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Le Sommet de Montpellier ne se présente pas comme un changement de cap dans les relations France-Afrique (M. Quashie et R. Folykoue)

Publié le mercredi 13 octobre 2021  |  aLome.com
Journées
© aLome.com par Edem Gadegbeku & K. T.
Journées de réflexion organisée par l’association `Le Rameau de Jessé` autour de la problématique de l’émergence économique des populations africaines.
Lomé, les 19 & 20 août 2021. Centre Christ-Rédempteur. Journées de réflexion organisées par l’association `Le Rameau de Jessé` autour de la problématique de l’émergence économique des populations africaines dans la mondialisation. Roger Folikoué et Maryse Adjo Quashie du `Rameau de Jessé`.
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Co-auteurs d’une Tribune hebdomadaire sur l’actualité africaine depuis 2020, les universitaires Maryse Quashie et Roger E. Folykoue restent dubitatifs autour des mues fondamentales qui vont prendre forme dans les relations entre l’Afrique et la France après le "Nouveau Afrique-France" du 08 octobre dernier.
"Le Sommet de Montpellier ne se présente pas comme un changement de cap dans les relations France-Afrique", ont conclu ces deux analystes de la vie contemporaine en Afrique, en adressant des propositions pratiques aux organisateurs de cette rencontre de Montpellier.
Ci-contre, l’intégralité de leur Tribune.

Cité au quotidien/Montpellier: Invités surprise

Nous n’avons pas eu l’honneur d’être invités à Montpellier, où le gouvernement français va se mettre à l’écoute des forces vives des pays africains, nous a-t-on annoncé. Nous ne voulons pas ouvrir un débat sur les critères de choix des invités, puisque les nouveaux moyens de communication nous permettent en tous les cas de donner, en temps voulu, notre point de vue de citoyens ressortissants des pays participants. En définitive, ayant constaté que nous pouvions tout de même nous faire entendre à ce sommet dont on vante le fait qu’il sera centré sur l’écoute des propositions, nous pensons qu’on tiendra compte des quelques-unes que nous osons formuler.

Nous commençons par nous présenter. Nous sommes des représentants des groupes et communautés à qui on donne rarement la parole :
- tous ceux qui ne parlent pas du tout ou très peu le français (pourtant recensés dans
les millions de francophones), parce qu’ils n’ont pas pu aller à l’école, souvent parce
que leurs parents étaient pauvres, ou parce qu’ils n’ont pas tenu assez longtemps
dans l’école si française des pays francophones africains;
- tous ceux qui travaillent dans le secteur de l’agriculture ou dans l’informel des villes ;
- tous ceux qui n’arrivent pas à sortir de la pauvreté.

Bref tous ceux qui se demandent pourquoi leur situation ne s’améliore guère et même se dégrade de jour en jour.

Après cette présentation, nous aimerions émettre une remarque préalable. Tout le monde a pu le noter : ce sommet est dénommé sommet Afrique-France, alors que nous avions l’habitude de voir sommet France-Afrique. Nous estimons, que, pour ce qui va se passer à partir du 8 octobre 2021, il faut en revenir à cette première dénomination, car elle révèle la réalité, c’est un sommet dont la France est l’initiatrice.

Nous commençons notre communication par cette question : pourquoi notre continent ne se développe-t-il pas malgré la présence séculaire de la France ? En effet, pourquoi est-ce seulement maintenant qu’on se préoccupe de nous? Pourquoi un tel délai avant de prendre nos problèmes à bras-le-corps ? Pourtant il s’est passé beaucoup de temps : trois siècles d’esclavage et plus d’un siècle de colonisation.

Laissons de côté la question de l’esclavage (pardon à nos frères antillais qui assistent à ce sommet ou le suivent de loin) mais cette mission civilisatrice qu’avait été la colonisation, pourquoi ne nous a-t-elle pas apporté le bonheur?

Nous pouvons même laisser tomber la colonisation, car ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de comprendre pourquoi en ce moment, on prive nos jeunes d’avenir en faisant amis amis avec ceux qui ne donnent pas les moyens pour un système éducatif performant, ceux qui ne sont guère préoccupés par la mise en place d’un bon système de santé, ceux qui ne favorisent guère le développement de l’emploi, ceux qui n’aident pas à la création d’entreprises, ceux qui en plus empêchent les jeunes de protester contre tout cela, de réclamer l’alternance à la tête de nos pays, pourquoi la France manifeste-t-elle plus d’amitié à ceux-là qu’à nous ?

Par conséquent: Notre première proposition est que ce Sommet donne une réponse claire à cette question : Comment la France pourrait-elle vouloir le bien de la société civile et plus particulièrement le bonheur des jeunes tout en soutenant les régimes en place en Côte d’Ivoire, au Togo, au Tchad, au Cameroun, au Gabon, au Congo, etc.?

