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Le ressentiment antifrançais, ou comment se défausser de ses responsabilités (Par Francis Akindès)

Publié le mercredi 12 janvier 2022  |  Jeune Afrique
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© AFP par AFP
Emmanuel Macron, dans une conférence de presse à l`Assemblée générale de l`ONU ce 25 septembre 2018/ © GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/STEPHANIE KEITH
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Par Francis Akindès (Sociologue, professeur à l'Université Alassane Ouattara à Bouaké, Côte d'Ivoire)

Sur le continent, les scènes d’hostilité à la présence des forces françaises se multiplient. Des manifestations de défiance bien commodes pour certains dirigeants africains, peu enclins à s’interroger sur leur rôle dans l’échec de la lutte contre le jihadisme.

La vague de ressentiment antifrançais – que l’on observe notamment avec le blocage d’un convoi militaire à Kaya, au Burkina Faso, ou encore les récriminations d’un dirigeant malien à la tribune des Nations unies –, ressemble à une éruption cutanée. Ressortent ainsi les comptes mal soldés de la colonisation, transmis de génération en génération.

Les pays d’Afrique francophone ont tous des histoires particulières dans leur relation avec l’ancien pays colonisateur. Le Mali a, par exemple, demandé à Paris de le débarrasser du jihadisme en 2013. Huit ans plus tard, la présence de groupes armés se fait grandissante et menaçante. Et tout se passe comme si l’on demandait des comptes à un prestataire de service… L’État malien en veut à l’Hexagone de n’avoir pas fait la guerre à sa place.

L’éléphant et la fourmi

Ailleurs aussi, la colère gronde. Au Niger et au Burkina, on rappelle à la France que la situation actuelle n’est qu’une conséquence de son intervention de 2011 en Libye. On la somme de payer, matériellement et militairement, dans un processus qui relève en fait de la déresponsabilisation de soi. Accuser ainsi la France de tous les maux est censé permettre de masquer la faiblesse de l’État au Niger et au Burkina, et sa faillite au Mali.

Cette hostilité à l’égard de Paris me rappelle ce que disaient deux chercheurs américains, Todd Palmer et Jacob Goheen, sur la relation entre l’éléphant et la fourmi : si grand soit-il, le premier a peur de l’autre, parce qu’elle peut entrer dans ses narines. La fourmi, elle, va se nourrir de nectar d’acacia. Le nectar, dans la zone sahélo-saharienne, c’est cet imaginaire complètement pollué par le fait qu’on n’ait jamais voulu faire une lecture plus objective des situations ayant mené au jihadisme. Un nectar produit par un environnement d’États emplis de failles, qui n’ont d’armées que le nom et sont sous l’emprise de la désinformation russe.

Embarrassé par la gestion de ce problème, l’éléphant voit bien la ruse de cet État malien qui ne veut pas assumer sa faiblesse, et se cherche des voies de contournement. Il est surtout question, pour Assimi Goïta, de se constituer une garde prétorienne afin de rester durablement au pouvoir. Le tout, en faisant endosser à la population ce nectar du sentiment antifrançais qui lui permet d’avancer masqué dans la conservation du pouvoir, son objectif premier.

Mentalité postcoloniale

La France a un intérêt à se trouver au Mali – intérêt chahuté par l’opinion africaine, mais qui correspond à des objectifs européens précis  : maîtriser le phénomène terroriste au Sahel, territoire à haut risque.

L’Europe laisse la France faire le gendarme dans sa zone d’influence, et l’État malien laisse des intellectuels mal lunés accuser Paris d’impérialisme. Des penseurs qui passent leur temps dans les avions abreuvent l’Hexagone d’un discours qui entretient le «sanglot de l’homme blanc», nourrit une bonne conscience de gauche et fait mouche en Afrique. Nous assistons, ces dernières années, à l’essor d’une opinion mue par de l’acrimonie, plutôt que dotée de véritables capacités d’analyses de la réalité. Le tout se trouve emballé dans une impuissance à gérer le jihadisme. Et celui-ci gagne, en fin de compte.

Cette posture de lamentation reste enracinée dans une mentalité postcoloniale. Elle donne l’impression d’une prise de conscience et de perspective d’avenir à tort, car ce discours ne porte aucune alternative, n’offre aucune force de proposition, et ne fait qu’obstruer l’horizon des plus jeunes. Ceux-ci n’ont pas vécu la colonisation, mais les conséquences des mauvaises décisions prises pendant les trois décennies qui ont suivi les indépendances, et dont les responsables deviennent les porte-flambeaux de la lamentation pour cacher leurs propres responsabilités. Qui décide de l’allocation des ressources, des budgets ? S’il n’y a pas de plateaux techniques et de médicaments dans les hôpitaux publics de ces pays, si les enseignants n’ont pas de matériel pédagogique dans les écoles et les universités, est-ce la faute de la France ? Soyons sérieux !

Le théâtre de Montpellier

L’attitude tricolore n’aide pas non plus, il faut le dire. Le sommet de Montpellier, organisé en octobre 2021 pour capter les voix de la diaspora en France et actualiser le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou, s’est octroyé les services de l’un des intellectuels les plus critiques sur la relation France-Afrique.

Une grosse prise pour le président français que d’avoir associé Achille Mbembe à cette entreprise. Vu d’Afrique, le sommet de Montpellier n’en reste pas moins une ruse qui ne modifie en rien les relations qu’il prétend refonder.
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