur la transformation locale, quelle est votre ambition à ce propos ? Avez-vous intégré la création de chaînes de valeur dans votre plan d'action ?
Nous devons en effet créer de la richesse et des emplois en misant sur les potentialités et les avantages comparatifs du pays. De manière concrète, il s'agit d'opérer une transformation économique de notre agriculture, et du secteur industriel, en valorisant davantage les filières à travers une approche de chaînes de valeur plus productives, plus compétitives et qui créent massivement des emplois. Il s'agira également de développer le secteur logistique du pays à travers la construction et la réhabilitation des infrastructures de transport routier et la modernisation du port dans le but d'améliorer la compétitivité de l'économie togolaise.
L'expérience a montré que quand l'approche des chaînes de valeur est bien définie sur des filières ciblées, cela fonctionne. Je donne l'exemple de la filière du soja biologique, dont le Togo est le premier exportateur mondial vers l'UE. Une vingtaine d'exportateurs organisent et structurent la filière, pour un total de production exporté de plus de 10 000 tonnes. Nous avons démarré, avec l'appui d'un partenaire privé Arise, filiale du groupe Olam, les travaux de construction de la Plateforme Industrielle d'Adétikopé sur des centaines d'hectares et qui sera dotée d'une infrastructure moderne et de services logistiques multimodaux intégrés. Cette plateforme permettra de transformer localement les produits de notre agriculture, qui représente près de 40 % de notre PIB et devrait nous permettre de créer jusqu'à 35 000 emplois.
Grâce à un partenariat stratégique avec un grand acteur du privé, nous avons engagé la transformation du secteur cotonnier afin d'augmenter sensiblement la production, créer plus de valeur ajoutée pour l'économie à travers la transformation du coton et augmenter les revenus des producteurs et des acteurs de la filière.
Le Togo est également doté d'un port naturellement en eau profonde qui a connu d'importants investissements ces dernières années, et on sait que les défis persistent parce qu'il faut digitaliser les services pour rendre ce port plus efficient. Aujourd'hui, c'est l'un des ports les plus performants en Afrique. Le but est d'en tirer le maximum d'avantages afin de desservir plusieurs autres pays. Notre marché n'est pas fermé. Au-delà des huit millions de Togolais, on a accès à un marché de 400 millions d'habitants dans notre sous-région.
Quelles sont justement vos attentes par rapport à la zone de libre-échange continentale ?
La zone de libre-échange continentale est une opportunité pour nous. Le port va nous permettre de doper notre économie maritime, mais aussi toutes les activités logistiques. Nous devons aussi faire en sorte que nos PME/PMI qui émergent puissent être consolidées pour s'adresser à ce marché parce que ce sont elles qui seront en compétition avec d'autres, et il ne faut absolument pas qu'elles disparaissent. L'accent a été mis sur leur capacité organisationnelle, mais aussi sur tout ce qui est packaging, marketing, recherche de niches, parce que c'est là où on peut faire la différence. Les filières doivent être identifiées afin de mobiliser notre approche des chaînes de valeurs.
Les rapports de puissance entre États reposent de plus en plus sur la maîtrise technologique. Le numérique est perçu comme la panacée pour permettre le décollage du Togo, mais la question énergétique demeure encore problématique, sans compter la dépendance technologique à l'extérieur et l'accès aux populations qui ne comprennent pas toujours. Comment comptez-vous atteindre vos objectifs de digitalisation sans trop d'illusions ?
Il y a 3 ans, le Togo n'avait pas de stratégie d'électrification. Aujourd'hui, le Togo dépend encore trop de l'extérieur. Quand on a compris cela, on a fait un vrai diagnostic avec des partenaires crédibles. On vient de mettre en service la centrale de Kekeli Efficient Power, située dans la zone portuaire, avec une capacité installée de 65 MW. D'ici à 2030, le Togo ne sera plus dépendant sur le plan énergétique et nous allons assurer à 100 % notre électrification avec un mix conventionnel et les nouvelles sources comme le solaire. Mais on ne peut pas attendre de faire l'électrification avant par exemple le déploiement de la fibre. Pour tous les grands travaux d'infrastructures, nous avons imposé qu'il y ait la fibre optique.
Le continent africain peut tirer parti du numérique pour s'affranchir des vieux modèles industriels et accélérer sa croissance économique. L'économie numérique offre des possibilités d'accroissement de la productivité, l'esprit d'entrepreneuriat, l'innovation et la création d'emplois. Nous avançons vers une couverture Internet haut débit la plus complète possible.