Quel est ce bonheur des jeunes auquel nous voulons que la France participe ? Ce n’est pas seulement que nous mangions à notre faim dans des logements salubres et confortables, que nous puissions nous soigner convenablement, que nous soyions bien formés, que nous arrivions à trouver ou créer un emploi, oui tout cela c’est absolument indispensable mais aud-dessus de tout cela, notre bonheur serait qu’on reconnaisse notre dignité, celle de nations qui décident elles-mêmes de leur destin. Notre bonheur, c’est que le genou qui est sur notre gorge depuis des siècles soit enlevé pour qu’enfin nous puissions respirer.

Par conséquent: Notre seconde proposition est la suivante : Que ce sommet soit l’occasion pour la France de prendre l’engagement de reconnaître enfin en nous Africains, des femmes et des hommes à part entière, ayant la même dignité que les Occidentaux, libres et capables de choix.

Disant cela, nous pensons que les dirigeants français actuels seraient les dignes héritiers de tous ces Français qui ont, pendant des siècles et surtout durant le siècle des Lumières, lutté pour qu’à tous les êtres humains soit reconnue une égale dignité ; ils seront aussi de dignes contemporains de tous ceux qui continuent ce combat en vérité.

Que soit rayées des échanges entre la France et l’Afrique des déclarations insultantes comme celle d’Emmanuel MACRON s’interrogeant sur l’existence de la nation algérienne s’il n’y avait pas eu la colonisation française (Le Monde, 2 octobre 2021) ou celle concernant la légitimité de Choguel MAÏGA, venu au pouvoir après deux coups d’Etat. A ce propos, on peut se demander qui est bien élu parmi les amis de MACRON : ceux qui ont trituré la Constitution de leur pays comme Alassane OUATTARA ou SASSOU-N’GUESSO?
Ceux qui sont arrivés à la tête de l’Etat à la suite de leur père, dans une succession dynastique soutenue par une partie de l’armée? Et qu’en est-il de l’abstention qui a caractérisé de nombreuses élections en Afrique? La France serait-elle un garant de la légitimité de ceux qui ont été ainsi élus?


Par conséquent
Notre troisième proposition est celle-ci : Que le sommet de Montpellier soit l’occasion pour la France de décider de manifester dans ses attitudes comme dans son langage, un vrai respect pour la Culture et l’histoire des peuples africains et que l’humanisme dont elle se vante soit un principe à appliquer partout. Ensuite que la fraternité qui est dans sa devise soit une fraternité ouverte qui dépasse ses frontières géographiques et culturelles.

Si ces trois propositions sont prises en compte, alors nous ferons tout pour initier un prochain Sommet Afrique-France et ce sera son nom puisque l’initiative viendra enfin de nous Africains.

Voici les axes qui nous semblent importants à retenir et c’est notre dernière proposition:

- Nous voudrions discuter avec la société civile française et l’informer en vérité de ce
que nous vivons dans nos pays ;
- Nous désirerions montrer la conception de la vie et de l’homme véhiculée par nos
cultures ;
- Nous aimerions exposer notre vision de notre continent pour ce 21ème siècle. Nous
voudrions, notamment, remettre sur le tapis la question des frontières et de l’intégration régionale sur la base de nos cultures et, pas seulement de la Francophonie, l’anglophonie, même si nous ne nous faisons pas d’illusion sur le poids de l’histoire.
- Nous voudrions exposer nos choix en matière d’économie, notamment en matière
de monnaie, et de protection de l’environnement ;
- Nous aimerions avoir droit à la parole sur le monde comme il va, en l’occurrence,
refuser les clivages bipolaires spécialement à l’ONU ;
- Nous aimerions fixer des objectifs communs où chaque partie aurait quelque chose
à gagner, car c’est la seule voie de construire un monde avec des projets qui profitent à tous.

C’est impossible? Alors à quoi bon se rencontrer? Pour se congratuler mutuellement et laisser le monde, la France et l’Afrique continuer sur leur lancée actuelle?

«Une société mondialisée qui nous rapproche mais ne nous rend pas frères» (Pape François) peut-elle se présenter comme un monde du progrès au XXI è siècle? Pour notre part, nous lutterons pour que le sommet de nos rêves se tienne un de ces prochains jours en Afrique pour le bien de tous les partenaires car le mot co-opération aurait son vrai sens.
«Une meilleure politique est (alors) nécessaire pour permettre le développement d’une communauté mondiale, capable de réaliser la fraternité à partir des peuples et des nations qui vivent l’amitié sociale. (Mais) malheureusement, la politique prend souvent aujourd’hui des formes qui entravent la marche vers un monde différent» (Fratelli Tutti du Pape François).

Le Sommet de Montpellier ne se présente pas comme un changement de cap dans les relations France-Afrique et aucun des lecteurs de la Tribune de la semaine passée «Montpellier, notre bonheur malgré nous?» n’a exprimé une idée positive sur ledit Sommet ; ils disent ne rien attendre car ce serait pour eux La Baule bis.
Chers participants au Sommet France-Afrique du 8 octobre 2021, c’était nos propositions.

citeauquotidien@gmail.com
Lomé, le 8 octobre 2021"
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