Stockholm International Peace Research Institute (SPIRI) a publié un rapport sur les dépenses militaires des pays africains. Selon le rapport, le Togo aurait acheté moins d’armes que la Tanzanie, la Tunisie ou le Gabon. Mais la réalité est toute autre.
Si on en croit le récent classement SPIRI, le Togo serait le 31e pays africain qui a le plus dépensé en armement en 2020. Toutefois, si on additionne les dépenses en armes du régime Gnassingbé, le montant déclaré n’en représente qu’une fraction de la réalité.
En effet, les salaires des forces armées togolaises (FAT), en plus du matériel payé en attente de livraison, représentent bien plus que les 116 millions de dollars relevés par le rapport. Entre les armées de terre, la marine, l’aviation, la gendarmerie et les forces spéciales, les FAT dépensent 340 millions de dollars annuels rien qu’en salaires.
De plus, entre octobre 2019 et décembre 2020, 3,4 milliards de dollars en équipements ont été payés par le Togo. Cette somme comprend notamment l’achat de nouveaux véhicules, de munitions, ainsi que la construction de deux nouvelles bases au nord togolais. De surcroît, la loi de programmation militaire 2021-2025, adoptée en décembre, prévoit 1,28 milliard de dollars de dépenses militaires. Le chiffre évoqué dans le rapport est donc sous-évalué, le différentiel étant de près de 5 milliards de dollars. Plusieurs raisons, officielles ou officieuses, pourraient expliquer cela.
MANQUE DE TRANSPARENCE
Tout d’abord, l’implication de Robert Montoya, l’armurier historique des troupes togolaises, est opaque. Montoya possède l’unique société militaire privée basée au Togo. Il fait aussi partie des accusés dans le bombardement de Bouaké en Côte d’Ivoire. Cet homme, qui est accusé de trafic d’armes notamment par l’Elysée, vend des équipements à l’Etat qui héberge sa société.
Mais le chiffre indiqué dans le classement des dépenses en armement est aussi sous-évalué à cause des méthodes de paiement : les armes vendues récemment par la France au Togo, en l’occurrence les 19 hélicoptères Gazelle et Puma, les 51 blindés Scarabée et Fortress MK2 ou encore les 17 avions Alpha Jet n’ont pas été achetées via un transfert d’argent classique. En échange de ces équipements, le Togo aurait transféré une partie de sa dette souveraine aux banques françaises.
L’UEMOA accepterait également la dévaluation du franc CFA, une monnaie dont les coupures sont imprimées en France, contre un achat groupé d’armes et d’autres marchandises à Paris. Et afin de rembourser le manque à gagner des autres Etats membres, des équilibres budgétaires dans les projets bilatéraux sont prévus. Un numéro d’équilibriste qui fausse totalement les chiffres.
D’autant que le Togo cherche à doubler les effectifs de ses forces armées depuis quelques mois. Le Togo a d’ailleurs accéléré sa politique d’armement depuis l’alerte au terrorisme de la DGSE française.
A QUI LA FAUTE ?
L’institut qui a établi ces chiffres sous-évalués, le SPIRI, est une organisation académique basée en Suède. Bien qu’il soit financé par l’UNESCO, le SPIRI est un think-tank autonome. En contrepartie de financements internationaux, il encadre des doctorants spécialisés en droit international, en économie de guerre et en politique de sécurité. Le SPIRI n’a donc aucune relation avec l’Etat français, et son directeur, Tilman Brük, a même préféré s’exiler en Allemagne après ses critiques envers l’Union européenne.
Un institut de bonne foi donc, qui ne serait pas à l’origine du mensonge sur les chiffres togolais. Mais d’où vient donc l’erreur ? Il semblerait que les chiffres obtenus par le SPIRI soient faux à cause des sources de l’institut. Traditionnellement, le SPIRI croise les chiffres de l’Etat avec ceux de l’industrie de l’armement. Son classement est donc une projection qui peut s’avérer loin des réalités du terrain. Mais pour les gouvernements, c’est une aubaine : le Togo a adopté les chiffres du SPIRI et communiqué sur ceux-ci pour se refaire une image. Si bien que les médias gouvernementaux togolais ont, dans leur totalité, repris les montants du SPIRI sans imaginer que ceux-ci sont totalement éloignés de la réalité.