Forum Afrique 2021 du CIAN: Le Togo a réalisé une croissance de 1,8% en 2020, malgré la pandémie, un fort rebond de l’activité économique y est attendu pour 2021 (V. Dogbé)
Le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), en partenariat avec le journal l’Opinion, a organisé jeudi 1er juillet son Forum Afrique 2021, placé sous le thème de la contribution des entreprises à la relance économique. Les participants à ce forum marqué par la présence de nombreuses personnalités politiques et économiques, africaines et françaises, ont détaillé les contours du « nouveau pacte des entreprises ». La crise, dont les effets se font toujours ressentir, n’a pas épargné le Continent. Elle a cependant agi comme un accélérateur de transformations. Grâce à leur agilité et leur capacité de résilience, les entreprises ont été en première ligne face à ces enjeux. Elles se montrent déterminées à relever le défi de la relance africaine, qui passera nécessairement par le secteur privé.
Organisé chaque année, le Forum Afrique est un temps fort, attendu et reconnu par la communauté des acteurs économiques impliqués en Afrique. Pour la première fois, l’édition 2021 a été placée sous le haut patronage du président de la République française, Monsieur Emmanuel Macron. D’éminentes personnalités ont pris la parole au cours de cet événement qui combinait audience en présentiel et en digital : Madame Victoire Tomegah-Dogbé, Premier ministre du Togo, en ouverture, Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances de la France, et Monsieur Akinwumi Adesina, Président de la Banque Africaine de Développement, en plénière, Monsieur Patrick Achi, Premier ministre de la Côte d’Ivoire, en clôture et en duplex d’Abidjan.
Dressant un panorama de l’année écoulée, plusieurs intervenants ont souligné les risques d’une décorrélation entre l’Europe et l’Afrique et ont appelé à agir afin de préserver les chances d’une relance coordonnée. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance de la France a déclaré en ce sens : «Il y a un risque stratégique majeur, celui d’une grande divergence entre le continent africain d’un côté, l’Europe et les États-Unis de l’autre. Nous devons réallouer de l’argent aux pays africains pour qu’ils relancent leur économie, et appuyer le secteur privé africain».
Akinwumi Adesina, le Président de la Banque Africaine de Développement, revenant sur la dimension sanitaire de la crise, a plaidé pour l’affirmation d’une indépendance pharmaceutique africaine : «Je ne peux pas supporter l’idée que l’Afrique, avec 1,2 milliard de personnes, dépende des autres pour les vaccins. Nous devons investir, comme le fait la BAD, pour attirer les entreprises qui en produisent ».
Concernant les enjeux de financement de l’investissement, Alain Pécheur, du groupe CFAO, a alerté : «L’Afrique part avec un handicap gigantesque en termes de taux d’intérêt, si l’on compare les taux du Continent avec ceux pratiqués dans d’autres régions du monde. Il est urgent de combler cet écart ».
Les synergies entre le secteur public et le secteur privé en matière de financement ont été au cœur de l’intervention de Nicolas Dufourcq, le Directeur général de BPI France. Il a expliqué que son institution allait consentir un effort particulier en direction des PME françaises investies en Afrique, marché stratégique où les opportunités d’affaires sont importantes. «BPI propose 600 millions d’Euros de garanties annuelles aux entreprises françaises opérant en Afrique. Elle propose également des solutions de crédit-export aux acteurs africains se fournissant en biens d’équipement français. Enfin, BPI injecte des fonds propres dans les fonds de private equity africains».
Les participants de la table-ronde consacrée à l’accélération de la transformation des entreprises en Afrique ont insisté sur les mutations intervenues ces quinze derniers mois. « Au début de la crise, le focus était placé sur la santé des collaborateurs. Désormais, il est tourné vers "où", "quand" et "comment" le travail va être effectué.
