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Tribune libre: Les enjeux de la modernisation du Grand-Lomé (Djeguema Koffi, architecte-urbaniste)

Publié le vendredi 16 juillet 2021  |  Echiquier
Centre-ville
© aLome.com par Parfait
Centre-ville de Lomé vu depuis l`immeuble de la BTCI
Lomé, le 2 septembre 2015. Activités quotidiennes sur le boulevard circulaire, côté nord.
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L’arrivée tardive de la saison des pluies, nous replonge dans le vécu catastrophique que les populations loméennes avaient un tant soit peu oublié. La saison des pluies avec son cortège de scènes de désolations de populations délogées par la crue des eaux de ruissellement, des rues inondées et impraticables, des quartiers transformés en lacs envahis par une faune de crapauds bruyants…Tout cela nous rappelle à quel point notre ville capitale peine à rejoindre le rang des villes modernes, sûres et durables.

En réalité la vulnérabilité du Grand-Lomé à l’égard des intempéries n’est qu’un effet parmi plusieurs autres de la situation générale de notre capitale, qui peine à se moderniser. Autrefois Lomé, dite "la coquette" était une agglomération de taille raisonnable où la plupart des besoins pouvaient être résolus par des moyens relativement simples.

De 1981 à nos jours, soit l’espace de deux générations, sa population a été multiplié par 10 sans pour autant que les mécanismes de la gouvernance de son développement tentaculaire aient été actualisés. En réponse à cet accroissement démographique, l’occupation des sols, généralement mal orchestrée, à des fins d’habitat, a produit une forte artificialisation d’un milieu naturel plutôt fragile nous exposant dangereusement aux effets secondaires des intempéries. Il s’agit véritablement d’une crise de croissance, voire d’une crise de modernisation d’une agglomération autrefois agréable qui n’a pas su conjuguer son développement à l’aune de ses enjeux fondamentaux.

La ville moderne, en tant que lieu de vie doit offrir à ses populations des opportunités acceptables de logement, de travail, de loisirs et bien entendu de mobilité. Un regard sur notre ville capitale, métropole dont la population avoisine deux millions d’habitants, soit plus du cinquième de la population du pays, indique que ces fonctions de la ville moderne sont loin d’être accomplies.

Aujourd’hui, et cela va certainement s’aggraver dans les décennies prochaines, on se loge très mal dans le Grand-Lomé. En effet qu’il soit locataire, ou propriétaire de son chez, qu’il réside dans un quartier péricentral sur le plateau de Tokoin, dans un vieux quartier près du centre-ville, à la moyenne périphérie en cours de densification, ou même dans les marges rurales en cours d’urbanisation, le citadin est très peu satisfait de son cadre de vie. Pourtant l’ouverture des Loméens vers l’extérieur, la pénétration des effets de la mondialisation offre des possibilités pour l’amélioration de l’offre en logement en termes de nouveaux matériaux, de nouveaux procédés de constructions et même d’opportunités de financement.

Le citadin du Grand-Lomé, quand il a l’opportunité d’avoir un travail, n’en est généralement pas satisfait. Le marché de l’emploi, les opportunités d’activités économiques offertes ne sont pas en rapport avec la population jeune, dynamique, et plutôt qualifiée que nous avons. Travailler est aussi une fonction de la ville que le Grand-Lomé peine à assumer. Pour autant des initiatives publiques existent à travers le PND et ses démembrements pour attirer des investissements et créer des emplois.

En réalité, ces initiatives orientées vers le développement économique gagneraient à établir davantage de liens conceptuels et opérationnels avec le développement urbain du Grand-Lomé. Il est en effet difficile d’attirer des investissements quand la qualité de vie à offrir aux travailleurs et aux classes créatives est compromise.
Quand on observe les exemples vertueux vers lesquels le pays et ses dirigeants aspirent, les modèles qui inspirent la vision stratégique de l’action gouvernementale, qu’il s’agisse de Singapour, de la Corée du Sud, de Dubaï, ou même du Rwanda, on constate que dans la plupart des cas, des liens forts ont été établis entre la qualité de vie, le développement d’agglomérations sures et efficaces, et le développement économique. Mieux encore, dans beaucoup de cas la qualité urbanistique et paysagère, l’efficacité infrastructurelle, ou parfois l’élégance architecturale ont servi d’arguments pour attirer l’investisseur.

Toutes ces grandes métropoles économiquement prospères et rayonnantes se distinguent également par leur propension à offrir une panoplie de loisirs riches et variées à leurs citadins, travailleurs, classes créatives, ainsi qu’à leurs visiteurs, touristes, hommes d’affaires et autres. Les lieux de loisirs, malgré les initiatives poussives d’entrepreneurs privés constituent un autre point noir du Grand-Lomé, qui le disqualifie de la concurrence même avec des capitales de pays voisins du notre.

Le sort de notre capitale dépendra de notre capacité à générer un mécanisme de développement urbain qui favorise sa modernisation, en conciliant ses impératifs de développement aux fondements de son équilibre et de sa durabilité.

* Djeguema Koffi, architecte-urbaniste et enseignant à l'EAMAU
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