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Togo : Quelle stratégie pour faire face à l’extrémisme violent?

Publié le lundi 17 mai 2021  |  Societe civile Media
Défilé
© aLome.com par Edem Gadegbeku & Jacques Tchakou
Défilé militaire et civil pour commémorer les 59 ans d`indépendance du Togo, en présence du Président Faure Gnassingbé et d`officiels
Lomé, le 27 avril 2019. Cité OUA. Défilé militaire et civil pour commémorer les 59 ans d`indépendance du Togo, en présence du Président Faure Gnassingbé et d`une multitude d`invités officiels.
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Depuis quelques années, le contexte sécuritaire togolais est désormais préoccupé par une notion depuis toujours considérée comme exotique jusqu’à une date récente : l’extrémisme violent. Mais loin d’être l’apanage du seul militaire, la notion est pluridimensionnelle et absorbe tout acteur impliqué dans la paix et la sécurité. Il s’agit non seulement des acteurs gouvernementaux, les forces de défense et de sécurité mais aussi et surtout des différentes organisations de la société civiles concernées par la problématique et les journalistes. Au Togo, la création du Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent (CIPLEV) par décret N° 2019-076/PR, le 15 mai 2019, dénote du caractère sérieux du sujet et suscite des questionnements. En raison de la dimension plurielle de la notion et de la multiplicité des acteurs concernés, peut-on espérer une action concertée ?

Tout d’abord, qu’est-ce que l’extrémisme violent ?

Généralement, il y a une petite confusion entre terrorisme et extrémisme violent. L’extrémisme peut être défini comme l’ensemble d’activités (croyances, attitudes, sentiments, actions, stratégies) d’un caractère très éloigné de l’ordinaire. L’extrémisme devient problématique lorsque ces idéologies font peser une menace sur les idées sociétales démocratiques et tolérantes ou préconisent l’usage de la violence pour exercer des contraintes sur les personnes ou pour arriver à leurs fins. Plus clairement, lorsque les tendances extrémistes de ces groupes les amènent à employer la violence pour faire entendre leurs opinions, alors il s’agit d’extrémisme violent.

En général, ces groupes s’attaquent tant aux populations qu’aux structures de l’Etat, dans la perspective d’affaiblissement de l’Etat. Au fond, ces groupes s’en prennent à la légitimité du pouvoir politique organisé, à l’échelle nationale, ou même locale et emploient tous les moyens violents à leur disposition pour arriver à leurs fins. Le terrorisme quant à lui désigne les actes commis dans le but de gravement intimider une population, de déstabiliser ou de détruire des structures d’un pays ou d’une organisation internationale, ou d’empêcher un gouvernement d’agir. En raison de la grande ressemblance entre les deux notions, on peut préciser que le terrorisme est l’usage indiscriminé de la terreur, notamment la violence meurtrière, alors que l’extrémisme violent se réfère à une pensée dogmatique qui préconise des modes d’action violents.

Il existe une autre confusion, celle de l’association du phénomène uniquement au prisme religieux. Cela s’explique parfois soit par la préoccupation religieuse affichée ou supposé ou alors, par les noms arabes portés par la plupart des leaders de groupes extrémistes. Les véritables fondements de l’idéologie extrémiste véhiculée sont parfois ailleurs et ne suivent pas forcément la logique affichée (la déstabilisation de l’appareil étatique légitime, les desseins politiques, la recherche de la sympathie de la population pour la rendre complice d’activités économiques prohibées etc.).

Comment l’extrémisme se développe-t-il ?

Il faut noter que l’extrémisme violent est souvent alimenté par des sentiments d’isolement et d’exclusion, ainsi que par la peur et l’ignorance. Les populations plus enclines à être sympathiques avec les groupes d’extrémisme violent sont généralement celles qui se sentent oubliés par l’Etat, ou qui pensent que la présence du pouvoir politique organisé existant n’est pas légitime. Elles sont plus susceptibles d’accepter l’aide de groupes d’extrémisme violent. Les groupes d’extrémistes violents exploitent donc la marginalisation économique et sociale, les frustrations politiques et socioculturelles et les conflits locaux identitaires pour asseoir leur autorité.