Le capital humain est donc au cœur de la transformation », a expliqué Emmanuel Gadret, Managing Partner Deloitte Afrique. Mame-Fatou Gueye, de Microsoft, a souligné les défis liés à l’accélération de cette transformation. «L’infrastructure numérique seule ne suffit pas. Il faut accompagner les employés, identifier les déficits de compétences, mettre en confiance les salariés concernés ». Henry Wazne, Directeur général de la Sofibanque (RD Congo), s’est exprimé sur l’importance du numérique pour apporter des solutions innovantes aux clients du secteur bancaire.
Cet enjeu du numérique et de la transformation digitale a également irrigué les débats de la table-ronde dédiée aux passerelles entre grands groupes, PME et jeunes pousses locales. Alioune Ndiaye, Directeur général d’Orange Middle East and Africa, a estimé que : «Les Africains sont les mieux placés pour créer les entreprises qui répondent à leurs besoins. Il devient donc impératif de former les jeunes au numérique». Adnane Ben Halima, de Huawei Northern Africa, a souligné l’importance de la formation des talents : « Il incombe aux grands groupes la responsabilité de partager leur savoir pour dynamiser l’écosystème local des start-ups. La transformation digitale, qui est une des voies pour sortir par le haut de la crise, suppose également de résoudre le défi de la connectivité et d’améliorer les infrastructures numériques».
Numérique et industrialisation, des armes à disposition de l’Afrique
L’industrialisation constitue un autre défi majeur. « Des industries de transformation se mettent en place dans plusieurs secteurs des commodities, notamment le bois, mais la question de l’accès à l’énergie est cruciale et demeure problématique dans une perspective d’industrialisation du Continent », note Sébastien Beuque, Directeur général adjoint de Bolloré Logistics Afrique. La nouvelle donne africaine représente aussi une opportunité pour développer de nouvelles coopérations. Chaher Boulakhras, Président-directeur-général de la Sonelgaz (Algérie) a affirmé : «La crise sanitaire a renforcé notre ambition de diversifier notre économie et nos exportations. L’Afrique pourrait être une parfaite opportunité pour penser un nouveau modèle de relocalisation de proximité ». Sami Agli, Président de la Confédération algérienne du patronat citoyen, a ajouté : «L’Algérie est complètement ouverte. La prochaine étape consiste à concrétiser des partenariats avec nos amis européens et africains».
Confrontée à un choc d’une ampleur inédite, l’Afrique a fait preuve d’une résilience remarquable. Un point souligné par Madame Victoire Tomégah-Dogbé, Premier ministre de la République Togolaise, dans son propos d’ouverture : «Le Togo a réalisé une croissance de 1,8% en 2020, malgré la pandémie, et un fort rebond de l’activité est attendu pour 2021. Les perspectives sont bonnes mais nous devons tous être vigilants et conscients de la nécessité d’agir ensemble et de manière cohérente pour répondre aux défis communs. L’économie post-Covid-19 ne peut plus être cloisonnée si nous voulons réussir le pari de faire émerger une économie mondiale inclusive et durable».
Monsieur Patrick Achi, Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire, a dressé un constat similaire dans son propos de clôture : «En 2020, alors que nous attendions 8% de croissance avant crise, nous atteindrons 2%. Notre résilience trouve sa source dans les fondamentaux de notre économie, réactive, agile et globale. En 2021, nous tablons sur plus de 6% de croissance».
Pour Étienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) : «C’est le moment d’investir en Afrique, et d’accompagner l’évolution du Continent aux côtés des entreprises, et avec l’aide des pouvoirs publics. Montrer les exemples de transitions réussies et les potentialités que recèle les changements en cours était la raison d’être de ce Forum».
Le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) rassemble et accompagne l’essentiel des sociétés françaises investies sur le continent africain (ses membres réalisent 80% du volume d’affaires français avec le continent). Le CIAN est par ailleurs une force d’influence auprès des décideurs et des institutions du développement en France, en Afrique et à l’international.