Dans une interview qu’il a accordée à la presse nationale, à l’occasion de ses premiers 100 jours à la tête de l’Etat, le Président de la République du Niger Mohamed Bazoum s’est largement étalé sur les questions sécuritaires concernant aussi bien son pays que ceux de la Région Sahélienne.
L’une des questions auxquelles le Chef de l’Etat nigérien a répondu au sujet de la sécurité est relative à la présence des forces militaires étrangères dans plusieurs pays du Sahel, et notamment au Niger.
En effet, rappelle-t on, pour faire face à la menace terroriste à laquelle il est confronté, le Niger a noué des partenariats avec plusieurs occidentaux comme la France, les Etats Unis d’Amérique, l’Allemagne et l’Italie, qui ont déployé d’importants effectifs militaires sur son vaste territoire de 1.267.000 km2.
A ce sujet, le Président Mohamed Bazoum parle d’une «nécessité» face à la «faiblesse de notre armée». «Moi, je suis sûr que si nous étions dans une situation où, par nos propres forces, on était à mesure de faire face efficacement au défi du terrorisme, nous n’aurions pas songé à faire recours à qui que ce soit. Certainement que personne ne nous aurait proposé ses services», a-t-il lancé.
«C’est parce que très objectivement nous avons compris que notre système de défense est lacunaire à certains de ses aspects que nous avons eu besoin de concours des partenaires. Aujourd’hui, nos capacités aériennes sont faibles, ainsi que nos capacités de renseignement. Ça a besoin d’une technologie qui n’est pas, pour le moment, à notre portée parce que son coût financier est très élevé », a-t-il expliqué.
«Et pour cette raison, nous avons, au nom de la responsabilité qui est la nôtre, d’assurer de façon optimale la sécurité de nos populations, accepté la contribution des partenaires (…) lorsqu’ils nous l’ont offerte. Voilà terre-à-terre de quoi il est question», a-t-il poursuivi.
Le Niger, rappelle-t-on, abrite plusieurs foyers d’insécurité causée par les récurrentes attaques des groupes terroristes, notamment à Diffa et à Tillabéry. Cette situation d’insécurité, indique-t-on, a fait des centaines de morts et des milliers de déplacés. Selon des sources humanitaires, le Niger compte, à la fin février 2021, quelque 234 000 réfugiés repartis dans les régions de Diffa, Maradi, Tahoua et Tillabéry.
Interrogé sur le retour de ces populations déplacées dans leurs localités respectives, un projet qu’il a entrepris il y a tout juste quelques semaines, le Président de la République indique que la situation dans la Région de Diffa est, à maints niveaux, différente de celle de la Région de Tillabéry.
«Nous avons des situations sensiblement différentes à Diffa et à Tillabéry», a déclaré Mohamed Bazoum, précisant qu’à « Diffa, il y a eu des populations très nombreuses, plus de 100.000 déplacés internes, installées hors de chez elles, et ce depuis 2015, pour certaines, 2016 pour la plupart, 2017 par la suite et ainsi de suite».
«A Tillabéry, nous n’avons pas eu un mouvement de déplacement et de fixation définitifs de populations sur des sites hors de leurs terroirs, sauf les nombreuses populations de la commune d’Inatès qui se sont basées à Ayérou. Nous en estimons le nombre à 15.000 à peu près. Toutes les autres populations, elles ont connu des déplacements, mais qui n’ont pas duré, et en particulier cette année. Dans l’Anzourou, nous avons réagi rapidement pour les ramener et les sécuriser», a déclaré le Chef de l’Etat nigérien. «Elles sont sécurisées», a-t-il insisté.
Cependant, a-t-il reconnu, «il y a eu beaucoup de tentatives d’agressions et de violences contre elles, mais qui ont été mises à l’échec grâce aux dispositifs mis en place de façon durable».
Parlant toujours de la situation de retour des populations dans la Région de Tillabéry, le Chef de l’Etat souligne que dans certaines communes du Zarmaganda, comme Tondikiwindi et Banibangou, des populations se sont déplacées, mais ont été ramenées également. «Nous les avons ramenées, parce qu’il y a la saison des pluies qui approche. Il fallait que ces populations retournent chez elles pour s’adonner à leur activité économique principale qu’est la culture», a fait savoir le Président de la République.
Le Président de la République souligne qu’il «ne nous reste que la population d’Inatès que nous n’avons pas ramenée et pour laquelle nous n’avons pas encore de calendrier, simplement parce que nous estimons que nous n’avons pas un rapport de force suffisant pour sécuriser cette zone qui est extrêmement dangereuse», a martelé le Chef de l’Exécutif nigérien.
«Nous ne ramenons les populations que dans la mesure où nous pouvons les protéger. C’est ce qui s’est passé à Diffa, parce que nous avons créé un rapport de force militaire qui nous permet de le faire. Mais dans la zone d’Inatès, le rapport de force n’est pas encore favorable», a accentué le Président de la République.
Il ajoute, en outre: «Nous avons des populations déplacées aussi dans la commune de Diagourou à Téra, des populations dans les communes de Torodi et de Makalondi, qui ne sont pas très nombreuses. Malheureusement, c’est une zone dont la forme de prévalence terroriste est telle que nous ne sommes pas en mesure là également d’assurer la sécurité dans tous les villages. Et nous avons accepté par conséquent, pour le moment, que ces populations restent sur les sites où elles se sont installées par la force», a poursuivi Mohamed Bazoum.
Le Président de la République a aussi réagi à une question des journalistes sur ses récents propos tenus lors de sa visite, la semaine dernière à Paris, où il déclarait «au Mali, en 2012, les militaires avaient échoué, ils sont venus faire un coup d’État. Cette année encore, en 2021, ils ont fait la même chose. Ce ne sont pas des choses acceptables».
Ces propos du Chef de l’Etat ont suscité beaucoup de débats notamment sur les réseaux sociaux. Et face à cette polémique, Mohamed Bazoum s’explique. « J’ai relaté ce qui s’est passé. Je disais qu’il y a eu un coup d’Etat. Et il y a quand même une coïncidence pour le moins troublante entre les difficultés de l’armée sur le front de la guerre et le coup d’Etat. Et j’ai établi une relation de cause à effet», a déclaré le dirigeant nigérien, précisant que «mon idée à moi, c’est que les militaires ont vocation à défendre leur patrie».
«Au demeurant, si je me le suis permis, je l’ai fait avec la conscience qui est la mienne d’être un grand ami du Mali, parce le Mali pour nous, ce n’est pas un autre pays de l’Afrique australe, ni même de l’Afrique centrale ou de l’Afrique de l’Est. Ce sont nos frères», a-t-il avancé.