D'aucuns soulignent que la lutte contre la corruption effective reste l'un des défis majeurs du Togo, que répondez-vous à ceux qui jugent que vous n'en faites pas assez dans ce domaine ?
En général, quand le citoyen togolais parle de corruption, il pense à un cas particulier, de quelqu'un qu'il connaît ou dont on lui a parlé, mais la corruption c'est tout le monde. C'est par exemple le citoyen qui accepte de corrompre quelqu'un pour faire avancer un dossier, etc. Je crois fortement que la digitalisation des services peut constituer une première réponse.
Quand le système sera totalement numérisé, l'argent circulera moins. Nous voulons digitaliser près d'une centaine de processus administratifs. La deuxième chose, c'est la reddition des comptes. Et cela concerne même les sociétés d'État. Nous avons doté le pays d'une Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA), d'une Cour des comptes, des structures pour nous aider à une meilleure traçabilité. Les résultats seront visibles dans les années à venir. Cette question doit également évoluer dans les mentalités.
Votre modèle, c'est Singapour ou le Rwanda ?
Ce sont les deux.
Il y a un peu de Singapour et j'aime beaucoup le modèle rwandais que je connais bien. Ce qui m'intéresse, c'est le côté pragmatique, notamment sur la reddition des comptes. Ce n'est pas seulement au niveau du chef de l'État ou du Premier ministre, l'idée c'est vraiment de descendre au plus bas pour que même le responsable au niveau de la communauté rende compte à sa population.
L'influence de la France diminue en Afrique subsaharienne, au profit, notamment, de la Chine, de la Turquie ou de la Russie. Qu'est-ce que cela vous inspire, au lendemain d'une visite officielle du président de la République Faure Gnassingbé en France ? Qu'attend le Togo de ce partenaire historique, mais de plus en plus contesté… ?
Nous cherchons des partenariats complètement décomplexés dans lesquels les intérêts des uns et des autres sont respectés et sont sauvegardés. On ne peut pas dire qu'on privilégie tel partenaire ou tel autre ou qu'on se trouve dans une tradition classique. Donc on ne va pas faire un partenariat pour les beaux yeux d'une puissance, mais dans l'intérêt du bien commun de la population togolaise. Mais pour créer plus de richesse, le Togo, à lui seul, ne peut y arriver. Dans l'idéal, il nous faut avoir des partenariats qui nous permettent d'aller vite et bien.
La question de la migration des jeunes ainsi que celle de l'islam radical est clairement posée à l'Afrique depuis plusieurs années. Comment faire pour rendre plus audible la voix des Africains sur ces sujets où ils sont en première ligne ? Et que représentent ces défis pour le Togo ?
Pour le Togo, ces défis ne datent pas d'aujourd'hui. Le chef de l'État togolais a une forte capacité d'anticipation sur ces questions. Ça le préoccupait, il en parlait tout le temps, mais les gens ne comprenaient pas.
Le Togo s'est aussi appuyé sur sa position géographique, sa capacité à être au cœur des différentes politiques d'intégration sous-régionale. Le pays est conscient qu'il ne peut pas faire sans les autres et donc que les problèmes de ses voisins sont aussi les siens. Nos militaires participent aux missions de paix des Nations unies, pour nous c'est un atout, puisqu'ils se professionnalisent.
Le Togo a aussi récemment adopté une loi de programmation militaire pour soutenir ses dépenses militaires. L'objectif est d'être plus agile, de permettre une plus grande mobilité sur les zones les plus risquées, au niveau des frontières. La question sécuritaire est une priorité, et nous faisons la connexion avec le développement.
Sans l'appui des civils dans les régions les plus menacées, il est quasiment impossible d'avoir des informations fiables. Pour cela, il faut que les services sociaux de base soient effectifs, les civils doivent être à l'aise, avoir accès à des points d'eau, des écoles, de l'électricité. Parce que si vous ne le faites pas, ce sont les terroristes qui le font à votre place et qui vont du coup convaincre les populations de se rallier à eux.
C'est un tout et je suis convaincue que si l'Afrique gagne la lutte contre la pauvreté, ce sera un début de victoire contre l'extrémisme violent et le terrorisme. La prise de conscience collective est réelle, reste maintenant à mieux partager les informations entre États, notamment dans la sous-région. ... suite de l'article sur Autre presse
Nous devons faire coïncider le développement du Togo avec la vision de S. Olympio assassiné en 1963’’ (A. TIKPI). Publié le: 30/4/2021 |
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