Plus clairement, l’absence de perspectives socioéconomiques (pauvreté, chômage, corruption, etc.), la marginalisation, l’injustice et la discrimination (notamment les expérience d’exclusion et d’injustice, de de stigmatisation et d’humiliation), la mauvaise gouvernance, violations des droits de l’homme et de l’état de droit (manque d’expérience/d’accès aux processus de dialogue et de débat, culture de l’impunité en cas de comportement illicite, violations du droit international relatif aux droits de l’homme commises au nom de la sûreté de l’État, manque de moyens pour exprimer ses opinions ou son mécontentement, etc.), les conflits prolongés et non réglés, les processus de radicalisation en prison aboutissant à la légitimation de la violence sont selon l’UNESCO des conditions propices qui facilitent l’expansion du phénomène de l’extrémisme violent, ajoutées aux motivations personnelles des candidats.

Le renforcement du sentiment d’appartenance à l’Etat-nation devient de plus en plus une priorité à laquelle les gouvernants devront attacher un grand prix afin de réduire les facteurs de risque.

Pour asseoir une solution durable et efficace, ce phénomène doit être combattu dans un cadre respectueux des droits de l’homme et de l’état de droit. Il est aussi primordial d’associer les acteurs locaux concernés directement et inclure nécessairement les jeunes, les femmes et le secteur privé. L’identification des opportunités économiques pour les jeunes (qu’ils soient titulaires d’un diplôme ou pas) doit aboutir à un partenariat public-privé inévitablement salutaire. )

Comment le Togo s’organise-t-il ?

Depuis que la menace terroriste a été ressentie à proximité du Togo , avec l’attaque du 15 février 2019 (contre le poste mobile de douane, à Nohao, dans la province du Boulgou au Burkina, proche de la région des savanes), le Togo a commencé à placer un cadre de réflexion qui a abouti en 2019 à la mise en place du Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent. La composition du comité laisse comprendre que la gestion du problème de l’extrémisme violent nécessite d’être appréhendé à l’aune d’un prisme multidimensionnel et multi acteur. Aujourd’hui, la question de l’extrémisme violent ne peut être abordée en tenant seulement compte de l’angle sécuritaire. Il est important d’y associer les divers acteurs, et bien évidemment, les démembrements déconcentrés et décentralisés de l’Etat.

En raison de cette considération, la mise en place d’un cadre concerté et inclusif est toujours une stratégie gagnante. Un tel cadre devra être animé par les organisations de la société civile, les médias, les leaders communautaires, religieux, des organisations de jeunes et de femmes et les syndicats, sans oublier d’autres acteurs importants.
C’est le lieu de saluer les différentes initiatives de mise en place des comités préfectoraux et cantonaux de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent dans 19 préfectures des savanes (7), de la Kara (7) et de la centrale (5) par le CIPLEV qui amorce déjà cette logique. Sur le facteur inclusion, à titre d’exemple, un comité préfectoral de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent est composé de 17 membres dont six représentants de l’administration publique, quatre représentants des forces de défense et de sécurité (FDS), trois représentants de la société civile, trois représentants des confessions religieuses et un représentant des organisations de presse. Vivement que le CIPLEV puisse arriver à l’installation des comités locaux dans toutes les autres zones non couvertes pour un maillage stratégique du territoire.

Une telle problématique, en raison de sa complexité, nécessite la combinaison d’efforts et la coordination des interventions de tous les acteurs impliqués à tous les niveaux. C’est en cela que les 03 et 04 décembre 2020 l’institut ISS en partenariat avec WANEP-TOGO organisa à l’hôtel Onomo un atelier à l’intention de 43 acteurs de la société civile et des médias autour du « partage d’analyses et d’expériences sur la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent au Togo à l’endroit des organisations de la société civile et des médias. De cette rencontre il s’est dégagé très explicitement que le travail de qualité des médias serait primordial pour contrer les fausses informations. En bref, le travail en synergie n’en sera plus que stratégique.

Par Seyram ADIAKPO, Chargé du programme Recherche et Plaidoyer (Wanep-Togo)
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